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Airman
Eoin Colfer
Gallimard Jeunesse, roman traduit de l’anglais (Irlande), uchronie aérienne, 410 pages, novembre 2008, 20€

Dans un petit royaume insulaire proche des côtes anglaises, les îles Salines, à la fin du XIXe siècle, le jeune Conor rêve de voler. Lui qui est né dans un ballon, lors de l’Exposition Universelle de Paris, ne nourrit qu’une ambition : fabriquer une machine pour prendre son envol. Aidé de Victor Vigny, un aéronaute français, et du roi Nicholas, souverain progressiste des Salines et quasi son parrain, ses rêves pourraient devenir réalité. C’est sans compter avec Hugo Bonvilain, le redoutable chef d’un ancien ordre de croisés, dont la famille ambitionne depuis des générations de renverser le roi et de prendre le pouvoir.
Et lorsqu’un soir, Conor surprend Bonvilain assassinant le roi et son ami Victor, en faisant porter le chapeau à ce dernier, c’en est fini des rêves, et commence le cauchemar.



Après une enfance un peu gâtée, aux côtés de la princesse Isabella, le jeune Conor est en passe de devenir un grand savant, sous la férule de Victor Vigny, qui lui enseigne les science et l’escrime. Tout cet univers doré s’effondre à la mort du roi, lorsque le maréchal Bonvilain fait enfermer Conor dans la prison-mine de diamants de la Petite Saline, après avoir fait croire à son père qu’il était mort.

Sur l’île, dans sa cellule, Conor rencontre un ami de Victor, l’aveugle espion Linus, qui lui enseigne comment survivre dans cet enfer, pour un jour espérer recouvrer sa liberté et réclamer justice pour son roi. Las, le vieil homme est emmené par la garde peu après, laissant Conor seul avec sa colère et ses peurs. Il va néanmoins suivre ces précieux conseils, et mettre à profit ses talents pour organiser son évasion, le jour du couronnement d’Isabella, deux ans plus tard, grâce à sa science de l’aéronautique et la cupidité de son geôlier.

Enfin libre, il va construire sa machine volante tant rêvée, mais hésite sur son avenir. La prison l’a endurci, lui a fait perdre son identité au profit d’un rôle qui lui a permis de survivre. S’imaginant que plus rien ne le retient, il envisage de partir en Amérique poursuivre ses expériences. Heureusement qu’un vieil ami va le ramener à la raison, et à son passé, pour déjouer les plans machiavéliques de Bonvilain, qui projette, entre autres, d’assassiner Isabella.

Je n’avais rien lu d’Eoin Colfer (prononcez “Owen”), pas même un « Artémis Fowl ». Son style est très agréable, attachant, et captivera petits et grands.
L’univers qu’il développe ici, entre l’uchronie inspirée de Jules Verne et le “steampunk”, est dense et très documenté, chargé d’allusions et de détails, qui pourront rebuter parfois les plus jeunes (l’éditeur conseillant le roman à partir de 11 ans, j’en ajouterai bien 2-3 de plus).
La jeunesse du héros me pose un peu problème également : arriver à 14 ans dans un tel enfer minier après une enfance plutôt choyée, et s’en sortir, est assez peu crédible. Colfer joue également avec le temps de façon assez élastique, et le jeune Conor, encore sous le choc du régicide, se changera en un survivant déterminé en moins de trois jours.

Mais bon, on est ici dans le pur divertissement, et on ne s’étonnera pas de passer du rire aux larmes, par des détails truculents (le roi s’extasiant devant ses toilettes ultra-modernes, un chef de gang soucieux de sa chevelure soyeuse..) qui rappellent des animes japonais comme « Fullmetal Alchemist » (pour rester dans un univers proche), où une vanne totalement incongrue vient soulager la tension d’une scène un peu dure.

Malgré une très bonne écriture et un récit qui se dévore, on n’a ici rien de bien original : un roman d’apprentissage avec une enfance brisée par la mort violente des figures paternelles, la déchéance du paradis à l’enfer, la vengeance et la violence (mesurée) comme seuls soutiens dans un univers carcéral, une évasion spectaculaire et un retour en grâce du héros et de ses projets initiaux. Même l’amour d’une princesse. C’est mon gros reproche à ce magnifique roman : peu ou pas de surprises, on est sur des rails, la mécanique est bien huilée.

J’exagère un peu. Outre cet univers à la limite du “steampunk”, on appréciera dans la troisième partie, suite à l’évasion, le questionnement du héros. Là où d’autres romans construits à l’identique auraient tout misé sur la vengeance, Eoin Colfer nous met face au doute : Et si la prison avait réellement changé Conor ? Et s’il n’était plus ce jeune homme amoureux de la princesse, mais ce froid tacticien qui a su s’imposer auprès des pires brutes de la prison ? Après deux ans en enfer, et alors que personne ne s’est soucié de lui, pourquoi se soucierait-il des autres ? Sa princesse l’a sans doute oublié. Ses parents aussi, d’ailleurs, son père le croit coupable de régicide, et il semble avoir tourné la page, effacé ce fils indigne de sa mémoire.
Mais... si ce n’était qu’un écran de fumée, habilement monté par Bonvilain ? Et si l’amour (filial, fraternel, passionné) était plus fort que tout ? Et si comme dans les contes de fées, la princesse décidait d’épouser l’homme volant ?

On passera donc sur le relatif classicisme du scénario pour apprécier à sa juste valeur un roman qui vous emporte dans ces îles imaginaires, où l’utopie affronte la tyrannie, et dans lequel on ne tiquera pas sur certains raccourcis tant le reste est captivant et bien écrit. On appréciera surtout la dernière partie, où malgré une synchronicité d’évènements digne du cinéma et un “happy-end” quand même de rigueur, le héros s’interroge véritablement sur ce qui guide ses actes.

Un très bon moment de lecture, qu’il est difficile de repousser à plus tard une fois les premières pages avalées. L’humour omniprésent, apparente marque de fabrique d’Eoin Colfer, peut emporter l’adhésion comme rebuter, mais ajoute une touche d’humanité dans ce qui pourrait passer sinon pour un drame.

Donc un classique jeunesse en devenir, la quintessence d’un schéma et d’un genre, rehaussé d’une touche de dérision. À ne pas manquer.

Quelques coquilles, dont plusieurs répétées.

Texte - 575 octets
Airman - 17 corrections

Je soulignerai aussi vers la page 375 la précocité de Sean, qui à 2 ans connaît beaucoup de mots et parle aisément...


Titre : Airman (Airman, 2008)
Auteur : Eoin Colfer
Traduction de l’anglais (Irlande) : Philippe Giraudon
Couverture : Steve Stone
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 410
Format (en cm) : 15,5 x 22,5 x 3
Dépôt légal : février 2008
ISBN : 978-2-07061911-5
Prix : 20 €



Nicolas Soffray
21 mars 2010


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