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Marelle d’Ombres
Denis Labbé
Argemmios, recueil (France), fantastique, 234 pages, février 2010, 16,90€

À travers treize nouvelles de fantastique, Denis Labbé nous emmène dans le Paris de la fin du 19e siècle, à Venise, dans un Berlin uchronique, dans la rénovation d’un vieux moulin, dans les banlieues…
Treize occasions de plonger dans un fantastique classique ou plus enlevé.



Né en 1965 à Lunéville, Denis Labbé est peut-être plus connu pour ses articles et critiques que pour ses productions littéraires. Dans la revue « Galaxies » (Nouvelle Série), il s’occupe des fictions anglo-saxonnes et signe la rubrique “Autremondes”. Pourtant, ce professeur de lettres modernes a écrit deux romans, plus d’une cinquantaine de nouvelles publiées sur différents supports, et même quatre recueils de poésie.
« Marelle d’Ombres » représente donc une belle opportunité de découvrir cette facette un peu méconnue de Denis Labbé.

Sous une sobre et belle couverture (“La Guide” de Gilles Grimoin), Argemmios nous livre là un recueil complet, avec une préface d’Alain Delbe, treize textes dont une partie déjà publiés mais retravaillés pour l’occasion, les sources d’inspiration des nouvelles et les biographies de l’auteur et de l’artiste.
Cette présentation soignée nous prouve tout le sérieux de l’éditeur qui place « Marelle d’Ombres » sous d’excellents auspices.

Denis Labbé démarre en douceur sur fond de Paris de la fin du 19e siècle (“Et Omnia Vanitas” et “Mantille”), puis nous amène à Venise (“Agent de la Camarde”), textes que l’on pourrait qualifier de classiques et sans réelles surprises, mais non moins agréables.

Puis l’auteur nous démontre que son inspiration ne se base pas seulement sur le passé, qu’il peut s’affranchir de ces passages obligés. Dans “Papillons de nuit”, une femme sculpturale s’installe dans une banlieue défavorisée, attisant les convoitises de tous les jeunes hommes. Le ton tranche totalement par rapport aux trois nouvelles précédentes, il est en symbiose avec l’histoire et concourt à en faire une des réussites de ce recueil.

Helldorado” et “Un meurtre de corbeaux” ont déjà été publiés auparavant, mais le premier s’oublie vite après la lecture et l’histoire de l’autre ne m’a guère convaincu.

Sur le site de fouilles archéologiques de “Kourgane au cœur”, passé et présent sont imbriqués. Sans grands effets mais avec de la poésie, Denis Labbé nous interpelle sur cette volonté de décrypter l’Histoire en violant des tombeaux. La connaissance justifie-t-elle les moyens ? Un des textes marquants de ce recueil.

Dans le Berlin uchronique de “Links 2 3 4”, les créatures fantastiques constituent pour tous les camps le moyen de gagner la guerre. Le personnage veut tout arrêter et nous livre ses impressions désenchantées. Un regard sur la guerre et sa folie. De belle facture.

Denis Labbé se fait aussi plus intimiste avec “La Coupe de ton regard” et “Juste un pincement au cœur”. Toutefois il cherche tellement à retarder la révélation finale qu’il en devient confus et que le lecteur a du mal à le suivre, donc à s’intéresser à ces deux récits.

On pourrait aussi lui reprocher par moments une certaine érudition avec de nombreuses références pas toujours accessibles à tout un chacun. Dans les genèses de “Rosebud” et de “La cage”, il s’en explique. Toutefois, ce sont indéniablement deux belles nouvelles, que l’on saisisse ou non les allusions.

Corpus” achève en beauté le recueil avec un soupçon d’horreur. Quand Jack l’Éventreur se manifeste pour vous guider dans la vie, quel tour pensez-vous qu’elle prendra ? “Corpus” est révélateur des passions de l’auteur, la musique et la peinture (l’art en général) semblent rythmer sa vie. Les deux personnages sont partagés entre les deux mais trouvent un terrain d’entente.
Denis Labbé témoigne justement de son amour de l’art par la création, dont « Marelle d’Ombres » est une émanation.

Comme souvent dans un recueil, chaque lecteur trouvera des nouvelles qui lui parleront et d’autres qui ne le toucheront pas. Parfois une histoire le marquera particulièrement et elle restera gravée dans sa mémoire, devenant ainsi une référence pour ses futures lectures. Pour moi, “Papillons de nuit”, par son ton et son histoire, relève de cette catégorie.

Heureusement, « Marelle d’Ombres » ne se résume pas à ce seul texte, mais à de très bons moments de lecture. Sa qualité réside dans la diversité de tons et de thèmes, dans sa capacité à nous surprendre à l’occasion.
Quand on regarde les dates de première parution des textes non inédits par rapport à la sortie de ce livre, on imagine que « Marelle d’Ombres » retrace près de dix années de la production de Denis Labbé. Après lecture, on a l’impression de mieux le connaître, comme si on avait partagé des moments privilégiés.

En ces temps où les recueils de nouvelles fantastiques sont devenus bien rares, cette marelle ne mérite pas de rester dans l’ombre. Découvrez Denis Labbé avec des textes que l’on sent travaillés, ciselés et servis par une belle plume.

« Marelle d’Ombres » est disponible directement chez l’éditeur.


Titre : Marelle d’Ombres
Auteur : Denis Labbé
Illustration : Gilles Grimoin, “La Guide”
Éditeur : Éditions Argemmios
Directrice de collection : Nathalie Dau
Site Internet : recueil (site éditeur)
Pages : 234
Format (en cm) : 20 x 14
Dépôt légal : février 2010
ISBN : 978-2-9530239-7-8
Prix : 16,90 €



François Schnebelen
28 février 2010


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Gilles Grimoin, « La Guide »



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