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Le cyberespace de l'imaginaire




Pour une Poignée de Koumlaks...
Sellig
Black Coat Press, Rivière Blanche, roman (France), délire spatial complet, 330 pages, novembre 2008, 20€

Dans l’armée, y’a pas que de l’élite, y’a aussi des boulets. C’est une règle universelle, et elle se vérifie ici : en mission d’observation de la Terre, deux extra-terrestres glandouilleurs font une gaffe avec une sonde spatiale. Pas grand-chose : on voit juste un peu la main de Bob sur la photo !
Tandis que sur Terre c’est le branle-bas de combat, Bob et Lek ont leur supérieur, Jourdiek, sur le dos. Mais ce dernier a à peine fini de les couvrir d’insultes qu’un croiseur des forces spéciales commence à les pilonner au laser !
Par une manœuvre peu orthodoxe qui ne s’apprend pas à l’académie spatiale, Lek parvient à leur échapper. Mais le vaisseau a... euh... comment dire ...? salement morflé. Aussi, cap sur la Terre, si possible discrétos, pour réparer tout ça avant de filer à l’autre bout de la galaxie se faire oublier quelques dizaines d’années.

Et en plus, ils sont presque à court de bières !!



Sur Terre, à Lyon, Éric est dans la panade. Un huissier va bientôt saisir sa boutique d’informatique et en plus, sa copine l’a quitté, à cause de Data, son pote geek qui squatte chez lui comme au magasin.
Pour rendre service et faire rentrer des sous dans le tiroir-caisse, Data a filé un coup de main à la mafia lyonnaise (oui, ça existe) sur une histoire de cartes bleues falsifiées. Mais les malfrats ont été pris, quelqu’un aurait parlé... En plus de l’huissier, c’est bientôt la PJ qui vient frapper à la boutique. Data file se mettre au vert chez son grand-père adoptif, dans le coin le plus reculé de France et le moins bien desservi par l’ADSL (alors la wi-fi, pensez), la Creuse... laissant Éric dans les embrouilles, avec sur le dos les “clones” de Data, ses potes geeks un peu envahissants.

Et là, deux destins vont se rencontrer...

Soupe aux choux 2008

Parce que bien évidemment, après avoir foutu la honte aux Mirages et aux F-14 en poussant un peu le moteur, Lek et Bob vont se poser dans un coin tranquille de la forêt creusoise. Bien à l’abri sous leur champ protecteur, ils font le point lorsque Data leur tombe dessus. Entre la joie de l’un de rencontrer de vrais aliens et le soulagement des autres d’être tombés sur un Terrien ouvert d’esprit et calé en informatique... Bon d’accord, ils ont tous les flics de leur planète respective aux fesses, et alors ?
Et puis du moment qu’il y a de la bière, et du jaja pour le grand-père Blaise...

« Independance Day » made in france profonde

Bon, on ne pouvait pas se contenter de déguster les spécialités locales, notamment charcutières ou houblonnées, rigoler avec l’IA du vaisseau et s’extasier devant la super-méga-la-vache de technologie de l’espace... Les choses se gâtent lorsque arrivent, à peu près en même temps, Jourdiek accompagné d’une charmante et meurtrière mercenaire, deux tueurs à gages envoyés par le commandant suprême pour nettoyer le bazar, trois tueurs de la mafia lyonnaise, la PJ de cette même ville et en apothéose, l’ulcéré général Lefèvre à la tête des forces mondiales coalisées contre l’invasion alien...
Il faudra quelques lasers et autres missiles sol-air pour que les vaches commencent vraiment à se demander quelle est la cause de cette agitation dans leur champ, très inhabituelle pour un mois de novembre... Les zigotos qui disparaissaient et réapparaissaient en piétinant leur herbe, passe encore... mais le son et lumière à domicile, c’est nouveau !

Série B à donf !


Disons-le franchement : « Pour une poignée de koumlaks... » n’est pas à prendre au sérieux. Sellig, humoriste sympathique et trop rare, nous pond une histoire fortement arrosée de bibine, avec pour message (si ! si ! y’en a un) qu’il y a des boulets partout, que le pouvoir corrompt, et que l’un ou l’autre, voire le mélange des deux, n’est jamais bon pour l’individu lambda tel que vous et moi (enfin, vous, je ne sais pas, de quelle planète êtes-vous ?), sur qui le sort, l’administration et la hiérarchie s’acharnent avec un plaisir cruel à pourrir nos existences.

Coquillettes format familial

Mais Sellig, en fournissant 330 pages de série B, s’égare parfois, voire assez souvent. Le style laisse un peu à désirer, hormis lors des interventions de l’auteur dans la narration, truc scénique que Sellig utilise à bon escient. Cependant, la majorité des répétitions ne peuvent passer pour des effets de plume. “Au-dessus de la tête des Terriens, les martiens n’en font qu’à leur tête.”, un exemple (cité de mémoire) parmi d’autres qui laissent planer le doute.

Certains paragraphes tranchent quand même nettement dans le tas, avec un second degré très bien maîtrisé.
Oui, les sondes météo spatiales ont besoin d’attention, sinon elles fichent le camp... Non, les vaches ne sont pas placides, elles savent faire preuve de réserve et de neutralité....
Ils sont néanmoins assez rares, et c’est dommage, car ils prouvent, à intervalles réguliers, que l’auteur, en travaillant sérieusement, en soignant son travail, aurait pu rendre un bouquin pas seulement drôle, mais mémorable. Et pas pour les incohérences et les coquilles.

Sellig se complique en effet la vie avec des choses inutiles. Prenez Éric, son héros : la première chose qu’on apprend à son sujet est qu’il a perdu une main. Mis à part un jeu de mots douteux quelques pages après, cela ne joue en rien dans les évènements, jusqu’à ce que les martiens lui régénèrent le membre (...), s’attirant sa reconnaissance éternelle, quand bien même il était déjà d’accord et motivé pour les aider à réparer leur engin. Bref...

Et je ne vous parle pas des coquilles. Allez, si, un peu.
L’ouvrage fait honneur aux anciens Fleuve Noir, avec des trucs à corriger à chaque page : des virgules partout sauf où il en faut, mille fois trop de points d’exclamation (une phrase sur trois !), une ponctuation fluctuante, les “Eh bien, eh oui...” systématiquement orthographiés “Et bien...”, les “fut” (passé simple) qui récupèrent quasi toujours un circonflexe de subjonctif, si bien qu’aux bières qui coulent à flots s’ajoutent des “fût(s)” assez fréquents...

Aussi n’ai-je pas pris la peine de relever tout cela. À la place, je vous propose un sympathique florilège des confusions humoristiques engendrées par tout cela :

Texte - 1.4 ko
Pour une poignée de koumlaks - florilège !

Je n’accablerai pas Philippe Ward, le directeur de Rivière Blanche, la micro-édition c’est pas facile, et quelques coquilles font partie du charme de son projet de poursuite du “Fleuve”. Je taperai un peu sur l’auteur, parce qu’à ce niveau, c’est déjà lui qui aurait dû se relire, au moins rapidement, plutôt que me contraindre à biffer sans relâche à la mine de plomb. C’est vrai, quoi, ça ralentit la lecture... Non, sans plaisanter, certaines fautes sont vraiment énormes, et même les moins pinailleurs que moi renâcleront à chaque passage à tabac de la langue française et des conjugaisons élémentaires.

Imparfait mais pas si mal !

Néanmoins, si vous faites abstraction de la forme, « Pour une poignée de koumlaks... » est un roman bien sympathique, franchouillard, pas prise de tête, et réjouissant à dévorer. La bataille finale, apothéose apocalyptique comme la Creuse n’en a jamais vue, est truculente, ne serait-ce que par la présence des inébranlables vaches sur les lieux !

Le happy end anticipatif n’était pas obligatoire, tout plein de bons sentiments et tout ça, mais bon... Cela donne une touche d’espoir après cette démonstration de brutalité et de bêtise à créditer aux puissants, toutes origines confondues.
Guère utile également la préface de Bernard Werber, qui en profite pour faire la promo de son film « Nos Amis les Terriens » (sorti début 2007 dans le plus grand anonymat... vu ses derniers romans, c’est peut-être pas plus mal...).

On notera la couverture de Mad Dog, qui en plus de donner le ton, instille une idée préconçue dans nos esprits plus ou moins étriqués : qui a dit que les extra-terrestres étaient de petits hommes verts ?


Titre : Pour une Poignée de Koumlaks... (roman, France)
Auteur : Selling
Préface : Bernard Werber
Couverture : Mad Dog
Éditeur : Black Coat Press
Collection : Rivière Blanche
Numéro : 2051
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 330
Dépôt légal : novembre 2008
Format : 12,6 x 20,4 x 2,3
ISBN : 978-1-934543-52-8
Prix : 20€ (+3€ de frais de port, commande via le site ci-dessus)



Nicolas Soffray
1er février 2010


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