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Orphelins du Mal (Les)
Nicolas d’Estienne d’Orves
Pocket, Thriller, n°13627, historico-fantastique, 748 pages, octobre 2009, 8,10€

Anaïs Chouday vivote comme journaliste jusqu’au jour où un gros éditeur lui propose un travail de « nègre » fort lucratif : assister à l’écriture de ses mémoires Vidkun Venner, un riche collectionneur excentrique passionné d’art nazi. Un cadeau empoisonné comme le découvre Anaïs en enquêtant sur les « Lebensborn », ces haras humains où les SS prétendaient créer une race pure. Un secret plongeant au plus profond de l’horreur et qui peut encore coûter la vie à qui s’y intéresse de trop près…



Premier gros frileur pour le prolifique Nicolas d’Estienne d’Orves, dont l’œuvre déjà impressionnante a presque toujours flirté avec le fantastique. Ce pavé bien tassé publié originellement par un marchand de soupe consensuelle à la Marc Lévy tient-il ses promesses ? Que oui, et plus encore !

Comme un contrepoint au très réussi « L’heure du Chat » de Peter Quinn, qui lui se situait avant la Seconde Guerre mondiale, à l’heure où fleurissaient les abracadabrantes théories eugénistes, ce roman témoigne d’une documentation impressionnante sur l’époque traitée et ces abominations commises au nom de l’aryanisme. Inutile de dire que le lecteur en apprendra plus qu’il n’en désire sur ces expériences dont on a du mal à croire qu’elles ne sont pas issues du cerveau d’un romancier…

Le tout à travers une intrigue complexe, passant de la première à la troisième personne, avec les désormais traditionnels retours en arrière et même un roman/journal indispensable au récit. Cette même intrigue touffue, imbriquée, mêlée de faits historiques, serait vite indigeste si la plume n’était pas aussi fluide, avec un sens de la narration impressionnant et, parfois, un certain souffle épique. On est plus proche de l’œuvre de Jérôme Camut et Nathalie Hug et leur dissection de la nature même du Mal dans toute son ambiguïté, que des tâcherons débiteurs de copie…

Mais la véritable trouvaille qui achève l’adhésion est d’avoir choisi le point de vue à la première personne d’un personnage crédible : on comprend fort bien son pacte avec le diable initial (qui n’en ferait pas autant ?), et face aux multiples révélations plus ou moins abominables, son appréciation de Candide crée un lien certain avec le lecteur. De plus, ce choix invalide tout soupçon de complaisance envers l’idéologie décrite (surtout venant de quelqu’un qui signe du nom d’un héros de la résistance !) — et devient évident lorsque l’histoire personnelle se mêle à l’intrigue criminelle.

Un livre vivant, érudit, courageux pour tous les thèmes qu’il brasse et son pouvoir de fascination. Si son épaisseur même peut rebuter, il y a là bien plus de matière que dans une dizaine de romans du tout-venant. Et comme le rappelle une fin ouverte en guise d’avertissement, la bête immonde ne mourra jamais totalement… On en a constamment la preuve dans l’actualité et les théories fumeuses qui tentent de refaire surface !
(Notons que, contrairement à ce que prétend la brève bio, il ne s’agit pas du premier roman de l’auteur, loin de là !)


Titre : Les Orphelins du Mal (roman, France, 2007)
Auteur : Nicolas d’Estienne d’Orves
Couverture : Corbis et Getty Images
Éditeur : Pocket
Première édition française : XO, 2007
Site internet : page roman (site éditeur), blog de l’auteur
Pages : 748
Format (en cm) : 18 x 11
Dépôt légal : octobre 2009
ISBN : 978-2-266-19109-9
Prix : 8,10 €



Thomas Bauduret
27 mai 2010


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