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Chambre aux Échos (la)
Richard Powers
10/18, domaine étranger, roman traduit de l’anglais (Etats-Unis), errances cérébrales inutiles, 701 pages, octobre 2009, 10€

Sur une route du Nebraska, Mark a un accident. Sorti du coma, il ne reconnaît plus sa sœur comme telle, mais la considère comme une copie imparfaite du souvenir qu’il a conservé d’elle. Commence alors pour Karin un calvaire psychologique, face à ce frère qui la rejette. Elle fait appel à Gerald Weber, un neurologue rendu célèbre par deux livres sur les petites déviances du cerveau et de la mémoire. Mais l’homme, en pleine crise de conscience, saura-t-il aider Mark ?



« La Chambre aux Échos » a reçu le National Book Award, et sur la quatrième de couverture, le critique du Magazine littéraire déclare : “Même avec la pire mauvaise foi du monde, on ne peut pas ne pas voir en Powers un storyteller de classe mondiale”. Désolé, mais je tique. Il m’a fallu une dizaine de jours (dont 15 heures d’avion avec rien d’autre à lire) pour avaler cet insipide pavé de 700 pages, et au final je dis non.

Pourquoi ? Parce que pour moi, une bonne histoire doit être intéressante. Ce n’est pas le cas ici. Un pauvre type a un accident, et sort du coma avec un syndrome rare, qui provoque une vraie douleur chez sa sœur, sa seule famille. Mais jamais l’auteur ne parvient à nous faire apprécier ses personnages, désincarnés et simplement composés de deux-trois stéréotypes.
L’arrivée du neurologue, qu’on sent très vite en pleine crise identitaire, qui comprend que publier les anecdotes de ses patients l’a éloigné de sa technique scientifique pour le rapprocher de Freud (procédé littéraire bien connu et vendeur, et dont Powers se sert lui-même, à titre d’exemples, pour remplir quelques pages de-ci de-là et raviver la curiosité du lecteur), n’arrange rien. Il vient, alléché par un cas exceptionnel qui, en plus de le remettre en selle au niveau littéraire, sonnerait sa rédemption scientifique, mais repart, dépassé, après une centaine de pages assommantes de jargon médical. Il refera deux allers-retours dans la seconde moitié du roman, s’accrochant à sa bouée.
Oui, parce que ce que je viens de vous résumer, allongeant un peu le texte de la quatrième de couverture, occupe en gros les 300 premières pages. D’une lecture harassante, car à la curiosité du lecteur, Powers ne jette que des miettes. Arrivé là, j’osais encore espérer du “medical-fantastic”, les délires de Mark suggéraient quelques bonnes pistes, mais malheureusement aussitôt disparues. On se contente de prier pour qu’il s’en sorte, point barre. Désolant, d’autant plus qu’on ne se sent attaché ni à lui ni à sa sœur.

Il y a quand même un semblant d’intrigue. Le principal moteur de la guérison de Mark tient dans le mystère de son accident. Pilote émérite, il a jeté son camion dans le fossé d’une ligne droite qu’il connaît sur le bout des doigts, au milieu des étangs peuplés de grues qui font la fortune touristique du Nebraska six semaines par an. Des traces indiquent que d’autres véhicules se trouvaient là au moment de l’accident, et différentes théories sont échafaudées par les uns et les autres, la police comme les deux amis de Mark.
Ces deux-là sont d’ailleurs gratinés, stéréotypes eux aussi des gros beaufs américains, engagés dans la Garde nationale pour aller botter les fesses aux terroristes (on est en 2002, et quelques allusions aux évènements affleurent), mais les premiers à décrier le gouvernement, coupable évident de toutes leurs petites misères du quotidien rapidement élevées au statut de complot national.
L’autre motivation est un mot énigmatique trouvé dans la chambre d’hôpital de Mark, où personne n’a été admis. Quelques lignes griffonnées, aux consonances bibliques, indiquant qu’il a été sauvé pour sauver quelqu’un à son tour.
Mark ne commence à enquêter sur ce mot qu’aux alentours de la 300e page, et ses recherches tournent court. Idem pour l’accident, voire moins. Tout est révélé au lecteur dans les 50 dernières pages, façon clé miracle. Heureusement d’ailleurs, sans quoi le lecteur se serait senti totalement floué. Ce happy end est le moins qu’on pouvait attendre, mais happy end oblige, après tous ces malheurs, c’est une ultime déception littéraire.

Les intrigues secondaires sont navrantes de fragilité (la protection des grues notamment, toile de fond bazardée tout le long avant un bref dernier sursaut), aucun des personnages n’est réellement intéressant, tous les points mystérieux sont délaissés au profit de l’étude du cerveau et de ce syndrome de Capgras disséqué dans tous les sens avec son lot d’hypothèses médicales qui plombent une lecture déjà peu captivante et guère folichonne.

On atteint avec ce pavé des abysses d’inutilité littéraire. Mis à part regarder pleurer les personnages sur leur sort (car rares sont les sursauts de « je me prends en main »), il y a bien peu à garder de ces 700 pages : quelques passages poétiques sur les grues, une utilisation pas trop martelée du syndrome post-11 septembre, quelques jolies tentatives d’exploration du cerveau qui déraille et un questionnement sur la notion de la réalité qui aurait plu à Philip K. Dick.
Mais même la peinture sociale de l’Amérique profonde sent un peu le déjà-vu. Et mieux vaut réviser ses épisodes d’« Urgences » pour capter les énumérations de médicaments et autres molécules, à défaut de se trimballer un dictionnaire médical.

Ajoutez aux mots bizarres comme “habituation” ou “longanimité” une grosse vingtaine de coquilles...

Texte - 1.4 ko
La Chambre aux Echos - corrections


Bref, une lecture peu engageante, rarement motivante, encore plus rarement récompensée, une histoire creuse et sans grand intérêt tirée en longueur (souvent pour rien), où seules les idées nées du fourre-tout sauvent quelques pages...
Dire qu’on a coupé des arbres pour imprimer ça...
Dire que ça a été primé... Et traduit...
Que de temps perdu pour tout le monde, moi le premier. Si vous m’avez lu jusqu’ici (ou si vous avez sauté à la fin, ce dont je ne vous en veux vraiment pas), vous avez consacré déjà beaucoup de temps à Richard Powers. Allez maintenant lire un bon livre, il y en a plein la Yozone.


Titre : La Chambre aux Échos (The Echo Maker, 2006)
Auteur : Richard Powers
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Jean-Yves Pellegrin
Première édition française : Le Cherche-Midi, 2008
Couverture : Dan Prince / Millenium Images UK
Éditeur : 10/18
Collection : Domaine étranger
Directeur de collection : Jean-Claude Zylberstein
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 701
Format (en cm) : 10,8 x17,7 x 3,4
Dépôt légal : octobre 2009
ISBN : 978-2-264-04748-9
Prix : 10 €


Nicolas Soffray
5 janvier 2010


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