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Festin d’Alice (Le)
Colin Thibert
Fayard, Noir, roman (France), comédie humaine criminelle, 368 pages, septembre 2009, 20€

Rafle dans le XIIIe arrondissement : les enquêteurs tombent sur un « appartement ravioli » ou restaurant clandestin tenue par une vieille Chinoise.

Lorsque l’enquêteuse Alice Delain tombe sur le trésor de guerre de l’esclavagiste, la tentation est grande de mettre la main dessus… Mais elle tombe également sur un carnet contenant les noms de clients bien particuliers.

Elle embringue dans l’affaire un interprète du Chinois subjugué. Mais on ne s’improvise pas maître-chanteur…



Initialement publié en Série Noire, Colin Thibert s’est fait une petite réputation dans le noir hexagonal. Alors que d’autres souffrent de la concurrence des séries TV, trivialisant et enterrant peu à peu code et mythes du genre, l’auteur s’est basé sur une valeur un peu oubliée : les histoires. Bon, certes, la plupart des auteurs en mettent une pour faire vendre leurs bouquins, mais là, il est net que la mécanique narrative est au centre du récit. Thibert semble s’ingénier à prendre des personnages improbables, soit veules soit attachants (ou parfois les deux !) et de les laisser s’engluer dans des situations improbables et pourtant toujours d’une logique implacable, tel un Michel Audiard de l’ère du SMS.

Autre point fort de Thibert : une économie de moyens remarquable dans ce qu’on pourrait qualifier de polar dégraissé. Pas de digressions, pas de tirage à la ligne, pas de dialogues-Ikéa (histoire de meubler…), l’auteur va directement à l’essentiel à travers un style d’une simplicité trompeuse. Trompeuse, car sa façon de camper ces personnages en quelques lignes, puis de les laisser suivre leur propre logique en fait un cas à part. Le tout avec une inventivité constante dans les rebondissements qui font que même lorsqu’il aborde un thème rebattu comme l’histoire de privé, le lecteur complice sait qu’il le traitera comme personne d’autre. (Thibert n’a-t-il pas cédé, dans l’excellent « Cahin-Cahos », à l’exercice oulipien de créer un pays de l’Est, avec même ses spécialités culinaires et sa littérature ?)

Thibert a donc suivi Patrick Raynal, ex-directeur de la série noire, dans sa collection de grands formats chez Fayard. L’auteur déméritera-t-il en passant à la taille supérieure ? Pas du tout, toutes les qualités déjà énoncées sont là sur un point de départ qui évoque « Nouvelle Cuisine », le film de Fruit Chan. Tout au plus peut-on reprocher quelques personnages secondaires qui ne font que passer et, donc, ne sont différenciés que par leur prénom. Simple scorie pour une histoire à fort potentiel jubilatoire !

Et puis, loin du cynisme, voire du nihilisme ambiant, dans ce défilé de personnages, de la vieille esclavagiste atteinte de Coprolalie (je vous laisse découvrir ce que c’est !) à cette fausse femme fatale aux machinations dérisoires jusqu’au « parrain » des triades dont la fin sera de toute beauté, en passant par deux tueurs bras cassés qu’on croirait sortis de Tarantino, il ressort une véritable tendresse pour ces personnages du quotidien, faillibles et parfois touchants qui rappellent les protagonistes du grand Simenon et offrent une vision lucide sur cette « comédie humaine » intemporelle. Mais toute l’œuvre de Thibert est empreinte de ce même humanisme tranquille, à la fois lucide et désabusé.

Un vrai régal de lecture donc, qui ne révolutionnera pas le genre (et n’en a pas l’ambition !) mais qui est l’occasion de découvrir une des véritables voix du genre et un auteur trop discret.

En espérant qu’il ne disparaisse pas sous les piles de best-sellers opportunistes débités au kilo…


Titre : Le Festin d’Alice (roman, 2009)
Auteur : Colin Thibert
Couverture : Fulano
Éditeur : Fayard Noir
Site internet : éditeur (remarquablement bien tenu)
Pages  : 368
Format (en cm) : 14 x 22
Dépôt légal : septembre 2009
ISBN : 978-2-213-64351-9
Prix : 20 €



Thomas Bauduret
6 décembre 2009


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