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Faille (la)
Julie Hearn
Hachette, Black Moon, roman, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), voyage temporel enfantin, 501 pages, juillet 2008, 17,90€

Tom vient passer quelques jours chez sa grand-mère, à Londres, avec sa mère. Cette dernière, atteinte d’un cancer du sein, voudrait trouver l’occasion de parler avec sa propre mère, chose qu’elle n’a pas faite depuis qu’elle a jeté à la porte le père de Tom.

Dans la cave de la maison, Tom découvre une étrange faille temporelle. La franchissant, il se retrouve en 1717, et la cave abrite l’Enfant Volée, une créature sans âge au physique de fillette, haute comme trois pommes.
Celle-ci, et d’autres monstres de la Foire de la St Bartholomew, lui demandent son aide pour empêcher des déterreurs de cadavres d’exhumer le Géant, un autre monstre, dont la dépouille est l’objet de convoitise d’un anatomiste qui souhaite devenir célèbre en disséquant des monstres.

Invisible dans ce monde d’autrefois auquel il n’a accès que la nuit, Tom va passer quelques jours entre son souhait de voir sa mère guérir et se rabibocher avec sa grand-mère, et ses aventures dans le Londres du XVIIIe pour contrecarrer les plans de Rafferty Spume, le pilleur de tombes.



Un héros trop jeune... et des lecteurs visés aussi

Étrange roman que « La Faille ». Censé s’adresser à un public à partir de 13 ans, il pose déjà la question de l’âge de son héros, difficilement évaluable. Au cours des 60-70 premières pages, on apprend que Tom avait disparu (dans la faille) à leur précédente visite à Londres, alors qu’il avait deux ans, et il dit que dix ans ont passé. Ce qui nous fait un héros de 12 ans.
Ok, un jeune ado dont la mère célibataire a un cancer est certainement plus mûr que la moyenne. Néanmoins, entre sa façon d’agir, de parler (en dépit d’une diction avec force abréviations, son vocabulaire va des mots compliqués et des tournures adultes à une certaine vulgarité, au ton également très adulte) on peine, tout au long des 500 pages du récit, à bien cerner Tom. Quelques années de plus ne lui auraient pas fait de mal.

Le roman véhicule d’ailleurs des thèmes pas vraiment à mettre entre les mains d’un lecteur encore un peu innocent. Les non-dits flottent quelques pages avant la révélation franche concernant le cancer de la mère, ou le sort de la fille dans la cave, laissée à la disposition de ces messieurs moyennant quelques shillings (et là, je vous la fais soft). Bref, comme le héros, dès le début on souhaitera quelques années supplémentaires au lecteur. Quoique... Il lui faudra avoir conservé la capacité d’émerveillement totalement dépourvue de réflexion d’un bambin, pour gober ce qui l’attend.

Un pitch alléchant mais tiré en longueur


L’histoire en elle-même est assez simple : il s’agit de faire échec au détrousseur de cimetière, Rafferty Spune, et de confier la dépouille du Géant, considéré comme un saint par les autres monstres (et apparemment, par une partie du peuple) à la Tamise. Nuitamment, Tom commencera donc par espionner Spune dans une taverne. Invisible dans ce temps, il est obligé de se balader tout nu (là aussi à un âge où la pudeur s’affirme, le sujet est abordé plusieurs fois mais pas assez fort) mais chaussé de sacs plastique, car le contact avec le « passé » lui brûle la peau. Rigolo, mais peu crédible...
Seconde nuit, équipés de lampes de poche venues du futur et de costumes d’Halloween, Tom et les monstres font peur à la bande de Spune et récupèrent le Géant. Le cadavre sera temporairement renvoyé au XXIe siècle, d’ici à la nuit suivante, où ils iront l’enfouir dans une grotte sous-marine sous le London Bridge, une opération qui entraîne le sacrifice de l’attachant Homme-Caoutchouc.
Et tout est bien qui finit bien.
500 pages pour ça.

Un récit touffu mais creux


Un constat affligeant, d’autant que de nombreuses pistes secondaires (le grand-père disparu de Tom ; ses vieux livres ; l’évident lien entre ’Is Nibs, le propriétaire de l’Enfant Volée, et la famille de Tom ; l’apparition finale de Mrs Nibs et de sa fille, copies conformes de la grand-mère et la mère de Tom malgré 2 siècles d’écart...) sont peu voire pas exploitées. La question du grand-père est, excusez le terme, passée à la trappe sans rien apporter au récit (sauf un éventuel synchronisme entre son décès et celui de son “ancêtre”).
On cessera de s’étonner sur l’absence de questionnement de Tom quant à tout cela (qui sont les monstres, pourquoi le Géant est un saint, l’absence de décomposition de son corps...), car, comme le lecteur, il suit le fil de l’histoire, contraint d’accepter de n’avoir qu’une vision très très largement amputée des évènements.

Je n’ai rien contre le fait de ne pas expliquer les évènements magiques ou fantastiques (la faille, les monstres, l’invisibilité qui se dissipe...), mais dans un roman, le minimum que j’attends, c’est que le tout ait un sens, que certains éléments soient interconnectés, « s’expliquent », et sans tomber dans le piège du « hasard qui fait bien les choses » et de l’accumulation de coïncidences, qu’il y ait des choses qui soient compréhensibles, dans leurs causes ou leurs conséquences.

J’ai cherché des métaphores : l’acte solidaire et charitable de Tom dans le passé contribue à une rémission du cancer de sa mère, il y a une éventuelle filiation de la méchanceté dans les hommes de la maison et Tom brise cette chaîne... Mais non, rien de rien..

Une bonne idée ne suffit pas


Alors oui, c’est très bien rédigé, le langage parlé, les syllabes qui sautent, tout cela est bien écrit et traduit, il y a très peu de coquilles, mais bon... la forme ne suffit pas.

Texte - 856 octets
La Faille - corrections


Dans les 200 premières pages, ce livre me « tombait des mains ». Pas facile d’y accrocher. Une fois fini, je comprends pourquoi. L’absence d’informations sur les personnages et leurs motivations peine à intéresser le lecteur à une histoire pourtant pas (trop) banale et au style qui change un peu.
Cependant, bien que l’action accélère ensuite, ces mêmes défauts persistent. Au final, le nombre de questions sans réponses est si important qu’on fait plus que rester sur sa faim. On a assisté, en spectateur, à une drôle d’histoire dont le héros n’a pas l’air d’y avoir plus pipé un broc que nous, mais lui pouvait agir, même sans trop savoir pourquoi il le faisait...
Et nous, mus par la curiosité, on aura suivi. Pour rien.

Comme quoi, un bon pitch et de la plume ne suffisent pas à faire un bon bouquin. Celui-ci peine à capter l’intérêt, traîne en longueur en ouvrant des voies qu’il ne se donne pas la peine d’exploiter, et laisse son lecteur sur le bord du chemin.

Il y avait plus que la dose nécessaire pour faire un excellent roman. Mais l’auteure, qui a sans doute visé trop haut, gâche tout en livrant à peine le minimum dans trop de pages.

Une mauvaise surprise.


Titre : La Faille (Follow Me Down, 2003)
Auteur : Julie Hearn
Couverture : Frédérique Deviller - copyright photo Wayne Eardley / Getty Images
Editeur : Hachette
Site Internet : fiche du roman, fiche et avis des jeunes lecteurs sur Lecture Academy
Collection : Black Moon
Pages : 501
Format (en cm) : 13,5 x 21,4 x 3,6
Dépôt légal : juillet 2008
ISBN : 978-2-0120-1586-9
Prix : 17,90 €



Nicolas Soffray
6 novembre 2009


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