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WonderlandZ
Jean-Luc Bizien
L’Archipel, Archimaginaire, roman (France), fantastique, 285 pages, mai 2009, 14,95€

Wayne est pas content.
On a tenté de le tuer, on lui rappelle les douloureux souvenirs du passé, et en plus, il suspecte qu’on ait assassiné Roger, son auteur de science-fiction préféré. Or, sans un auteur prolifique et un univers de fiction vivant et sans cesse nourri, Wayne est en danger de mort. Car il est un dragon, et il vit grâce à la capacité de rêver des hommes.
Donc, Wayne est pas content. Et un dragon pas content, c’est pas une bonne nouvelle.



Jean-Luc Bizien nous offre dans ce « WonderlandZ » un mélange étonnant de fantastique, fantasy et science-fiction.
Son héros, Wayne, à qui il confie la narration à la première personne un chapitre sur deux, commence l’histoire en mauvaise posture. Du moins s’il était humain, car sa nature de dragon retourne la situation, dont il ne fait qu’une bouchée, comme de son agresseur d’ailleurs. Secoué par cette tentative de meurtre bien maladroite, Wayne sort un peu de son dilettantisme et réalise qu’on en veut à son existence avec acharnement. Roger, son auteur préféré, grâce à l’imagination duquel il garde une substance physique, est mort mystérieusement.

Avant de songer à la vengeance, Wayne doit donc mettre la main sur un autre partenaire de rêve, un autre auteur avec qui s’évader oniriquement. C’est alors qu’il rencontre Sarah, auteure de polars de gare qui veut s’essayer à la fantasy arthurienne. Mais la jeune femme est difficile à convaincre, d’autant que des cauchemars inspirés par un homme en noir l’ont conduite à une certaine fragilité mentale. Alors, quand un dragon lui avoue l’existence de ses semblables…

L’auteur mêle habilement différents univers. Si le temps et le lieu du récit nous sont contemporains, les multiples incursions dans l’imaginaire de l’un ou l’autre de ses héros nous permettent de naviguer dans les classiques que Bizien affectionne et apprécie. Wayne fut ainsi la muse de Lewis Carroll, et « Alice au pays des Merveilles » (« Alice in Wonderland » en anglais, d’où le titre) demeure son terrain de jeu favori, bien que depuis la mort de son auteur l’univers demeure plutôt figé. D’où la nécessité pour le dragon de rêver dans des univers en construction, constamment enrichis par leur auteur, souvent sur ses suggestions.
Il côtoiera un Gérard (certainement de Nerval) qui finit fondu à l’opium (comme beaucoup de poètes à l’époque), et d’autres, jusqu’au récent Roger (qu’on identifiera très probablement comme Zelazny, auteur entre autres des « Princes d’Ambre »). Et de se tourner vers Sarah, qui se lance dans le monde arthurien.

Bizien profite de ce thème de l’auteur source de rêve nécessaire pour égratigner la profession. Ainsi, avant de jeter son dévolu sur Sarah, Wayne rencontre un « nouveau maître de la SF », au pseudo américain pour ne pas nuire à sa carrière en France où écrire de la SF ne fait pas sérieux, et qui produit une soupe caricaturale destinée à faire du best-seller, sans âme ni respect du lecteur lui-même rabaissé au niveau de consommateur. Plus qu’à des séries de gare comme « Blade », qui assument leur contenu, on reconnaîtra certains auteurs contemporains (dont je tairais les noms ici, chacun ses goûts… mais y’en a même qui reçoivent des prix…)

Les incursions dans notre culture contemporaine vont au-delà des livres, ainsi les duels entre dragons rappelleront-ils « Highlander », Wayne ayant hérité du katana de son maître japonais. Certains clichés, comme le trésor sur lequel dorment les dragons, sont également intelligemment actualisés.

Un seul petit reproche à faire, au niveau de l’intrigue : le passé de Wayne est assez trouble, et malgré un souvenir d’évènements marquants, parmi lesquels la mort de son amour, l’auteur livre avec avarice les clés de l’univers des dragons, et seul le lecteur habitué aux récits de ce genre (qui reste à déterminer, car transgenre) pourront anticiper les plans du dragon d’au moins quelques lignes.

Les autres découvriront, seront surpris, mais n’est-ce pas aussi l’un des plaisirs de la lecture ?
Ces autres seront notamment les jeunes, car la collection Archimaginaire s’adresse aux plus de 13 ans. Une information n’apparaissant nulle part sur la couverture, il faut fouiller le petit catalogue en fin d’ouvrage pour le découvrir... et un âge que je rehausserais de quelques années (de « grands ados » à « jeunes adultes »), car si avoir vu la version Disney d’« Alice… » est suffisant pour trouver sans mal ses repères, un peu plus de maturité n’est pas de trop pour saisir les autres allusions, ainsi que pour encaisser les déchaînements de violence des dragons.

Enfin, peu de coquilles relevées. L’auteur s’emploie parfois à tordre la langue française, comme son héros tord les règles des duels, et joue avec les mots comme avec les univers, ajoutant au délice du lecteur.

Texte - 865 octets
Wonderlandz - corrections et chipotages

La couverture de cette réédition, signée Guylaine Moi est plus attrayante que celle de la publication originale au Masque, en 2002, année où le roman a reçu le prix Fantastic’arts. Même si elle joue sur des tons de vert (alors que Wayne oscille entre noir et bleu), l’œil est brillant et les écailles, plus près du croco que du dragon, en relief.


Titre : WonderlandZ (2002)
Auteur : Jean-Luc Bizien
Couverture : Guylaine Moi
Editeur : L’Archipel
Editeur original : Le Masque, 2002
Site Internet : fiche du roman
Collection : ArchiMAGINAIRE
Pages : 285
Format (en cm) : 14 x 20,8 x 2,6
Dépôt légal : mai 2009
ISBN : 978-2-8098-0152-1
Prix : 14,95 €



Nicolas Soffray
23 octobre 2009


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L’édition originale, Le Masque, 2002



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