Nicolas Cluzeau se définit comme un auteur de fantasy. Il a publié plus d’une dizaine de romans dans ce genre, essentiellement au Fleuve Noir et chez Nestiveqnen (« le Dit de Cythèle », « Harmelinde et Deirdre »…). Se passionnant pour la Turquie au point d’y vivre, ses dernières productions (« La Voix des Dieux », « Rouges Ténèbres », « Le Jour du Lion » et bien sûr, « Les Cavaliers du Taurus ») témoignent de cet attrait. Il est à noter que « Le Jour du Lion », publié chez Mango Jeunesse, se situe un peu avant le présent ouvrage qui y fait référence.
Rentrer dans le livre est peut-être le seul bémol à lui reprocher, car l’avalanche de personnages a de quoi assommer dès le départ le lecteur. De plus, la période et les lieux ne sont pas forcément familiers à tout un chacun et peuvent déstabiliser. Comme Nicolas Cluzeau ancre son histoire dans notre propre passé, les contrées évoquées ne sont pas inconnues, mais les situer exactement est une autre paire de manches, surtout lorsqu’on a la flemme de chercher une carte de l’époque pour mieux suivre.
Même si le début est exigeant, il ne faut surtout pas se décourager, car l’auteur suit avec adresse les grandes lignes de cette période et y insère une touche de fantastique. Et encore, peut-on parler de fantastique, alors qu’il s’agit de traditions ancestrales ? Le procédé est vraiment habile et le mélange entre réalité et invention sème la confusion dans notre esprit. Nicolas Cluzeau nous présente un passé légèrement altéré et son talent fait le reste pour nous y plonger tête la première.
Une fois la première vingtaine de pages lues, la magie opère et rien ne vient endiguer l’envie de poursuivre la lecture. C’est bien écrit, fouillé et intéressant. « Les Cavaliers du Taurus » se décompose en deux parties : “Mantzikert” et “Croisade”, séparées par une trentaine d’années.
Dans “Mantzikert”, l’Empire de Byzance cherche à étendre son territoire. Un sorcier arabe aide le basileus Romain Diogène et c’est justement ce soutien contre nature qui pousse la chamane Turna Kam à écouter le sultan Arslan et à sortir de sa réserve. Après le rétablissement de l’équilibre des forces, tout se joue à Mantzikert…
Dans “Croisade”, les peuplades turques sont divisées, mais l’arrivée des Croisés les pousse à s’entendre pour essayer de contrer cette nouvelle menace. D’autant que la terrible Armée du Chaos est ramenée à la vie, ce que ne peut accepter Turna Kam…
Entre les deux périodes, peu de personnages en commun, si ce n’est Turna Kam et les références aux glorieux ancêtres. En fil rouge, on retrouve aussi les clans turcs, ainsi que les batailles opposant les conquérants aux défenseurs de leurs terres. Elles sont bien rendues et apportent une touche tragique au récit. Si les hommes peuvent trouver un terrain d’entente et se respecter, les croyances ne transigent pas et, parfois, les guerres reposent sur des motifs bien légers.
Nicolas Cluzeau nous plonge dans cette époque sombre et tourmentée, nous la rendant par son inventivité encore plus poignante. Il se plait même à nous surprendre par quelques traits d’humour que je qualifierai d’étonnants. C’est ainsi qu’Arslan remplit des formulaires et répond à des énigmes pour rencontrer Turna Kam, qui fait plusieurs fois référence à une administration céleste pointilleuse.
Le grand mérite de l’auteur est aussi de nous faire partager le passé de cette grande nation et de nous familiariser avec les Seldjoukides, les Oghouz. On en oublie presque qu’il s’agit de fantasy historique.
Nicolas Cluzeau signe là un magnifique roman qui mérite toute notre attention en cette rentrée littéraires où les sorties sont légion. Les amateurs de fantasy, blasés ou non, trouveront là une lecture à leur convenance, les autres lecteurs connaîtront le même plaisir à parcourir l’histoire.
Oui, décidément, une très belle publication Rivière Blanche, qui donne envie de mieux découvrir la Turquie vue au travers de la plume de Nicolas Cluzeau.
Titre : Les Cavaliers du Taurus (France)
Auteur : Nicolas Cluzeau
Couverture : Hank Mayo
Éditeur : Black Coat Press
Collection : Rivière Blanche
Directeur de collection : Philippe Ward
Site Internet : fiche roman (site éditeur)
Pages : 400
Format (en cm) : 20,4 x 12,8
Dépôt légal : septembre 2009
ISBN : 978-1-934543-74-0
Prix : 25 €