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Valcrétin
Régis Messac
Éditions ex nihilo, roman (France, 1976 & 2009), science-fiction, 166 pages, septembre 2009, 15€

« ex nihilo » continue la réédition de l’œuvre de ce précurseur de la science-fiction française qu’était Régis Messac.
D’un humour noir et d’un pessimisme affirmé, ce « Valcrétin » rejoint sur bien des points le chef-d’œuvre de l’auteur, « Quinzinzinzili ».
Un chant d’adieu sur l’homme et ses horreurs, écrit par un disparu « Nacht und Nebel ».



Un jour, une avarie fait dériver un navire de commerce au large des côtes ouest du continent sud-américain. Apparaît alors une île, au relief très peu accueillant. L’équipage s’en sert de base afin de réparer le bateau... Mais les voilà qui découvrent les traces d’une vie semble-t-il tout à fait humaine, bien que quelque peu “dégénérée”.
Afin d’étudier ces humains, une équipe de scientifiques embarque pour l’île de Bouraz (du nom du capitaine du navire ayant découvert l’endroit), mais dont le nom sera bientôt changé en Valcrétin. En effet, le professeur Baber, le grand scientifique à la tête de l’expédition, découvre que ces humains souffrent d’une forme de crétinisme (au sens médical du terme). Il pense pouvoir, en analysant quelques sujets et en les soumettant à quelque sérum alors créé, les guérir de cette tare et ainsi pouvoir soigner également tous les crétins de la terre.
Mais peu à peu, abandonnés sur l’île au contact de ces indigènes, le mal et le malaise gagnent les scientifiques, jusqu’au dégoût.

Ce court roman, publié de manière posthume en 1976 par Jean-Claude Lattès / édition spéciale, possède toutes les caractéristiques des grands textes de Régis Messac. Tout comme dans son chef-d’œuvre, « Quinzinzinzili », nous sommes en présence d’humains rendus à l’état naturel, et cet état est loin d’être beau à voir ! D’un pessimisme plus qu’affirmé, l’humain relâché dans la nature, chez Régis Messac, est un humain dégénéré, qui a le choix entre l’inaptitude de son rapport au monde, et le crétinisme primaire et crasse. À l’image d’autres textes, l’auteur propose un narrateur-observateur désabusé que le spectacle de cette humanité régressive dégoûte.
Ce texte aborde par la bande aussi le sujet du colonialisme, puisque ces Crétins, dans certains passages du roman, peuvent être vus comme les figures de ces “Sauvages” dont les “Coloniaux” voulaient faire des “Hommes”.
À la manière d’un Swift, ou d’un Voltaire (et ce n’est pas un hasard si ce volume est publié peu après la réédition du recueil critique que l’auteur avait consacré à « Micromégas »), Régis Messac joue d’un humour féroce et d’une vision acerbe.

Le texte proposé ici l’est dans une version corrigée, plus fidèle au manuscrit (la précédente édition avait pris la liberté d’apporter plus de 750 corrections unilatérales !). Et même si certaines coquilles, de ce fait, forcent le lecteur à s’arrêter et à se demander si elle relève d’une faute intentionnelle de Régis Messac ou pas, il en ressort un texte ayant retrouvé une plus grande acidité encore par rapport à l’édition précédente. Ce dégoût général pour le genre humain dans son entier, comme l’écrivait Jean-Pierre Andrevon, dans « Fiction », en 1976 (n°237), se trouve exacerbé par les petites modifications textuelles que l’on peut percevoir deci delà.
L’ensemble est complété d’une préface assez intéressante (mais qui, comme pour d’autres publications de ex nihilo, devrait plutôt trouver une place en fin d’ouvrage...), signée par Natacha Vas Deyres. Elle s’attache très intelligemment à situer la place de « Valcrétin » dans l’histoire du genre, entre Lemkin et Wells.
L’ouvrage se termine par une postface de Guibert Lejeune, à mon avis un peu moins essentielle, consacrée aux sources des descriptions messacquienne des Crétins. J’aurais préféré sans doute un mélange de ces deux textes, placé en postface... Mais cela n’est pas grave en soi.

Si vous n’avez jamais lu de roman de Régis Messac, je ne saurais que trop vous conseiller de vous atteler à cette découverte saine et vivifiante sur le plan intellectuel.
« Valcrétin », d’une certaine manière, est moins fort que son « Quinzinzinzili », et un peu moins subtil que « Le Miroir Flexible ». Mais il reste d’une lecture passionnante.


Titre : Valcrétin (roman, France, 1976, ré édition 2009)
Auteur : Régis Messac
Couverture : Erro
Éditeur : Éditions ex nihilo
Pages : 166
Format (en cm) : 19 x 14
Dépôt légal : 16 septembre 2009
ISBN : 2916185062
Prix : 15 €


L’éditeur et la Société des Amis de Régis Messac, n’ont pas encore de site web, mais ils peuvent être joint à l’adresse suivante :
- 71, rue de Tolbiac, 75013 Paris


Jérôme Charlet
22 septembre 2009


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