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Forteresse noire (La)
F. Paul Wilson
Milady, fantastique, roman, traduit de l’anglais (Etats-Unis), horreur lovecraftienne, 382 pages, avril 2009, 7€

Durant la Seconde Guerre mondiale, le capitaine S.A. Woermann et ses hommes doivent investir un château de Transylvanie qui a la particularité d’être hérissé de croix. Pour empêcher le Mal d’entrer ou… de sortir ? Lorsque nuit après nuit, ses hommes sont écharpés par une présence invisible laissant d’étranges inscriptions sur les murs, le S.A. doit faire alliance avec le seul capable de les déchiffrer : un érudit démonologue… juif ! Mais la menace changera peu à peu de visage alors que se profile l’ombre des camps de la mort…



Curieux feuilleton que celui de ce roman qui aura bientôt trente ans. Écrit par un auteur jusqu’alors spécialisé dans la SF « engagée » (Wilson relevant du mouvement « libertarien », à ne surtout pas confondre avec « libertaire », anti-gouvernemental et individualiste), publié aux Presses de la Cité dans une édition traduite à la tronçonneuse, il connaît une adaptation discutable par Michael Mann, surfilmée dans un style MTV alors naissant et en même temps dotée d’une interprétation impressionnante. Las, déjà à l’époque, les producteurs massacrent le film, aujourd’hui introuvable en DVD, qui est amputé de 40 minutes. Ironie du sort, c’est à peu près le pourcentage coupé par les Presses de la Cité. Le film fait un bide, mais Wilson est lancé, devançant le boom de l’horreur des années mi-80, et ne s’arrêtera pas.

La légendaire collection “Terreur” ayant refait la traduction charcutée, ensuite rebalancée dans la sous-Terreur du Fleuve Noir, le texte est à nouveau disponible chez Milady dans une version qu’on présume intégrale.

F. Paul Wilson a réussi là un exemple de « Pulp fiction », un roman populaire de type hou-fais-moi-peur comparable à certains Masterton. On sent la jubilation de l’auteur, fan avoué de Lovecraft, à multiplier les effets de type « porte qui grince », plus Hammer-films que montage MTV épileptique, avec assez de talent et de passion pour les faire fonctionner. De plus, à la moitié du récit, l’ensemble part sur une série de révélations et de retournements souvent inattendus, amorçant un bout de réflexion sur la nature du mal et des alliances inattendues, le tout jusqu’à un final cosmique. Son « méchant » n’est pas l’espèce de marionnette semblant prête pour finir en figurine du film chez Album, mais s’avère bien plus riche et ambigu.

Alors certes, l’auteur, qui sortait juste d’œuvres qui n’ont pas vraiment marqué la SF (« Le Téry », seul traduit chez nous, étant considéré par certains comme l’équivalent d’un nanar), n’a pas le métier qu’il acquerra par la suite. Il y brasse un peu trop d’éléments qu’il ne peut en étreindre, certains étant inutiles (notamment une histoire d’amour bien superflue) ou expédiés un peu rapidement, et la fin est peut-être un peu, hem, trop.

Sans oublier l’opposition bon S.A. et méchant S.S., ce dernier étant caricatural au possible.
Wilson tempère les outrances du récit par son don pour les personnages, notamment les relations du vieux démonologue et sa fille, et une bonne progression dramatique dans l’angoisse gluante. Et puis, la simple et lente description du château lui-même, son mystère et son altérité bien digne de « l’indicible » cher au maître de Providence, suffirait largement à appâter l’amateur de fantastique.

Wilson a donc réussi une sorte de classique mineur de l’épouvante, avec certes des défauts, mais une sincérité indéniable, qui ne pourra que séduire l’ado qui réside en chaque lecteur (surtout au tarif poche). On espère que Milady suivra l’auteur avec la réédition de la trilogie « Nightworld » ou l’excellent « Liens de sang », voire la suite de la série consacrée au personnage emblématique de Repairman Jack, dont deux romans seulement ont été traduits. (À noter que Wilson a entrepris de réunir presque toute son œuvre — de façon parfois arbitraire — dans un immense cycle constituant une histoire secrète du monde. Si ça l’amuse…)

P.S. Il faut tout de même dire que la qualité d’impression et de reliure des livres de chez Milady est remarquable. Disons-le.


Titre : La forteresse noire (The Keep, 1981)
Auteur : F. Paul Wilson
Première édition française : Presses de la Cité, 1984 (traduction tronquée)
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) : Jacques Guiod
Couverture : Anne-Claire Payet
Editeur : Milady
Site internet : site auteur (en anglais), éditeur
Pages : 382
Format (en cm) : 11 x 17,5
Dépôt légal : avril 2009
ISBN : 978-2-8112-0125-8
Prix : 7 €



Thomas Bauduret
7 septembre 2009


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