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Taxi Molloy
François Dimberton et Alexis Chabert
Bamboo, collection Grand Angle

Familières de séries centrées sur des récits d’action de type cinématographique, les Editions Bamboo se fendent ici d’un one-shot tout en introspection. Une publication apparemment atypique, qui n’en rejoint pas moins l’amour du cinéma par un montage sans faille, jouant avec une grande sûreté des flash-back ainsi que d’un va-et-vient continu entre scènes vécues et fantasmées.



Au cœur de ce drame intimiste, un garçon trop obéissant et crédule pour éviter les pièges de l’existence : le jeune Molloy, qu’on découvre tout ému d’être enfin propriétaire de ce taxi d’occasion auquel il avait tant rêvé et qui va lui permettre de sillonner, en toute liberté peut-être, un New York plus proche des années 30 à 50 que de l’ici et du maintenant et que les bruns, les ocres de Cyril St Blancat imprègnent d’un éclairage crépusculaire.

Que nous réserve cet album ? Une histoire au charme rétro, teintée de passions et de vues documentaires ? Oui, si l’on veut… Ou plutôt non. Car d’emblée, un bout de phrase de la voix off qui accompagne Molloy en toute circonstance fait un rien sursauter : « Sa grand-mère Edma, qui l’a élevé à la mort de son chien, est fière de lui, car son taxi, elle en est certaine, sera le meilleur de New York City. » Puisqu’il est acquis qu’élever un chien demande tant d’attentions qu’il serait inconcevable de s’occuper d’un enfant en même temps… Une des convictions d’Edma, dont Molloy est lui-même intimement convaincu.

Le ton est donc donné, de l’étrangeté radicale des rapports que ce garçon entretient avec le fonctionnement du monde. Pauvre, triste Molloy pour qui la vie se passe comme dans les pages d’un comic-book et pour qui sa grand-mère, qui l’aura finalement fait sortir de l’horrible orphelinat où elle l’avait placé, est la seule référence. Lui qui, pour attirer la clientèle à la sortie des bureaux, hurle « Taxi Molloy ! » par la fenêtre de son yellow cab à damier noir et blanc. Hurler « Taxi Molloy ! » sur le modèle des bûcherons canadiens, qui crient pour prévenir les écureuils de la chute imminente d’un arbre. Une suggestion d’Edma aussitôt adoptée par Molloy.

Une vieille femme pour guide inflexible et de si gracieuses créatures pour faire surgir en lui des gerbes d’émotion, de pulsions complexes et d’envies éperdues d’être aimé… D’être aimé et peut-être de séduire, puisque sa première cliente – qu’il se refuse, comme les suivantes, à faire payer la course – est la première femme à lui donner un baiser. La première vraie femme de sa vie, qui va faire gamberger Molloy et lui faire croire qu’il aurait le truc.

Oui mais, c’est bien connu, l’amour est dangereux et il est fort possible que de ce petit jeu-là, Molloy ne sorte pas indemne. Lui qui, plutôt que de se mettre à l’écoute de ces beautés en transport, ainsi que le ferait tout bon taxi driver, leur livre tout à trac les noirs secrets de son enfance...

Lui qui, puisqu’il s’agit de préserver son mystère à cet album étourdissant, vous montrera et racontera lui-même jusqu’où peut le mener sa déréliction. Tandis qu’en arrière-plan se dessine le portrait au vitriol d’une meurtrière de l’espèce redoutable et patiente…

Reste à féliciter les maîtres-d’œuvre de cet album en tout point prenant, jusque dans ses outrances et son méli-mélo mélodramatique : le scénariste François Dimberton et le dessinateur Alexis Chabert, qui démontrent sans se forcer que des routiers de la profession peuvent se révéler d’éblouissants artistes.


Taxi Molloy
- Scénario : Dimberton, François
- Dessin : Chabert, Alexis
- Couleurs : Saint Blancat, Cyril
- Editeur : Bamboo
- Collection : Grand Angle
- Pagination : 46 pages
- Format : 23,5 x 31 cm
- Numéro ISBN : 978-2-350-78659-9
- Prix public : 12,90 €


© Edition Grand Angle - Tous droits réservés



Alain Dartevelle
6 septembre 2009




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