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Le cyberespace de l'imaginaire




Inversion (T1)
Makyo et Jerry Hulard
Dupuis

Tout au long de sa désormais imposante carrière, Pierre Makyo sera revenu régulièrement sur un motif qui lui est cher : la remise en question d’une réalité ordinaire pour ainsi dire poreuse, au point de laisser filtrer divers indices suggérant la présence parallèle d’autres mondes dotés de leur chronologie et de leurs intrigues propres. Et, à la différence de l’alternative onirique où Winsor Mc Cay faisait dériver son « Little Nemo », les univers divergents de Makyo se donnent pour vrais de vrais, captant si bien leurs personnages que ceux-ci en arrivent à se sentir étrangers à leur réel d’origine.



Bien après la traversée fantastique des apparences qu’orchestrait “Le Roi Rodonnal”, après l’époustouflante fresque uchronique de la “Balade au bout du monde” et les transferts occultistes du “Cycle des deux horizons” voire les pérégrinations alchimiques de “Grimion gant-de-cuir”, voici que Makyo se met à nouveau en tête de crever le décor quotidien pour mettre au jour un ailleurs tout aussi convaincant.

Toutefois, avec “Inversion”, notre homme change radicalement d’angle d’attaque. D’abord, il n’a plus recours à des ambiances ni à des ressorts irrationnels pour suggérer qu’une autre dimension existe : ce Jehn Zalko dont il a fait son personnage promène ses doutes dans une ville de Lille d’un parfait réalisme. D’autre part, il use sans vergogne (pour bientôt le réduire à néant, voulons-nous croire) de ce vieux truc évité jusqu’alors : faire du sommeil l’espace où apparaît un monde de rechange.

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Ainsi donc, ce Jehn Zalko qui se voudrait écrivain se consume de désir pour sa voisine Lola dans une nuit urbaine qui tient du labyrinthe. Un cauchemar éveillé et dont il ne s’extrait qu’à la faveur de rêves où il se découvre prince d’un royaume d’un exotisme composite. Prince et amoureux d’une certaine Bola aussi inaccessible que la Lola de son cœur qui à présent le rejette, l’accusant d’avoir séduit une de ses amies suicidée depuis. Or Jehn Zalko n’a nul souvenir de l’amie décédée, alors même qu’un parent de la morte le menacerait de mort. Nul souvenir de ça, pas plus que des faits et gestes du prince qu’il serait par ailleurs.

Serait-il devenu subitement amnésique ? Ou bien tout ne serait qu’illusions et mensonges en ce bas-monde qu’il croyait maîtriser ? Ou bien ce serait son double qui commettrait les forfaits qu’on lui attribue ? Tandis que lui-même déréglerait l’univers de ce prince en se substituant à lui ? A moins que le réel de Jehn Zalko, écrivain sans œuvre, ne lui serve de page blanche et de fiction personnelle ? Autant de questions qui se bousculent dans ce premier album que le dessin volontiers distancié de Jerry Hulard empreint d’une atmosphère de salle chirurgicale. Des questions pour l’instant sans réponse...

Quoiqu’un indice troublant vienne de me traverser l’esprit : de façon dissociée, ce nom de Jehn Zalko renvoie on ne peut plus clairement à celui de Jehnzalko, comme s’appelait l’adolescent qui, dans “Le Roi Rodonnal” (1983), se laissait aspirer par les pages vierges d’un livre... Si bien qu’en attendant la suite, on se plaît à voir dans cette coïncidence une façon de fermer la boucle narrative d’un thème obsessionnel, et pour Makyo, une manière de renaître des cendres de ses récits antérieurs.


Inversion
- Série : La véridique histoire de Jehn Zalko (T1)
- Scénario : Makyo
- Dessin : Jerry Hulard
- Couleurs : Irène Häfliger
- Éditeur : Dupuis
- Dépôt légal : 21 août 2009
- Pagination : 48 pages couleurs
- Format : 24 x 32 cm
- ISBN : 978-2-8001-3979-1
- Prix public : 13,50 €


©Dupuis (2009)- Tous droits réservés



Alain Dartevelle
10 septembre 2009




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