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Marina Lenti, specialiste italienne de Harry Potter
Entretien exclusive avec l’auteure transalpine
29 juillet 2009

Après un essai sur Harry Potter en italien, Marina Lenti voit son second livre « Le Monde de Harry P. : le Quizz » traduit en français chez Belin. Elle a bien voulu répondre à nos questions, nous en apprenant plus sur elle-même, son travail et sa passion de l’écriture.




« Le Monde Harry Potter : le Quizz » sur la Yozone.



Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de vous et de votre travail ?

Je suis une personne bien ordinaire dont le hobby principal est d’écrire (rires). J’écris en fait pour des magazines et des fanzines depuis 1989, autant sur la musique que sur le cinéma. En même temps, lorsque j’étais étudiante, je me suis fait une expérience dans le domaine de la production musicale, en freelance, avec des maisons de disques « majors » ainsi que des indépendants. J’ai aussi travaillé sur la production de spectacle live, la musique étant vraiment mon premier hobby depuis que j’ai 12 ans.


Pourquoi êtes-vous devenue une spécialiste de Harry Potter ?

C’est vraiment le fruit du hasard. En 2004, je suis rentrée dans l’équipe d’un grand portail Internet italien appelé « Supereva » , dans le domaine de la musique encore une fois. Pendant ma phase d’apprentissage de toute la partie software du site, mon tuteur m’a dit qu’ils cherchaient désespérément quelqu’un pour écrire à propos de Harry Potter. À ce moment-là, j’étais déjà une amoureuse de Harry Potter, et je me suis donc mise à lire tout ce qui concernait le petit sorcier. Plus tard, la même année, j’ai commencé à collaborer à FantasyMagazine qui est le magazine fantastique le plus populaire en Italie. J’ai toujours lu beaucoup de fantastique car j’aime vraiment le genre. Je me suis donc retrouvée « comme à la maison » dans l’équipe de ce magazine. Évidemment, écrire pour ces deux supports m’a poussée à creuser le sujet Harry Potter de plus en plus profondément. Et à cette époque, l’aventure était colossale ! Mais les lecteurs voulaient toujours plus d’articles. Je suis donc tombée dans un cercle vicieux, ou plutôt dans un cercle « vertueux » : plus j’écrivais à propos de Harry, plus je faisais de recherches et j’apprenais de choses sur cette œuvre.

Où êtes-vous allée chercher toutes ces informations justement ?

J’ai fait beaucoup de recherches dans les romans, sur les thèmes et leurs connections avec les mythologies, le folklore, l’alchimie mais aussi dans les bio de JK Rowling. Ma source principale a été Internet, mais aussi beaucoup de livres sur les différents sujets, ainsi que des articles de magazines, des centaines d’interviews de l’auteur, des acteurs, des producteurs des films, des réalisateurs et des superviseurs des effets spéciaux. Voilà pourquoi il ne suffit pas d’avoir lu tous les romans et vu tous les films pour être capable de répondre aux questions posées dans mon livre (rires).

Comment avez-vous fait le tri dans toutes ces informations ?

En fait, j’ai essayé de mettre dans le livre les faits les moins connus, les plus drôles, les plus étranges ou simplement ceux que je considérais comme les plus intéressants mais qui n’avaient pas forcément été rapportés partout. Mais, pour équilibrer l’ouvrage, j’ai inclus des questions plus simples. Vous en trouverez donc pour tous les goûts et pour tous les niveaux de « fanitude ».

Pourquoi avoir choisi le format Quizz ?

Ce n’était pas mon choix mais celui de l’éditeur italien. Il a créé cette collection qui traite de sujets très variés sous la forme de Quizz avec quatre choix de réponses et surtout une réponse très détaillée à chaque fois. Certains sujets sont plus populaires que d’autres bien sûr et ont intéressé les éditions françaises Belin. Celles-ci ont acquis les droits de quatre titres : la mythologie, Dr House, le sexe et bien sûr Harry Potter. Comme la dernière version italienne remontait à Novembre 2007, on m’a demandé de mettre certaines questions à jour et d’en ajouter d’autres. J’ai aussi essayé de le rendre plus attrayant pour un lecteur français, en substituant les éléments français du monde d’Harry Potter à ceux italiens (événements, personnages, faits, problèmes de traductions…). Le livre que vous tenez entre les mains n’est donc pas un nouveau livre mais pas non plus une simple traduction de la version italienne.

Avez-vous eu la chance de rencontrer J.K Rowling ?

Non, mais j’aimerais vraiment. Ne serait-ce que pour lui poser des questions qui ne lui ont jamais été posées, malgré les milliers d’interviews qu’elle a donnés depuis 17 ans. Vous savez, j’ai une « théorie » – que j’ai utilisée comme fil conducteur de mon autre livre « L’Incantesimo Harry Potter » - qui veut que l’idée de Harry Potter a échappé à JK Rowling à partir du moment où elle l’a eu, et que cette idée a connu sa propre vie en brisant toutes les barrières qu’elle a rencontrées, en suivant des chemins magiques. Et ce serait sympa d’avoir des informations de premier choix à propos de cela directement de l’auteur.
Je serais assez curieuse de savoir à quoi elle pouvait penser durant les jours qui ont précédé l’appel de son premier éditeur.

Pensez-vous que les personnes qui ne connaissent pas trop l’univers de Harry Potter pourront trouver de l’intérêt à votre livre, ou bien ce livre est-il réservé aux fans ?

Il est évident que les fans sont les premières cibles de ce genre de livre, mais je pense que sa lecture peut être amusante aussi pour quelqu’un qui ne connaît l’univers de Harry Potter qu’en surface, surtout parce que les réponses très détaillées couvrent un large spectre de sujets. Pour les sceptiques, ils peuvent toujours se tester en tentant de répondre à 10 questions qui se trouvent en ligne et en lire les réponses sur mon site.

Pensez-vous que connaître la vie de JK Rowling aide à mieux comprendre ses livres ?

Absolument ! Il y a de nombreux moments dans les livres qui sont des transpositions de sa propre vie. Par exemple, Le Miroir du Rised qui a un rapport avec la perte de sa mère ; les Détraqueurs qui sont le symbole de la profonde dépression dans laquelle elle est tombée lorsqu’elle était mère célibataire à Edimbourgh ; Hermione lui ressemble sous quelques aspects ; la Ford Anglia de la famille Weasley qui s’inspire de la voiture d’un de ses vieux amis…
Beaucoup d’autres points de la saga, comme la figure du père absent, le Bien contre le Mal, le libre arbitre face au Destin et bien d’autres, peuvent donner un aperçu de sa vision de la vie. Donc, oui, si vous connaissez sa vie, vos pouvez relever les points de la saga influencés par celle-ci.

Pourriez-vous donner les raisons du succès des livres de Harry Potter ?

Bien que ça ressemble à « la question à un million de dollars », il est possible d’y répondre, même si c’est complexe.
Je pense que Rowling a su mélanger des ingrédients gagnants de base : une énorme dose d’imagination pour les personnages et les situations ; une habile utilisation des éléments archétypaux des contes de fées ; l’humour, les moments dramatiques, et un côté « detective story » bien mené ; un plan très précis de toute l’histoire ; un héros qui grandit en même temps que ses lecteurs ; la proximité de ce monde magique et de notre monde moldu ; l’habilité à inclure des expériences de sa propre vie dans son histoire ; et enfin, une prose extrêmement fluide. Le tout agrémenté d’une stratégie marketing efficace. Bien sûr, Harry Potter serait devenu un succès sans le marketing, mais celui-ci a su faire monter « la fièvre » chez les lecteurs. Des informations cachées, des secrets autour de l’impression des deux derniers livres… Tout cela a transformé la boule de neige en avalanche. Et Internet a beaucoup aidé le processus à se mettre en place et l’a mené là où personne ne l’avait encore fait. Et enfin, faire des films tirés des livres a fini de porter la sage au rang de phénomène littéraire planétaire.

Par pure provocation, j’aimerais vous demander s’il n’est pas un peu facile d’écrire un livre à propos d’un tel phénomène justement ?

Je vous remercie de me poser la question car ça va me permettre d’expliquer ce qui est une fausse idée trop répandue. Tout le monde pense qu’il suffit de prendre un sujet populaire et d’écrire n’importe quoi dessus, et hop l’argent facile coule à flot, le succès et la gloire vous touche comme ils ont touché l’écrivain à l’origine des livres. La réalité est bien différente.
Tout d’abord, écrire un livre requiert beaucoup de temps, de discipline et de travail. Si vous écrivez de la fiction, le travail est de trouver un bon sujet, d’inventer des personnages auxquels le lecteur croira, et évidemment d’avoir un bon style. Si, comme moi, vous publiez des essais, le travail consiste en une énorme recherche, une sélection des bonnes informations et à choisir un mode narratif qui puisse être plaisant à lire et instructif à la fois. Écrire des essais n’est pas une excuse pour pondre des livres ennuyeux. Il faut à la fois informer et amuser le lecteur.
Ensuite, quand le livre est prêt, les difficultés ne font que commencer. Car vous êtes une des millions de personnes qui a écrit un livre sur ce sujet alors pourquoi un éditeur vous publierait vous plus qu’un autre ? Personnellement, j’ai eu de la chance pour mes deux livres. L’essai « L’incantesimo Harry Potter » et le Quizz m’ont été commandé par un éditeur. Mais ça n’arrive pas souvent.
Et même lorsque vous avez trouvé un éditeur, vous êtes à nouveau un auteur parmi un million d’autres, alors pourquoi un magazine écrirait-il un article sur vous, ou pourquoi un lecteur dépenserait-il son argent durement gagné pour acquérir votre bouquin plutôt qu’un autre ? Et ceci même si le sujet est Harry Potter. Jetez un œil sur Amazon et vous verrez le nombre de livres qui existent sur le petit sorcier. Rien qu’en Italie, il y en a 28. Vous multipliez ça par le nombre de pays et ça donne une idée du choix et de la difficulté.
Certes, la plupart des lecteurs ne sait pas combien il est difficile de se retrouver en librairie (nombre de petits éditeurs ne sont pas distribués et ne vendent que sur Internet) et quand c’est le cas, d’y être visible. Bien sûr, vous trouverez des piles des derniers best-sellers, mais qu’en est-il des livres moins connus ? Il faut déjà être informé de leur existence parce que les chances que vous tombiez dessus par hasard sont extrêmement faibles.
Pour finir, les droits d’auteurs pour les écrivains peu connus tournent entre 4% et 10% (ces derniers étant plus rares) du prix public (moins la TVA en France. NDLR). Et j’ai entendu dire qu’en France, 61 % de la population lisait (Et même 69% en 2008. NDLR). En Italie, je peux vous dire que nous en sommes bien loin. Selon les dernières recherches, seulement 43% de la population italienne aurait lu au moins un livre dans l’année ! (En France : 34% lisent plus de 5 livres par an. NDLR) Et 84% de livres publiés ne vendraient pas plus de 500 exemplaires. Maintenant, vous pouvez faire le calcul : le prix moyen d’un livre est de 10 euros avec des droits d’auteurs de 5%. Même en en vendant 500, à la fin de l’année, vous avez gagné 250 euros, ce qui vous a fait un extra de 20,82 euros par mois. Je ne crois pas que cette somme faramineuse puisse changer la vie de quelqu’un. C’est à peine pour une soirée pizza-cinéma. Et dire que vous avez passé des centaines et des centaines d’heures sur votre livre !
Alors si vous ajoutez toutes ces informations les unes aux autres, vous verrez comme il est difficile de vendre un livre et combien d’exemplaires vous devrez vendre pour que ça devienne viable. Votre seul espoir reste le bouche-à-oreille, si votre livre est bon évidemment.
Après, au-delà des visions purement financières, publier son livre est extrêmement gratifiant. Si vous êtes passionné par l’écriture et par le sujet sur lequel vous écrivez, alors peu importe les minables droits que vous récupérerez. J’encourage tout ceux qui aime cela de se lancer, et je suis sûr qu’ils trouveront la même satisfaction que moi. Et si en plus, ils deviennent des best-sellers, ce sera la cerise sur le gâteau.

Où aimez-vous travailler ?

Je n’ai pas d’endroit spécial pour cela. J’écris le plus souvent chez moi car c’est là que je passe beaucoup de mon temps libre, donc de mon temps pour écrire. Et si je peux choisir, je crois que c’est le meilleur endroit. Mais il m’arrive d’écrire quelques idées ou quelques passages quand j’attends dans la queue d’un magasin, ou dans un bus, ou un train… Le temps est plus important que l’endroit. Si vous avez le temps, peu importe l’endroit. Il vous faut au moins avoir un stylo et un bloc sous la main, sinon …(rires)

Avez-vous une méthode de travail particulière ?

Cela dépend de ce que j’écris. Habituellement, je regroupe les résultats de mes recherches et les idées que j’ai eues et j’arrange le tout selon un séquencier précis. À partir de là, si je travaille sur un livre, je crée d’abord une sorte d’index qui me sert de plan d’écriture. Après, je procède selon mes envies. Je ne termine pas nécessairement le chapitre un avant de passer au chapitre deux. Et je me permets d’écrire dans le désordre.

Avez-vous un objet fétiche (stylo, ordinateur...) ?

Non. Je déteste l’idée. Je ne suis pas superstitieuse. Je n’avais même jamais pensé à cela avant que vous me le demandiez (rires).

Avez-vous un rituel avant de commencer un lire ? Pendant l’écriture ? Après l’avoir terminé ?

Pareil que pour l’objet : non. Occasionnellement, si je travaille chez moi, le chat vient se lover sur mon bureau – il doit se prendre pour ma Muse – mais je n’appellerais pas ça un rite de chance. Bien au contraire, si vous n’êtes pas attentif, cela peut tourner au désastre. Il suffit d’une patte hasardeuse qui appuie sur le clavier et efface votre travail ou éteint l’ordinateur et c’est la catastrophe (et ça arrive croyez-moi).

Auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

Lisez un maximum de livres d’auteurs du genre que vous appréciez et dans lequel vous aimeriez écrire. Lisez quelques livres sur le travail d’écrivain professionnel, ça peut aider. Exploitez le moindre temps libre que vous avez pour développer une idée, écrire une phrase, noter quelques pensées. Lorsque vous voyez quelque chose dans la rue, pensez à ce que vous pourriez en faire pour la transformer en idée ou sujet pour votre livre. Ne tombez pas dans la tentation de publier votre livre à compte d’auteurs, comme s’il était mauvais, il trouvera sans doute sa place chez un vrai éditeur. Ne pensez pas qu’avoir des diplômes, même de lettres, vous permettra forcément de publier un livre. La façon dont nous apprenons à écrire à l’école est différente de ce que peut attendre le monde de l’édition. Écrire des livres demande beaucoup de pratique et d’expérience personnelle.
Et pour finir, le plus important, ne laissez personne vous empêcher d’écrire si c’est ce que vous voulez faire. Apprenez votre job, faites ce que vous aimez et vous arriverez où vous le voulez… éventuellement.

Et votre futur éditorial ?

J’ai plein de projets en tête ou en discussion mais aucun n’est assez avancé pour devenir un livre. J’ai aussi beaucoup de matière non utilisée de mes deux premiers livres sur Harry Potter qui pourrait devenir un nouveau livre, écrit selon de nouvelles perspectives. Mais mon problème principal, c’est le temps.
La seule publication dont je peux parler, mais dont je ne connais pas la date, est la traduction en italien du livre « The Harry Potter Lexicon » de Steve Vander Ark chez Piemme, déjà éditeur de Geronimo Stilton. J’y travaille en tant que consultante « es-Harry Potter ».

Merci beaucoup Marina.


Michael Espinosa
29 juillet 2009


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Edition française du Quizz.



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Edition italienne du Quizz.
Edition italienne du Quizz.



JPEG - 53.8 ko
Première édition de l’essai italien.
Première édition de l’essai italien.



JPEG - 61 ko
Seconde édition de l’essai italien.
Seconde édition de l’essai italien.



JPEG - 10.3 ko
La chouette illustrée dans l’essai italien.
La chouette illustrée dans l’essai italien.



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La coupe de feu illustrée dans l’essai italien.
La coupe de feu illustrée dans l’essai italien



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Le Phenix illustré dans l’essai italien
Le Phenix illustré dans l’essai italien



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