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Lames du Cardinal (les), tome 1
Pierre Pevel
Bragelonne, fantasy historique, 297 pages, septembre 2007, 20€

1633. Louis XIII règne sur la France, et Richelieu la gouverne. Mais à ce que nous connaissons de l’Histoire, vient se rajouter un nouvel adversaire : les dragons. L’Espagne est tombée sous la coupe occulte, et une Loge sera bientôt établie en France si le Cardinal n’y prend pas garde.

En effet, la prétendue duchesse de Malicorne, dragonne ambitieuse, s’emploie activement à implanter la Griffe noire, la société secrète des dragons, dans le royaume. Pour contrer cette menace, le Cardinal va rappeler La Fargue, un ancien capitaine de ses Gardes, et lui ordonner de reformer ses Lames, une troupe d’élite désavouée à la suite d’un échec cuisant quelques années auparavant.



Les lecteurs de Pierre Pevel retrouveront immédiatement l’ambiance de la trilogie de « Wieldstadt » (parue chez Fleuve Noir et en Pocket fantasy), qui se déroulait à peu près à la même époque dans l’actuelle Allemagne. Pevel est le digne héritier d’Alexandre Dumas, il aime l’Histoire et le Paris d’autrefois, tout crotté et puant qu’il fût.
Mais surtout, il aime le roman de cape et d’épée, où les personnages se classent moins entre les bons et les mauvais qu’entre les hommes d’honneur et les traîtres. Et des aventures épiques, où un soupçon de rocambolesque et une pointe d’humour saupoudrent une trame tissée d’intrigues et de fausses pistes, de guet-apens et de trahisons. Le drame est omniprésent, que ce soit à l’échelle du royaume, menacé par les ambitions des dragons, ou au niveau de chacun, soumis à des choix cornéliens en fonction de son caractère, de sa loyauté mais aussi de son passé.

Un passé trouble, qui s’éclaircit doucement. Que s’est-il exactement passé à la Rochelle, cinq ans plus tôt ? Une Lame a trahi, une autre est morte. Et la ville a gagné son indépendance, soutenue par l’Angleterre, tandis que Richelieu démantelait son corps secret d’espions.
Corps qu’il rappelle aujourd’hui. Et le roman de se consacrer en partie à ces retrouvailles, faisant le portrait de chacune des Lames. Là se révèle le talent de Pevel, car ses présentations occupent une bonne moitié du livre, mais se glissent discrètement dans l’évolution de l’intrigue. Les personnages, s’ils n’échappent pas à certains stéréotypes attendus (tous sont excellents épéistes, notamment) dans ce genre de soldats d’élite, ne sombrent pas dans une ultra-spécialisation digne des commandos d’aujourd’hui ni même des agents de « Mission : impossible » (la série avec Peter Graves, pas les films). Bien au contraire ! À défaut d’une certaine polyvalence de talents, ils ont surtout le poids de leur passé et de leurs défauts sur les épaules.

Ainsi, le capitaine La Fargue craint pour sa fille, qui vit cachée. La baronne Agnès souffre de l’absence d’un père qui l’a rejetée, faute d’être née mâle, et se rebelle contre sa condition de femme, dans divers domaines, de la Cour aux occupants de son lit. Leprat est tiraillé par son sens exacerbé de l’honneur, tandis que Saint-Lucq, au contraire, ne semble pas tiraillé par grand-chose. Le gascon Marciac, enfin, sous ses dehors de coureur de jupons et de joueur perpétuellement endetté, cache un camarade aussi roublard que fidèle.

Une fine équipe parfaitement illustrée par la couverture de Julien Delval.
Cependant, à l’occasion de la parution du tome 2, Bragelonne réédite ce premier volume sous une nouvelle couverture (ci-contre) signée Didier Graffet, Anne-Claire Payet & David Oghia, avec le projet évident d’harmoniser l’identité visuelle de la série.

Avant-goût et mise en appétit


Le roman que nous livre ici Pierre Pevel est autonome, mais se veut également une introduction à la “série” qui va suivre. Le terme est important. Car ainsi qu’il me l’a confié lors des Imaginales, il conçoit « Les Lames du Cardinal » à la façon d’une série TV, influencé par la production américaine de ces dernières années. Si sur le thème de l’équipe, on pensera immédiatement à « CSI - les Experts » (aux localisations multiples), l’évolution perpétuelle de l’intrigue forcera à s’en dégager rapidement : ici, point d’épisodes bêtement juxtaposés, tout s’enchaine, avec causes et conséquences à plus ou moins long terme. « Les Lames du Cardinal » est donc un “pilote” (le volume suivant « l’Alchimiste des Ombres » composant la première moitié de la saison 1, au fil de quatre parties qu’on pourrait imaginer adaptées en autant d’épisodes d’une cinquantaine de minutes).

« Les Lames du Cardinal » se dévore avec plaisir, associant une reconstitution historique pointilleuse du Paris du XVIIe siècle, teintée de fantasy (entre des dragonnets-messagers et autres apothicaires un peu sorciers), à une intrigue plausible et compréhensible malgré de multiples ramifications et faux-semblants en tous genres. Les espions et les traîtres de premier plan sont nombreux, et en plus de sauver le royaume il faudra dans cette histoire lutter contre les ennemis de l’intérieur, qui ne sont pas toujours ceux auxquels on s’attend.
Certaines surprises devront attendre la suite pour être explicitées. Comme si on avait besoin d’une carotte pour vouloir lire la suite ! Néanmoins, les éventuels lecteurs non convaincus se satisferont pleinement de ces 300 pages, qu’une bataille finale des plus impressionnantes viendra clore. Là comme lors d’autres passages, on imaginera très bien ce que cela donnerait à l’image, entre le vrai film de cape et d’épée, des dialogues à la limite du rabelaisien dans des scènes cocasses, et ce soupçon de fantasy qui va crescendo jusqu’à l’invocation finale.

Un petit défaut hérité de Dumas & Maquet...


Je ne ferais qu’un seul reproche à Pierre Pevel, d’un point de vue stylistique. Il a tendance à reprendre les mêmes termes, voire les mêmes expressions pour décrire tel lieu récurrent, voire tel personnage, y compris parmi ses héros, préférant répéter un terme correspondant précisément à sa pensée qu’un mot générique . C’est un “défaut” qui m’avait également sauté aux yeux à la lecture des trois tomes de « Wieldstadt », dévorés eux aussi à la suite (en trois jours). Qui a bonne mémoire semblera parfois lire un copier-coller de la description. On aura cependant la satisfaction de retrouver des lieux et des personnages inchangés, et pas métamorphosés par certains auteurs peu soucieux de prendre des notes.
Défaut conséquent, vouloir nous dresser à nouveau le portrait de chacun au début de la seconde moitié du livre nous donne la sensation qu’il y avait une coupure entre ces deux moitiés dans « Les Lames du Cardinal », entre la présentation des personnages et la révélation du complot, une pause (façon coupure publicitaire ? ou diffusion sur deux soirées ?) que nous aurions dû observer. Mais c’est mésestimer la qualité de sa prose, addictive à souhait, qui empêchera le lecteur de reposer pareille lecture.

Une douzaine de coquilles fendille l’émail poli de ce premier tome. Mais en rien de quoi lui faire perdre sa valeur. Le détail dans le document ci-dessous :

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Les Lames du Cardinal - corrections


Lisez « Les Lames du Cardinal ». Et si vous avez aimé, ce dont je ne doute pas un instant, jetez-vous sur « L’Alchimiste des Ombres ».
Et puis comme moi, attendez impatiemment le tome 3…


Titre : Les Lames du Cardinal (roman, France)
Série : Les Lames du Cardinal
Autre volume : L’Alchimiste des Ombres (T.2)
Auteur : Pierre Pevel
Couverture : Julien Delval
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : fiche de l’auteur
Pages : 297
Format (en cm) : 23,8 x 15,3 x 2,6
Dépôt légal : septembre 2007
ISBN : 978-2-35294-125-5
Prix : 20 €


« Les Lames du Cardinal » (2007)
« L’Alchimiste des Ombres » (2009)
« Le Dragon des Arcanes » (2010)
La trilogie est parue dans une édition intégrale spéciale 10 ans (2016) désormais épuisée et une édition définitive en 2019
« L’Héritage de Richelieu », par Philippe Auribeau (2019)


Nicolas Soffray
3 juillet 2009


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