Décidément, Jason Bourne fait des émules… Le roman d’espionnage de papa s’est ainsi refait une santé post-Guerre Froide, et les affreux terroristes forment désormais des méchants bien pratiques, même si le manichéisme bas du front n’est plus de mise.

Ainsi, le genre tel qu’on le pratique actuellement utilise la définition du héros tel que l’a défini John Le Carré : balloté d’un service à un autre, pas toujours au courant des enjeux, l’espion moderne, s’il a encore une cause à défendre, ne sait plus trop s’il la défend tant les double ou triples jeux sont monnaie courante. On peut faire un parallèle avec les policiers des « Infiltrés » de Scorcese (ou de son modèle Hong Kongais « Internal Affairs ») ou, à force de dissimulation, on ne sait plus trop si on lutte contre le crime ou contre d’autres infiltrés d’autres services.
Cela dit, le flou sur les intrigues reste le même… mais, pour les afficionados, fait également partie du plaisir (qui peut vraiment résumer les intrigues respectives des trois Jason Bourne ?), créant une impression de vertige à force de secrets et, surtout, d’exotisme. À ce stade, qu’importe si le lecteur/spectateur ne comprend pas tout, du moment qu’il est content d’être là…

Là, le narrateur John Rain ne se balade pas d’un pays à un autre, l’intrigue reste centrée sur l’Asie, que l’auteur connaît manifestement bien. Et comme tout héros du genre, John Rain n’a qu’une envie : raccrocher. Classique façon de cautionner les actes de quelqu’un qui, code d’honneur ou pas, est payé pour tuer d’autres humains pour de l’argent… référence obligatoire aux samouraïs (qui remonte tout de même à Melville, il faudrait peut-être trouver autre chose) comprise !

À partir de là, l’intrigue se développe d’une façon très cinématographique sans pour autant adopter ce style « novelization prémâchée » de certains, dévoilant les classiques magouilles d’une CIA empêtrée dans ses propres complots, plus un sidekick vulgaire pour créer un contrepoint au raffinement du héros, système très usité sur le petit ou grand écran. Par contre, les nombreuses ficelles du « métier » d’assassin dévoilées en cours de route ne sont traduisibles que par la voie de l’écrit, tout comme les nombreuses notes d’atmosphère assez bienvenues.

Classique donc, et John Rain a un profil également très cinématographique, mais l’auteur y met un léger supplément d’âme, d’abord par son don pour les décors truffés d’effets de réel, ensuite en adoptant une structure de saga : ce roman est la suite directe du précédent, même s’il peut se lire indépendamment, et la conclusion pose les bases du prochain.

Rien d’extraordinaire donc, juste du bon et solide roman populaire par un auteur qui en a manifestement fort bien intégré les codes. Ceci dit, on est loin de la profondeur et la complexité de « La Mémoire dans la Peau » de Robert Ludlum, qui lui avait d’ailleurs valu un grand prix de littérature populaire.

On pourra par ailleurs gloser sur le fait de mettre une photo de l’auteur très hollywoodienne sur le rabat de la couverture, privilège que n’ont pas d’autres auteurs Pocket.
En toute logique, on attend le jour où les futurs romanciers et romancières auront tout intérêt à ressembler à des jeunes premiers de cinéma ou des top-models s’ils veulent être publiés… si ce n’est pas déjà le cas !

Titre : Une Traque Impitoyable (Killing Rain, 2005)
Auteur : Barry Eisler
Traduction de l’anglais (USA) : Pascale Haas
Couverture (souple) : Masterfile
Editeur : Pocket
Collection : Thriller
Première édition (France) : Belfond, 2007, coll. Nuits Noires (moyen format, 20€).
Numéro : 13491
Pages : 407
Site internet : page auteur (en anglais), site éditeur
Format (en cm) : 10,5 x 17,5
Dépôt légal : octobre 2008
ISBN : 978-2-266-17758-0
Prix : 7,30€