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Imaginales 2009 - XIXe et XXe siècle, c’est de l’histoire vivante !

Epinal, 14 mai, 19h

Café littéraire : XIXe et XXe siècle, c’est de l’histoire vivante !
- Animé par Christophe de Jerphanion, avec :
- Gilles Laporte pour « Julie Victoire, première bachelière de France », Eska
- Johan Héliot pour l’ensemble de son œuvre, et dernièrement « les Fils de l’Air » , Flammarion Ukronie.
- Absence mystérieuse et regrettée d’Ayerdhal.



Johan Héliot qualifie le XIXe de siècle d’expérimentations, politiques avec l’exemple de la Commune (à laquelle Ayerdhal rend hommage dans son « Parleur ou les chroniques d’un rêve enclavé »).
Dans ses souvenirs de lycée, c’était un siècle de révolutions, ce qu’il a réalisé en enseignant (car lui aussi est un ancien professeur, en l’occurrence d’histoire). Sa série de la Lune (la Lune seule le sait, la Lune n’est pas pour vous, la Lune vous salue bien) est en fait une uchronie technologique et mécanique autour de la conquête lunaire. Il y envisage que le futur se réalise bien plus tôt qu’en réalité, et que le progrès du XXe siècle s’effectue sur les bases du XIXe (principe du genre steampunk, qui place la vapeur comme énergie principale). Ses romans reprennnent ses trois périodes préférées, la Commune, la montée (et la chute) du nazisme, et la guerre froide.

Ces deux siècles sont-ils une continuité ou une rupture ? Ils s’enchaînent malgré les ruptures, pirouette l’auteur, alors que le XXIe siècle marque une rupture idéologique. Il s’explique : le XIXe a vu l’émergence des idéologies, le XXe leur application et l’échec de certaines (notamment des totalitarismes, même si certaines nations s’acharnent). L’idéologie est en mutation, même si nous manquons encore de recul pour constater la rupture.

A-t-on d’ailleurs suffisamment de recul par rapport aux deux siècles passés ? Gilles Laporte s’estime toujours dedans. Son ouvrage l’a conduit à « vivre » avec son héroïne durant les cinq ans de sa rédaction, et il se sent encore au XIXe siècle. Quant au XXe, il le voit simplement continué, poursuivi dans ce début de XXIe. Mais ces deux siècles sont une période de conflits, qui conduisent l’homme à s’interroger sur « pourquoi vivons-nous ? », s’il est au service de l’économie ou si c’est l’inverse. Au Keynesianisme post-Seconde Guerre mondiale a succédé le Friedmanisme d’aujourd’hui (amis économistes, you’re welcome).

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ça débat !
Gilles Laporte, Johan Héliot et Christophe de Jerphanion


Johan Héliot revient sur le 3e volume de la Lune, qui marque la fin du monde bipolaire et de la guerre froide, et un déplacement des conflits dans ce qui s’appelait encore de manière politiquement incorrecte le Tiers Monde, conduisant à une sorte d’utopie impossible : un effet de globalisation initié par le « rétrécissement du monde » au XIXe siècle.

Et l’aspect écologique dans tout ça ? Y a-t-il une prise de conscience globale ? Johan Héliot est sceptique, notamment face aux effets d’annonce en réaction aux catastrophes écologiques. Le phénomène est trop récent et les problèmes, déjà en marche.

Gilles Laporte évoque le bégaiement de l’Histoire, l’incapacité des dirigeants et des hommes en général à innover dans leur réponse aux problèmes. L’homme veut se prouver qu’il est le maître de la planète, qui elle se moque bien des fourmis que nous sommes. Pire, c’est devenu un argument pour atteindre le pouvoir : il cite Al Gore qui a fait de l’écologie son cheval de bataille (voir « Une vérité qui dérange ») alors qu’il s’en moquait bien lorsqu’il faisait partie de l’équipe Clinton, participant alors à l’accroissement de la pollution sous prétexte de bonne santé de l’économie américaine. L’auteur s’en prend à ces donneurs de leçons qui oublient que sur la Terre, l’homme n’est rien.

Johan Héliot renchérit en évoquant la mode actuelle de soi-disant « tirer les leçons du passé » en reconnaissant les génocides, tout en en commentant de nouveaux. Qui plus est, ces deux siècles sont une période sur-étudiée, et nous ne pouvons avancer l’excuse de l’ignorance.

Gilles Laporte enfonce le clou en vitupérant contre le principe des commémorations et autres « plus jamais ça ! », aberrantes car l’expérience ne se partage pas, et l’homme qui ne l’a pas vécue n’y sera pas sensible au point de ne pas la réitérer (exemple des accidents de la route pour vitesse excessive, alcool, etc.)

L’attitude positive, à son avis, est de s’occuper de sa propre conscience, dans un « connais-toi toi-même » plus que jamais d’actualité, de faire ses propres choix en toute connaissance de cause, et ne pas imposer ses principes, aussi bons nous semblent-ils : il faut apprendre la modestie et l’humilité. Et ne pas oublier que la race humaine a sa part congrue « d’abrutis » qui n’apprendront jamais rien. Et de conclure que pour faire progresser la société, chacun doit progresser individuellement.

Que reste-t-il de la culture des deux siècles passés ? Johan Héliot rappelle la présence évidente (parfois en tant que protagonistes !) de Jules Verne, Maurice Leblanc, Albert Londres ou encore Léo Malet. Plane aussi l’ombre de Louise Michel et Jacques Tati.
Pour lui, ce sont les artistes qui nous enseignent les meilleures leçons, celles qui resteront dans les mémoires. Via l’utopie, il veut donner le goût de l’Histoire, et aider à la compréhension de sa construction par la reconstruction. Même si aiguiser ainsi la curiosité des jeunes par le jeu avec la mémoire nationale est assez mal vu en France, la méthode permet cependant de mieux apprécier causes et conséquences d’un événement. Et peut-être de ne pas le répéter.

Le jeu pour l’auteur étant bien évidemment d’envisager le pire (la victoire du nazisme dans des univers parallèles, un projet qui devrait voir le jour chez Fleuve Noir en 2010). Les deux auteurs concluent en évoquant le roman de Philip K. Dick « le Maître du Haut-Château », et de rappeler que la vérité historique, comme en témoignent les manuels scolaires, est un perpétuel révisionnisme.

Mon avis d’auditeur : Fan d’Héliot, j’ai un peu regretté de ne pas avoir lu sa trilogie de la Lune (les journées sont trop courtes), même si ce dernier café littéraire de la journée a vite pris des accents assez critiques envers notre monde contemporain, ce qui n’est finalement pas un mal. Voir les auteurs s’appuyer sur leurs ouvrages au lieu de les raconter (façon pseudo-promotionnelle que certains ont, plus tôt dans la journée, pratiquée allègrement) était des plus rafraîchissants, et nous avions là un vrai débat. L’absence d’Ayerdhal, qu’on sait très engagé, était d’autant plus évidente car seul Christophe de Jerphanion avait à la fois la répartie et la connaissance de la SF suffisante pour rebondir sur les propos de Johan Héliot, avec tout le respect que je dois à Gilles Laporte dont le roman, historique, n’avait peut-être pas grand-chose à faire aux Imaginales. Il a néanmoins enrichi le débat de ses connaissances éclairées. Le seul défaut demeure dans l’absence d’un troisième (ou quatrième, à vous de voir) larron.

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Nicolas Soffray
10 juin 2009


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