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Imaginales 2009 - Des histoires de filles

Epinal, 14 mai, 16h

Café littéraire : Des histoires de filles… ou des personnages au féminin ?
Animé par Jean-Claude Vantroyen, avec :
- Patricia Briggs (traduite par Sylvie Miller) pour sa série « Mercy Thompson » tome 1, Milady (l’avis Yozone) ;
- Maïa Mazaurette pour « Dehors les Chiens les Infidèles », Mnémos fantasy (l’avis Yozone) ;
- Charlotte Bousquet pour « Arachnae », Mnémos ;
- Nathalie Dau, primée l’an dernier pour « Contes Myalgiques », Griffe d’encre et à qui nous consacrions un dossier ici.

Encore une fois, désolé pour la qualité des photos...



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Histoires de filles

Les invitées s’expriment tour à tour sur la première « question provocante » : les femmes écrivent-elles pour les femmes ?

Patricia Briggs, avec sa série « Mercy Thompson », n’y voit aucune provocation. Pour elle, écrire un personnage au féminin ou au masculin est surtout une question d’impression.

Charlotte Bousquet a plutôt la sensation de mettre en scène des héroïnes féminines pour plus de ressenti en tant que femme. La mixité de son lectorat ne lui donne pas l’impression d’écrire « pour les femmes ».

Nathalie Dau a quant à elle plus de facilité à se projeter dans un « homme féminin », ses personnages féminins étant souvent en marge de la société : femmes rejetées par leur famille, êtres féériques, etc. mais qui toutes assument leur féminité.

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Nathalie Dau et Charlotte Bousquet


Maïa Mazaurette rappelle son passif de journaliste pour des magazines très masculins (dans lesquels on s’étonnera de ne pas y trouver que des photos de créatures féminines mais aussi du texte !), qui fait qu’elle ne traite pas différemment ses personnages masculins et féminins. Dans son second roman, il est même impossible de déterminer de quel sexe est le personnage principal.

Patricia Briggs a elle aussi un lectorat varié, qu’il s’agisse de l’âge ou du sexe, et est donc surprise qu’on trouve son héroïne formatée pour les jeunes filles de 20 ans. Aux U.S.A., le lectorat dans ce domaine de fantastique est d’environ 60 à 70 % de femmes. Elle évoque aussi une poursuite du personnage de la série TV “Buffy”, dans une version plus âgée et plus mature.

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Maïa Mazaurette et Patricia Briggs


Nathalie Dau n’a pas l’impression d’écrire pour les femmes, mais reconnaît que ses histoires relatent souvent la souffrance d’une femme, et donc que l’identification est plus forte chez le public féminin.

Lorsqu’on lui demande s’il n’y a pas une petite revanche des femmes dans la fantasy, où elle sont peu nombreuses, Charlotte Bousquet répond que le mouvement ultra-féministe en fantasy a été initié par Marion Zimmer Bradley, en opposition au très masculin « cycle de Gor » de John Norman (J’ai Lu SF). Plutôt qu’une revanche, elle y voit une nouvelle liberté gagnée.

Maïa Mazaurette est quant à elle pour la revanche, évoquant son adolescence et sa pratique du jeu de rôle, alors encore très sexiste. La littérature offre désormais un plus large panel de personnages auxquels chaque lecteur peut s’identifier, mais elle conserve tout de même une petite frustration de cette époque passée.

Lorsque J.C. Vantroyen souligne que Mercy est un peu isolée au milieu de personnages fades et moins intéressants, Patricia Briggs répond que c’est accidentel. Elle a voulu pour son héroïne un métier masculin (mécanicienne), ce qui fait que ses plus proches relations, ses collègues, sont pour la plupart des hommes. Elle rajoute progressivement des personnages féminins mais reconnaît aimer écrire des rôles masculins.

Nathalie Dau effectue-t-elle plus de travail sur ses personnages masculins ? L’auteure évoque alors son enfance dans le Sud, « brimée » par rapport à son frère à qui tout était permis car il était un garçon et elle une fille. Aussi s’est-elle mise à imaginer le renversement des rôles, comment elle vivrait si elle était un garçon. Elle a retrouvé l’harmonie avec sa maternité, mais demeure toujours en elle son double masculin de cette époque.

Charlotte Bousquet confirme sa position : il est plus facile pour elle d’écrire un personnage féminin.

Maïa Mazaurette, qui baigne dans un univers masculin, s’est aperçue qu’il y avait beaucoup d’hommes dans ses premières tentatives de romans, et s’impose donc une parité. Cette contrainte enrichit d’ailleurs son roman « Dehors les Chiens les Infidèles » où elle magnifie l’exercice en retournant les archétypes (voir ma critique sur Yozone).

Elle souligne également, non sans ironie, que pour certains auteurs, il est mentalement plus facile d’imaginer un monde avec des elfes et des dragons qu’un univers où le pouvoir serait détenu par les femmes (on pourra évoquer la société matriarcale mais fortement castratrice de la série des “Drizzt”, de R.A. Salvatore, dans les Royaumes Oubliés, actuellement rééditée chez Milady, comme tentative d’un auteur masculin d’imposer un pouvoir féminin plus cruel que celui d’un mâle).

Maïa Mazaurette insiste sur la nécessité de faire sauter les barrières du contenu, du style ou du format, pour obtenir un grand mélange d’imaginaire.

Nathalie Dau renchérit : il faut faire sauter les caricatures du quotidien. Maïa Mazaurette poursuit sur cette idée : les lecteurs ont encore de nombreux tabous sur les femmes et le pouvoir ou la guerre, aussi s’est-elle efforcée de féminiser les noms, les grades, les titres dans ses romans, et de le présenter comme un antisexisme naturel, qui ne choque personne.

Charlotte Bousquet rappelle que dans de nombreuses cultures il existait des femmes guerrières, notamment en l’absence des hommes. Jules César craignait les Gauloises plus que leurs maris, car elles étaient les détentrices de l’honneur des hommes. Elles pouvaient se battre, et n’hésitaient pas à se donner la mort ainsi qu’à leurs enfants si leur mari était vaincu et déshonoré.

Maïa Mazaurette dit aussi refuser d’écrire des personnages ennuyeux, du type de la belle princesse qui attend son prince. Son écriture vise le plaisir, le sien et celui de ses lecteurs : « je prends 50% de mon plaisir avec le plaisir des autres. » La déclaration est unanimement approuvée après un rire général.

Patricia Briggs rapporte qu’aux U.S.A, on a tendance à classer la SF comme le domaine des hommes, et la Fantasy comme celui des femmes, la SF étant plus centrée sur les idées et la fantasy sur les personnages. Néanmoins, avec une plus grande part de femmes dans le lectorat, il est normal qu’il y ait plus de femmes qui deviennent auteures de fantasy.

Nathalie Dau, en tant que directrice des éditions Argemmios, fait remarquer la parité entre auteurs masculins et féminins qu’elle constate lors de ses appels à textes, qu’il soient en SF ou en fantasy. Jacques Baudou, présent dans le public, rappelle que le lectorat en France est aussi de l’ordre de 70% de femmes et 30% d’hommes (chiffres qu’en tant que bibliothécaire, je confirme).

J.C. Vantroyen évoque pour finir les couvertures des romans.
Maïa Mazaurette infirme sa suggestion que l’auteur n’a pas son mot à dire : l’illustration est validée avant le tirage.
Charlotte Bousquet est elle aussi très contente de la sienne pour « Arachnae » et confirme la validation mutuelle entre l’auteur et l’illustrateur.
Patricia Briggs, éditée chez Milady, dit beaucoup aimer ses couvertures françaises, qui reprennent l’illustration de l’édition américaine mais dont elle préfère l’effet de brume sur le pourtour.
Lorsqu’on lui demande ce qu’elle pense de l’image, elle évoque la chansonnette qui tourne dans les conventions américaines : « Y’a une bimbo sur la couverture de mon livre ». Une telle image attire le regard des lecteurs, il y a un pouvoir de séduction, et elle décrit relativement bien le contenu. C’est vendeur, aussi c’est pour celui qu’elle a toute confiance en son éditeur et l’illustrateur, plus au fait du marketing que la plupart des auteurs.
Elle rapporte l’anecdote d’une lectrice américaine : elle réprouvait totalement ce concept de « bimbo sur la couverture », mais c’est aussi à cause de cette couverture qu’elle avait acheté le livre.

En conclusion, Maïa Mazaurette affirme qu’il n’y a pas de « littérature pour filles », il n’y a que des auteures frustrées capables d’une telle production, et c’est une attitude qui ne fait que les enfoncer dans leur frustration. Elle dit aussi préférer la fantasy à la SF pour ses relations de personne à personne, sans robots froids ou machines désincarnées. Il y a dans la fantasy un côté tactile, pas forcément érotique, beaucoup plus humain.

À la question finale (de votre serviteur) de leurs influences féminines, voici leur réponse :
Charlotte Bousquet s’inspire de Veronica Franco, une poétesse vénitienne du XVIe siècle, féministe avant l’heure, malheureusement non traduite en français mais largement diffusée en anglais.
Nathalie Dau cite Marion Zimmer Bradley, le « Terremer » d’Ursula Le Guin, Robin Hobb.
Maïa Mazaurette reprend ses deux dernières, mais dit puiser son inspiration surtout hors de la fantasy ou de la SF.
Enfin, Patricia Briggs évoque Andrea Norton (peu traduite en français, et pas rééditée depuis ce début de siècle), Anne McCaffrey, Loïs McMaster Bujold et Connie Willis.

Mon avis d’auditeur : Le sujet était accrocheur et proprice à un vrai débat. L’absence de confrontation l’a rendu peut-être pas inintéresssant, mais terne, les auteures s’entendant toutes contre le présupposé de départ, même Patricia Briggs avec ses couvertures tape-à-l’oeil. Il manquait un avis contraire, ou des suggestions sur d’autres auteur(e)s. La faute en grande partie à Jean-Claude Vantroyen, dont les questions « provocantes » ont surtout révélé au fil de ce café littéraire une connaissance très superficielle du sujet et de la variété des parutions actuelles « féminines » dans et hors du domaine de la fantasy et de la SF. Dommage pour le débat...

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Nicolas Soffray
10 juin 2009


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