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Le cyberespace de l'imaginaire




Imaginales 2009 - Bâtisseurs d’univers

Épinal, 14 mai, 14h

Café littéraire : Bâtisseurs d’univers… créer un monde et l’explorer
- Animé par Stéphanie Nicot, avec :
- David Anthony Durham (traduit par Sylvie Miller) pour « Acacia », tome 1 : la guerre du Mein, Le pré aux clercs ;
- Carina Rozenfeld, pour « La Quête des Livres-Monde, Tome 1 : Le Livre des Ames », Intervista, prix Imaginales des collèges 2009
Pierre Bordage, pour l’ensemble de son œuvre, dont dernièrement « Frère Ewen » (l’avis Yozone) et « Sœur Ynolde » (l’avis Yozone), l’Atalante.
- Pierre Bottero est excusé, absent suite à un souci de train.



Carina Rozenfeld, prix Imaginales des Collégiens 2009 pour le premier volume de sa trilogie des livres, souligne le bonheur de pouvoir retrouver des personnages qu’on a créés. Néanmoins, la construction de sa trilogie (la quête de 3 livres) permet de créer à chaque volume un nouveau monde et une nouvelle manière de s’en servir.

Pierre Bordage, dont le second volume de la « Fraternité du Panca » (l’Atalante) est un nouveau pas dans l’espace, insiste sur la nécessité de créer des sociétés cohérentes avec les mondes imaginés. Pour obtenir un tel “effet de réel”, il faut tout décrire, et permettre ainsi au lecteur de se sentir aussi à l’aise dans cet univers que dans son quotidien, de le faire voyager. Ce qui est le but du space-opera, nous emmener à la découverte de mondes inconnus.

David Anthony Durham rappelle que chaque écrivain a sa méthode. Ayant débuté comme auteur de roman historique (le dernier traitant de Carthage), il a l’habitude de créer des personnages avec une culture propre, complexe et cohérente, avant de les confronter les uns aux autres. En effet, il convient que les protagonistes soient crédibles avant de provoquer un choc culturel. Une méthode qu’il reprend lorsqu’il s’essaie (avec succès) à la Fantasy avec « Acacia », à la différence qu’il lui faut cette fois construire ses propres civilisations, et ensuite respecter ses propres « détails historiques ». Il reconnaît le côté plaisant de créer une ou plusieurs civilisations de A à Z, même si c’est plus difficile que d’effectuer des recherches historiques précises.

Carina Rozenfeld approuve, soulignant que c’est le moyen d’affiner ainsi sa réflexion, au-delà de l’écriture instinctive et de la créativité. Pierre Bordage, abonde dans le sens de D.A. Durham sur cette idée de “créer une crédibilité”, de créer du réel. Même si cela nécessite de produire des encyclopédies fictives abondantes, car c’est le sens du détail et de la globalité qui permet ensuite de représenter un univers avec une logique interne.
Un exemple avec le « Mystère Olphite » (l’Atalante), de Carina Rozenfeld, où chaque chapitre était surmonté d’un exergue issu de cette encyclopédie, sous des formes multiples (article de presse, de dictionnaire, poème, extrait de journal intime), qui enrichissent la connaissance de la société. (On retrouvera le même procédé dans « Dune » de Frank Herbert (Pocket), ainsi que dans son hommage français, « l’Histrion » et « Sexomorphoses » d’Ayerdhal (J’ai Lu SF). Et sûrement d’autres…)

Pierre Bordage évoque à son tour son « Enjomineur » (3 tomes à l’Atalante), le premier venant de paraître en Livre de Poche fantasy) où la fantasy se mêle à l’histoire, et où les lecteurs cherchent à discerner le vrai du faux, un exercice d’autant plus difficile que les éléments de fantasy sont traités de manière aussi crédible que les éléments historiques réels. D.A. Durham surenchérit : s’ils servent correctement l’intrigue, ce sont les détails, réels ou inventés, qui rendent l’histoire solide. D’où un souci de cohérence, d’homogénéité.

Carina Rozenfeld oppose son dernier roman - à l’univers contemporain « classique » où pointe peu à peu le fantastique comme une « rupture dans le banal » qui devient soudain original, sans pour autant perdre de son concret – à son « Mystère Olphite », roman d’anticipation qui lui a demandé plus de recherches (notamment en physique et en histoire antique) pour planter un décor sensiblement différent du quotidien du lecteur.

Avec les « Guerriers du Silence » de P. Bordage, ce sont les personnages qui portent le récit, qui nous montrent « leur monde ». Des personnages parfois autonomes, comme sur la « Fraternité du Panca », où la personnalité forgée pour chacun conduit parfois l’auteur à revoir les chemins empruntés par son histoire, qui avoue travailler à l’instinct sur ces derniers livres, ne s’imposant qu’une ligne directrice (un personnage doit en rejoindre un autre) et se laissant guider par les réactions logiques de ses héros.
D.A. Durham rejoint cette manière de faire, sans pour autant abandonner toute méthode. Dans « Acacia », un monde commun est vaguement défini, et les blancs se remplissent au fur et à mesure des recherches et de l’écriture. Dans le second volume (à paraître très bientôt aux USA) les personnages sortent de ce monde-cadre, sortent de la carte et partent à la découverte de terres inconnues, en même temps que l’auteur, qui n’a parfois que peu d’avance sur eux et ce qu’ils vont découvrir.

Pierre Bordage est alors amené à parler de son dernier roman autonome, « le Feu de Dieu » (Au Diable Vauvert), que Stéphanie Nicot décrit comme une relecture du « Ravage » de René Barjavel. Ce qui fait rire l’auteur, qui confesse ne pas l’avoir lu ! mais se (et nous) promet de le faire, avant de révéler s’être plutôt inspiré de l’Odyssée pour cet univers bouleversé, et dont on retrouve beaucoup d’éléments, avec un voyage en arche durant lequel l’angoisse de vivre clos surpasse le soulagement d’avoir survécu au cataclysme. Il évoque la parution simultanée de « La Route » (Editions de l’Olivier, sorti en poche chez Points) de Cormack McCarthy, et de l’existence d’une « communauté d’inspiration » bien que son projet fut déjà vieux de 12 ans.

D.A. Durham rapproche son « Acacia » de l’empire américain. Tous deux souffrent des mêmes problèmes, des mêmes désillusions. De grands changements devraient intervenir à la fin du 3e tome, changeant radicalement la place de l’empire d’Acacia dans le monde. Une perspective inspirée à l’auteur lors de ses voyages à l’étranger, en étudiant les regards qu’on portaient sur les USA. Comme dans l’actualité récente, la guerre couve dans Acacia, mais les vainqueurs ne remporteront pas la liberté de décider du destin de leur monde.

En conclusion, Pierre Bordage annonce qu’après une quarantaine de romans, il souhaite poursuivre son exploration des différents genres de l’imaginaire et s’essayer à la pure fantasy. L’anecdote finale viendra de son enfance au Petit Séminaire, où pour s’occuper l’esprit pendant la messe matinale et tromper la fin en attendant le petit déjeuner, il imaginait de petits feuilletons, s’embarquait dans une histoire, pour y revenir le lendemain. Créer des mondes est l’occasion de réfléchir sur notre histoire et, plus philosophiquement, sur notre temps.

Mon avis d’auditeur : Pour un premier café littéraire, la journée s’annonce excellente. Les intervenants, d’horizons très différents, se livrent à Stéphanie Nicot et aux auditeurs avec le sourire, certains débordant agréablement de leur dernier ouvrage présenté pour élargir leurs réponses à une culture littéraire SF commune. L’évocation de mécanismes d’écriture, d’inspirations, etc. rend la séance très intéressante. Bon présage pour la suite ?

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Nicolas Soffray
10 juin 2009


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