Deux conceptions radicalement opposées du monde se confrontent, alors : celle rigoureusement scientifique des citadins et celle dont les racines s’ancrent dans le mysticisme et la nature.
Malgré cela, ils cheminent ensemble et progressent vers le cœur de la forêt. Au fil de leur périple, leurs songes sont hantés par des visions du passé, des visions datant d’avant la Catastrophe Verte. Le projet EVA mené au début du XXe siècle a mal tourné et de ce désastre sont nées des intelligences artificielles semi-organiques, responsables de la régression de la société humaine.
Ysambre, qui s’est développée suite à cela, n’est donc pas une forêt comme celle que l’on connaît. C’est une forêt biomécanique, les IA créées s’étant vu contraintes de s’incarner en empruntant au végétal.
Tout en découvrant cela, Alcyde et Salliah retrouvent la trace de Nimh, le père du jeune homme, et le rejoignent dans les vestiges du centre de recherche EVA, dans lesquelles il compte finir ses jours. Ils y rencontrent la Sylphe originelle qui leur révèle par un baiser le but que la forêt poursuit, un rêve de réunification et d’harmonie.
Dans ce second tome, Salliah se réveille seule, Alcyde ayant disparu suite à la mort de son père. Refusant de céder à la détresse, elle poursuit ses explorations tout en constatant des phénomènes étranges et inquiétants. Nimh n’est pas décédé de mort naturelle, il a été rongé par une lèpre mécanique.
Celle-ci serait-elle en rapport avec l’apparition de ces Sylphes noires qui semblent corrompre tout ce qu’elles touchent ? Salliah décide alors d’aller chercher de l’aide à Tourgrise, la cité des Mathiciens. Un voyage riche en découvertes et en bonnes comme mauvaises surprises.
La Femme Graine est le second tome de la série Ysambre, débutée par Le Monde Arbre. C’est une suite quasi-directe, séparée du premier opus par une ellipse de quelques mois.
Oui, d’accord. De prime abord, l’histoire peut sembler un brin complexe. Pourtant, passé un premier instant de panique pendant lequel on se demande comment on va retenir tout ça, on se laisse vite emporter dans le récit et le monde inventé.
Ce périple est un fil conducteur, un fil habile et prenant auquel se relient des digressions portant sur différents points de l’univers. Notes concernant la faune, brèves légendes ou observations se trouvent ainsi évoquées en marge des aventures de Salliah. En ceci, la forme du carnet de voyage se révèle être un choix pertinent.
On découvre des annexes sans avoir le sentiment de sortir du récit, restant sans cesse connectés au monde que Mickaël Ivorra a créé pour nous.
Il faut dire qu’on s’y laisse volontiers aller, l’ouvrage étant de très bonne qualité. La mise en page, cliché du genre, est très bien réalisée et les vieux papiers s’accordent parfaitement au croquis et peintures, mais aussi aux textes.
Très appréciables sont également les variations de support d’impression. Ainsi, certaines pages sont en calque, d’autres en papier de fibres végétales, épais et doux.
De plus, les créatures et animaux mis en images par Séverine Pineaux sont vraiment beaux. Sa manière d’hybrider le végétal, l’animal, l’humain et le mécanique est fascinante. Qu’il s’agisse de croquis ou de peinture, rien à dire, le charme agit.
Ainsi, on s’invite dans ce monde imaginé et imagé, saisissant sans mal le discours de fond sur l’environnement et voyant très bien ou l’auteur veut en venir lorsqu’il nous parle de la disparition des abeilles, de la course au savoir et de la rébellion des créations. Donner cette approche à ce type d’ouvrage confère une dimension supplémentaire qui permet de quitter les sentiers de la mièvrerie et de la contemplation passive. Ce sentiment est renforcé par le fait de placer le monde évoqué dans un futur plutôt que dans une atemporalité ou un passé mystique.
Un bon moment d’évasion dans un univers bien maîtrisé et où l’enchanteur côtoie l’avertissement. A conseiller aux amateurs du genre, petits comme grands.
Ysambre, la Femme Graine
Série : Ysambre, tome 2
Texte et infographie : Mickaël Ivorra
Croquis et peintures : Séverine Pineaux
Édition : Tournon
Pages : 96 pages couleur
Format (en cm) : 24 x 33 cm
Dépôt légal : novembre 2008
ISBN : 978-2-35144-0889
Prix : 25€
© Tournon 2008