On ne dira jamais assez le mal qu’a fait la série télévisée au polar, tant elle a exploité, voire trivialisé tous ses codes. Mais Didier Sénécal a choisi de prendre le problème en sens inverse : prendre une partie des codes de la série télévisée pour leur appliquer un traitement romanesque. Une entreprise particulièrement casse-figure qui, heureusement, s’avère parfaitement réussie.
Sous le sous-titre classique Une enquête du commissaire Lediacre, on retrouve le trio présenté dans « Les Voitures Vides » (Fleuve Noir Thriller), où Sénécal réussissait une variation sur le thème du tueur en série : Lediacre a pour adjointe Hélène, la narratrice (son docteur Watson ?) et Jean-Louis, peu recommandable mais mine de tuyaux. Une configuration traditionnelle donc, et Lediacre lui-même est inspiré des grands héros du genre : froid, calculateur, retors, méticuleux, il tient à la fois du héros et de l’anti-héros, mi-Maigret, mi-Hercule Poirot remis au goût du jour.
À partir de là, Sénécal développe une intrigue complexe, passionnante, bourrée de petites notations extrêmement crédibles, menée avec une fausse décontraction qui cache sa construction méticuleuse. Si ce parti pris de crédibilité implique l’absence de scènes véritablement spectaculaires (pas de fusillades ou de confrontation finale), le travail de fourmi des enquêteurs les fait passer d’un pays à l’autre (on voyage beaucoup dans ce roman, de Suisse en Hollande) sans oublier des développements intéressants (la façon dont Jean-Louis « tient » ses indics donnant lieu à une scène mémorable).
Il n’empêche que la machination tissée pour détruire médiatiquement cette vedette de l’humanitaire est d’un machiavélisme achevé sans donner dans les délires Bronsono-Mussoliniens très à la mode (et qui permettent même de recevoir des prix, diront les mauvaises langues) !
Le tout servi par un style factuel, journalistique, beaucoup plus travaillé qu’il n’en a l’air. Ce qui serait un excellent résumé de ce roman découpé en chapitres courts, sans l’ombre d’un temps mort, qui a l’élégance de préférer une petite musique entêtante aux grandes orgues spectaculaires. Et inutile de dire que l’ensemble se dévore en apnée, d’un bout à l’autre, sans reprendre son souffle.
On ne peut espérer que du bien à cette série qui démontre que le polar « littéraire » est encore capable de relever la tête face à la moulinette télévisuelle...
Titre : Les Petites Filles et les Petits Garçons (France, 2009)
Auteur : Didier Sénécal
Couverture : Jupiter images et Getty Images
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Policier/Thriller
Site Internet : fiche roman
Pages : 248
Format : 14 x 22,5
Dépôt légal : janvier 2009
ISBN : 978-2-265-08835-1
Prix : 18€