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Couronne de Fer (la)
André Caroff
Black Coat Press, Rivière Blanche, n°2020, roman (France), anticipation, 162 pages, mars 2006, 15€

Le monde est chamboulé, les continents se déplacent… Qui est responsable de l’explosion simultanée de tous les stocks d’armes de la Terre, et donc de ce cataclysme ?
David et Michael, deux survivants, vont découvrir que des extra-terrestres, les Oximiens, sont responsables de la chute de la civilisation. Car avec la catastrophe, on se croirait revenu à l’âge des ténèbres : la loi du plus fort règne, la violence est omniprésente parmi ces gens qui une semaine auparavant menaient une existence honorable…

Les deux nouveaux amis, par la force de leurs armes mais aussi leur inébranlable conviction en la bonté de l’homme civilisé, vont fédérer les réfugiés et tenter de faire renaître la société humaine. Aidés en cela par deux désintégrateurs laissés par les aliens, ainsi que quelques heureux coups du sort, ils vont employer chaque jour de leur vie à remettre les hommes dans le droit chemin.



Rivière Blanche a repris le flambeau de Fleuve Noir et surtout de sa collection Anticipation, où se côtoyaient du bon et du moins bon. Les space-operas ou les aventures interplanétaires sont rarement l’occasion de briller pour les auteurs, qui y voient plutôt un moyen de remplir leur assiette. Néanmoins, il arrive qu’une pépite émerge de tout cela.
André Caroff était un pilier de l’édition, ainsi que Jean-Michel Archaimbault nous le rappelle dans son excellente post-face. Disparu récemment, et bien qu’atteint de cécité depuis 1989, il n’a jamais cessé d’écrire. « La Couronne de Fer » porte les stigmates de sa maladie, tant dans la forme que dans le style, les répétitions y sont nombreuses, les tics de langue tout autant.
Cependant, son histoire s’avère captivante, même à ma raison rétive à la moindre invraisemblance. Sans doute parce qu’une utopie comme la sienne (reconstruire l’humanité dans une société unie et égalitaire) est plus que jamais d’actualité.

Le roman, assez court, ne s’embarrasse pas de circonvolutions. Dès le premier chapitre, un savant mourant prophétise son avenir à David. À la fin du second, une jeune et jolie femme pétrie d’espoirs s’offre au héros si celui-ci délivre les réfugiés des brutes qui se sont arrogées le pouvoir. Pour finir le troisième, on annonce la fin du cannibalisme et le retour à la démocratie. Rien ne traîne. À tel point que le temps passe à différentes vitesses, une phrase faisant parfois sauter des semaines ou des mois, rendant la chronologie approximative et la simultanéité des évènements assez floue. Mais qu’importe tout cela, ainsi que les quelques invraisemblances (une foule de réfugiés est nourrie du produit de la chasse…). Nous ne sommes pas dans de la “hard-SF”. L’anticipation est affaire d’aventures, mais aussi de message.

Pas un simple roman de gare

Et c’est là que j’ai été agréablement surpris. Outre l’aspect utopique qui m’avait déjà séduit, André Caroff prouve qu’il connaît les hommes, dans leurs plus grandes qualités comme dans leurs pires travers. Les rapts et les viols sont symptomatiques des groupes revenus à la bestialité, dont la hiérarchie repose sur la force, où la trahison est monnaie courante pour peu qu’elle assure de devenir chef à la place du chef. Les femmes sont les premières victimes de cette société, traitées en objets dans les harems, brutalisées, etc. Les enfants, nécessité alimentaire oblige, sont mangés, tout comme les opposants.
Mais s’il s’agit là du tableau noir des sauvages, les rescapés encore civilisés offrent une vision en demi-teinte : s’ils sont pressés de restaurer la société, avec sa technologie et son confort, les grands spectres du capitalisme et du fanatisme religieux sont également de retour. Le pouvoir et la corruption engendreront la violence, et il faudra attendre le retour des héros pour faire respecter l’ordre et la justice.

Utiliser le futur pour dire le présent

Caroff brosse ainsi un portrait très réaliste de notre société, en soulignant ses atavismes de manière manichéenne et caricaturale dans ce monde post-apocalyptique. Le monde se relèvera assez vite des dégâts provoqués par les Oximiens, grâce au savoir de chaque survivant et à la solidarité mutuelle, mais de manière inégale. Les anciennes villes ont disparu, les livres, les laboratoires aussi. Seul demeure le savoir vivant, et chaque décès est une double perte. Si l’électricité est réinventée rapidement, sa diffusion ne se fait pas sans mal. Et ne parlons pas du pétrole, perdu et plus ou moins banni de cette nouvelle ère.

David, que les rescapés chinois, fort nombreux, ont déclaré plus grand Mandarin de tous les Mandarins (comme quoi un désintégrateur peut être utile) saura diriger son peuple sur le chemin de l’égalité. L’opposition ne tardera pas à naître, car le cataclysme n’a pas éradiqué la race des patrons et des exploiteurs, qui ne partagent pas la vision du Mandarin. Aussi lutteront-ils contre la dynastie, dans la suite : « Les Enfants du Mandarin ». La lutte des classes demeure d’actualité, et l’utopie du Mandarin sera très vite mise à mal, le pouvoir politique n’étant pas toujours suffisant pour contrer celui de l’argent.

Malgré les très nombreuses coquilles qui émaillent le texte et une histoire manichéenne aux rebondissements des plus théâtraux, « La Couronne de Fer » distille un indéfinissable espoir en certains éléments de la race humaine.
On sourira avec indulgence aux nombreuses facilités du récit (la chronologie, les heureux hasards…) ainsi qu’aux poncifs attendus chez un Fleuve Noir Anticipation (les quotas raciaux, une bonne dose de femmes bafouées et opprimées, de magnifiques héroïnes prêtes à s’offrir corps et âme à leur sauveur), surtout lorsque l’auteur saura en retourner certains à son avantage et s’affranchir des situations standardisées (le changement de vues de Juliana, à la fin du récit, fait l’effet d’une délicate douche froide, rappelant que peu demeurent éternellement sourds aux sirènes du pouvoir).

Je ne saurais recommander toute la bibliographie de l’auteur. C’était mon premier Caroff, et la lecture a été douloureuse, mes yeux accrochant la moindre erreur typographique (les dialogues sont à peu près tous dépourvus de virgules). Mais une fois le livre terminé, l’histoire et le message restent. On n’irait pas jusqu’à souhaiter la fin du monde, mais on se plaira à rêver que pour le reconstruire, des idéalistes soient là, en première ligne.


Titre : La Couronne de Fer
Auteur : André Caroff
Post-face : Jean-Michel Archaimbault
Couverture : Sylvain Despretz
Éditeur : Black Coat Press / Rivière Blanche
Site Internet : fiche du roman
Collection : Rivière Blanche
Directeur de collection : Philippe Ward
Numéro : 2020
Pages : 162
Format (en cm) : 20,4 x 12,7 x 1
Dépôt légal : mars 2006
ISBN : 978-1-932983-64-7
Prix : 15€



Nicolas Soffray
13 avril 2009


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