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Dehors les Chiens, les Infidèles
Maïa Mazaurette
Mnémos Fantasy, collection Icares, fantasy historique uchronique, 296 pages, Octobre 2008, 22€

Sur fond d’ultime croisade, Maïa Mazaurette met en lumière les dangers d’une victoire du Bien comparée à un moindre mal.

Pas forcément sans écho contemporain, un roman d’historic-fantasy qui donne un nouveau souffle au genre.



Fin du XIVe siècle. Suite à la défaite de Galaad quatre-vingts ans auparavant, le monde est recouvert de nuages sombres que le soleil n’arrive à percer. Et le monde est partagé entre la Lumière, et sa citadelle d’Auristelle, et les Ténèbres de l’Occidan Noir. Le crépuscule éternel fait les hommes rachitiques, empêche la croissance des plantes, a conduit à la disparition de certaines espèces, en a vu naître d’autres. Certaines mutations déforment les hommes, telle la marque de la Bête, et cela même dans les rangs de la très sainte noblesse d’Auristelle.

Si l’Antépape se satisfait de ce monde déliquescent, Auristelle tente de ramener la Lumière, malgré le coup d’arrêt qu’a été le massacre de Galaad et de sa troupe de quatre-vingt mille hommes, et envoie tous les cinq ans de jeunes soldats en quête de l’arme légendaire du héros, l’Étoile du Matin.
Ainsi partent cinq adolescents : Spérance, la Guide, Astarie, l’Inquisitrice, Lièpre, l’éclaireur, Vaast, l’espion et Cyférien l’érudit.

L’excellente première idée de ce roman, qui dès le titre ne peut laisser indifférent, est de nous épargner les détails de la Quête pour commencer à sa fin, alors que le groupe de Quêteurs s’empare d’informations capitales.
Immersion garantie, et cela malgré un univers peu conventionnel, sorte d’uchronie sur les croisades. Aucune indication géographique, mais on situera volontiers l’action en Terre Sainte (la végétation et le climat s’y prêtent, ainsi que tout le passé biblique). Ce monde recouvert de nuages impénétrables est oppressant à souhait, comme un orage qui couve. Les quelques paysans rencontrés ça et là illustrent la force de caractère des hommes, capables du meilleur (mais aussi du pire) pour survivre sur des terres désormais moins hospitalières.

De toute façon, loin de nous infliger une errance digne du « Seigneur des Anneaux », Maïa Mazaurette se concentre sur ses personnages, fouillés, torturés, à l’association dès le début explosive ; et sur son histoire, qui glisse rapidement d’un conflit manichéen à quelque chose de plus subtil, de moins tranché, le tout savamment saupoudré de dissensions internes, de luttes de pouvoir et d’un soupçon de trahisons.

L’arme de Galaad retrouvée, le monde reverra-t-il la lumière du soleil ? Rien n’est moins sûr, encore faudra-t-il se saisir de l’arme qui comme Excalibur ne répond qu’à l’Élu, et on pardonnera la fin relativement convenue d’autant plus aisément que le chemin pour y parvenir s’est fait, chapitre après chapitre, des plus retors.
Dans cette nouvelle bataille entre les soldats de Dieu et les adorateurs de la Bête, l’auteure révèle toute la noirceur de l’âme humaine, que celle-ci arbore les traits d’une sainte comme Astasie ou d’un monstre, à l’image du prince Cyphérien.
La première incarne la perfection physique et spirituelle, bien que sous ses traits d’ange se cache un esprit si dévoué à la gloire de Dieu qu’il confine au fanatisme. Sans omettre une part d’ambition, qui jalonne les voies divines de cadavres, victimes de la guerre ou obstacles gênants sur le chemin de l’Élue… Le prince, quasiment rabaissé au rang de bâtard par son père en raison de ses malformations “bestiales”, hésitera entre assouvir ses ambitions ou prendre en charge les espoirs de tout un peuple de “marqués” , qu’en son absence on a mis au ban de la société et qu’on s’apprête à sacrifier en première ligne.
Entre ces deux caractères, Spérance et Vaast semblent flotter, jeunes gens sans titres ni autre ambition que de pouvoir vivre heureux, et ensemble…
Alors que le sort du monde repose sur leurs épaules également, leur foi et leur amour pour l’autre devra égaler leur foi en Dieu.

Une auteure à suivre

« Dehors les Chiens, les Infidèles » est un excellent roman, habile mélange de batailles sanglantes, de fanatisme religieux et d’ambitions déçues, qui change très agréablement de toute la fantasy héritière de Tolkien qui commence à encombrer les étagères. On en regrette presque qu’il ne fasse que 300 pages, mais aussi bien qu’il a su commencer au cœur de l’action, il sait s’arrêter quand il le faut, lorsque la bataille et la main divine ont plus ou moins clairement établi ce que seront les années à venir, avant de se lancer dans les intrigues de couloirs.

Plus connue pour ses activités de bloggeuse et sa lutte contre les tabous de la société en matière de sexe (un coup d’œil au titre de ses autres publications fera rougir la plupart d’entre nous), la journaliste Maïa Mazaurette se révèle une excellente auteure de fantasy, certainement élevée au jeu de rôle et aux classiques d’outre-Manche et d’outre-Atlantique, mais qui par sa connaissance de l’être humain sait dépasser le simple récit d’aventures médiévales-fantastiques pour produire un roman captivant à tous niveaux. Évitant l’écueil d’un fanatisme manichéen souvent l’apanage de ce genre de récit de guerre, elle rend attachants ses héros mal assortis, ce groupe perpétuellement au bord de la rupture mais toujours liés par des sentiments, bons ou mauvais, très humains.

Malheureusement, et chose assez surprenante pour un “Mnémos”, une légion de coquilles (oui, au-delà de vingt, je dis légion) émaille ce texte magnifiquement illustré par Nicolas Siner. Si je peux reprocher à l’auteure de mettre “sentinelle” au masculin (Lièpre est “le sentinelle” du groupe, expression répétée à 5 reprises pour ce seul personnage), ce qui peut se comprendre par sa volonté de ne laisser aucun doute sur le sexe du personnage, la totalité des autres fautes relève d’une mauvaise relecture.

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Si les fautes se raréfient dans le dernier tiers du roman, l’œil a néanmoins pris le réflexe de les chercher, ce qui gâche un peu le plaisir de lecture…


Titre : Dehors les Chiens, les Infidèles
Auteur : Maïa Mazaurette
Couverture : Nicolas Siner
Editeur : Mnémos Fantasy
Collection : Icares
Pages : 296
Format (en cm) : 23,5 x 15,5 (broché)
Dépôt légal : Octobre 2008
EAN : 9-782354-080426
ISBN : 978-2-35408-042-6
Prix : 22€



Nicolas Soffray
8 mars 2009


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