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Guerre Éternelle (La)
Joe Haldeman
J’ai Lu, Science-fiction, roman traduit de l’américain, Août 2001, 281 pages, 4,80€

Joe Haldeman, vétéran du Viêt-nam, a réussi à mêler un véritable plaidoyer anti-guerre à un roman d’anticipation dépeignant un futur plus que convainquant.
Déjà en BD sous le crayon de Marvano et bientôt au cinéma grâce à Ridley Scott.



Le narrateur est William Mandella, un jeune engagé dans la nouvelle force spatiale. L’auteur découpe le roman en trois parties, selon la carrière de son personnage : d’abord soldat, et le récit d’une formation à la vie dans l’espace jusqu’au premier affrontement avec l’ennemi, puis sergent-chef, et une intensification du conflit, et enfin commandant, avec un engagement terrestre révélateur de l’horreur de la guerre, quelles que soient les armes employées.

Je n’en dirais pas plus (enfin pas trop), car du style au déroulement du récit, ce roman de moins de 300 pages se dévore. Néanmoins, quelques-uns de thèmes traités par l’auteur sont à souligner. Tout comme je me refuse à évaluer le roman dans un éventuel classement des meilleurs bouquins de SF, les voici plus ou moins pêle-mêle :
La conscription imaginée par Haldeman est intéressante : la guerre dans l’espace étant un travail de pointe, seule l’élite intellectuelle est recrutée pour former le bataillon auquel appartient Mandella. Hommes et femmes au QI élevé se retrouvent ainsi rabaissés à l’état de chair à canon, et les actes auxquels ils seront contraints leur inspireront les pires réactions de rejet.
Le concept de temporalité, qui donne tout son sens au titre, est bien évidemment au cœur du roman. Les vaisseaux voyageant à une vitesse proche de celle de la lumière, le “temps de voyage” entre la base et le lieu des opérations est modifié par rapport à la réalité, si bien que lorsque Mandella revient sur Terre après sa première campagne, une trentaine d’années se sont écoulées alors que lui n’a vécu qu’une année “subjective”. Ainsi, le roman s’achève en 3143 (année “terrestre”) mais le héros n’aura vieilli que de quelques années.
De plus, les effets de l’accélération requiert de voyager en caisson, totalement à la merci de l’ordinateur de bord, ce qui rend les batailles des plus épiques, dans une ambiance proche de « 2001 l’Odyssée de l’Espace » de Arthur C. Clarke, adapté au cinéma par Stanley Kubrick. On est loin, mais alors très loin de la saga « Star Wars » où la vitesse-lumière fonctionne avec un interrupteur…
Quelle que soit la manière de faire la guerre, Haldeman, vétéran du Viêt-nam, en dénonce l’atrocité, et ce pour les deux camps : du premier carnage qui fait penser au massacre de civils, en passant par le bombardement planétaire ordonné d’une simple pression sur un bouton, pour finir par un brutal corps-à-corps lorsque le niveau de technologie atteint rend obsolètes les armes produites.
Enfin, outre les effets servant l’histoire personnelle du héros, les bonds dans le temps permettent à Haldeman de tracer un futur somme toute logique de l’évolution terrestre. Une logique qui fait sa force, et donnerait presque des frissons. Au-delà des impératifs de contrôle de la population à court terme (et qui se profilent plus ou moins à l’horizon : absence de couverture maladie pour les plus pauvres, restriction des soins, de la surface habitable allouée à chacun…) instaurés par le gouvernement mondial, les choix futurs prêtent à sourire un instant et à réfléchir par la suite. Même si là nous parlons de plusieurs siècles dans l’avenir, la suggestion d’encourager très fortement l’homosexualité pour stopper la hausse démographique est à creuser…
Haldeman réussit même à justifier de façon presque crédible le nom de son héros, par une pirouette digne de Philip K. Dick, mais le lecteur ne pourra s’empêcher de sourire au principe que ce militaire farouchement opposé à la guerre porte à une lettre près le nom d’un ardent défenseur de la paix. Le roman est publié aux Etats-Unis en 1974, et Nelson Mandela a été emprisonné de 1962 à 1990, aussi est-il difficile de n’y voir qu’une totale coïncidence.

À noter pour ceux que la lecture rebute, ou au contraire pour en faire un chef-d’œuvre total, que le roman a été adapté en bande dessinée par Marvano, en trois volumes parus chez Dupuis dans la collection “Aire Libre”, intitulés respectivement « Soldat Mandella », « Lieutenant Mandella » et « Major Mandella », soit vous l’avez compris le même découpage chronologique et stylistique que le roman. C’est d’ailleurs par la BD que je l’ai découvert (comprendre : à force de lire les nouveautés, on oublie les classiques sur une étagère), et il faut avouer que l’image colle parfaitement à l’ambiance glaciale et vide de l’espace, où les humains survivent, bardés de technologie les rendant à peine moins vulnérables, subissant les contraintes de cet environnement qui peut leur être mortel à chaque instant. Cette sensation de froid, de délibérément neutre, voire d’étranger dans tout ce qui entoure les hommes, pour les empêcher de se raccrocher à quelque chose de personnel, passe mieux par l’image que dans le roman où le décor d’une austérité toute militaire est plus vite assimilée par le héros.
La suite du roman, intitulée « La Liberté Éternelle », écrite 25 ans plus tard par Joe Haldeman, a également pris la voie de l’image, la série d’albums étant renommée « Libre à Jamais ». Trois volumes également, difficiles à trouver. Mais la première série venant de ressortir en intégrale, on peut espérer que Dupuis accorde le même traitement de jouvence éditoriale à la suite.

Et pour finir, le troisième avatar de cette histoire envahira bientôt les salles de cinéma, Ridley Scott (pour les incultes du 7e art : « Alien le 8e Passager » et « Blade Runner », et plus récemment et hors SF, « Gladiator », « Kingdom of Heaven » et « American Gangster) » ayant acquis les droits du roman en 2008 et le tournant actuellement. Avec un tel réalisateur, on est en droit d’espérer le meilleur. Peu d’informations ont filtré jusqu’ici, sortie envisagée pour 2009 ou 2010...
Sans aucune méchanceté pour Christian Volckman, la sortie du film sera certainement l’occasion d’un retirage du poche, avec l’affiche en couverture, sûrement moins conceptuelle que celle de la présente édition.


Titre : La Guerre Éternelle (The Forever War, 1974)
Auteur : Joe Haldeman
Traduction : Gérard Lebec, avec la collaboration de Diane Brower
Couverture : C. Volckman
Editeur : J’ai Lu
Collection : Science-fiction
Numéro : 1769
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 281
Format (en cm) : 17,7 x 11 (poche, broché)
Dépôt légal : Août 2001
ISBN : 2-290-30825-0
Prix : 4,80€


- Joe Haldeman sur la Yozone (vidéo)


Nicolas Soffray
16 février 2009


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« La Guerre Éternelle » de Joe Haldeman, la dernière édition encore disponible chez J’ai Lu (2001)



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La précédente édition J’ai Lu de 1999.



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L’intégrale BD Dupuis, collection « Aire Libre », un must à posséder absolument.



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Joe Haldeman sur la Yozone lors des Utopiales 2005 (© photo Yozone - Stéphane Pons).



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