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Georgina Kincaid (T.1) : Succubus Blues
Richelle Mead
Bragelonne, L’Ombre, roman traduit de l’anglais (É-U), fantastique - bit-lit, 370 pages, 26 février 2009, 20€

Georgina Kincaid bosse dans une librairie, donne des cours de danse à ses collègues et vit dans l’anonymat le plus total d’une ville américaine d’aujourd’hui.

Rien d’anormal sauf que Georgina est maudite jusqu’à la fin des temps car c’est un succube au service des intérêts de l’Enfer. Elle fréquente donc démons, vampires et quelques anges avec qui elle s’entend finalement plutôt bien.

Un drôle d’univers où les créatures du Diable et de Dieu font leurs courses au Monop du coin et tombent amoureuses comme votre midinette de voisine.



Après le récent et très agréable premier « Mercy Thompson » de Patricia Briggs, Bragelonne poursuit sa plongée dans la “bit-lit”, appellation incontrôlée d’un mouvement littéraire principalement écrit par des femmes et pour des femmes, un genre en vogue qui reprend les grands codes du fantastique et de l’horreur sur le mode soft après les avoir passés à la moulinette “Buffy”.

Si votre critique du jour attend encore le bouquin de “bit-lit” qui le collera au fond de son canapé pour le compte, il avoue franchement un penchant somme toute immodéré pour cette littérature du délassement, aux visées commerciales évidentes, et aux vertus distractives bien présentes.

Plus original dans l’idée, mais paradoxalement et nettement moins fouillé et construit que « Mercy Thompson », « Succubus Blues » s’inscrit dans un cadre assez étrange qui associe romance impossible à l’eau de rose (tendance collection “Harlequin” en légèrement plus hot) et univers fantastique à la mode fantasy urbaine.

Figurez-vous qu’anges et démons, que vampires et succubes, bref, que toutes les créatures du ciel et des ténèbres vivent près de chez vous, font leur jardin, bossent à vos côtés et perdent aussi leur temps au supermarché du coin (en gros).
Bon, ils s’occupent aussi d’entraîner quelques humains dans la débauche, histoire de gagner leurs âmes à leur cause, mais ne font pas la gueule quand un ange interfère dans leurs projets. Au contraire, ils vont même prendre une petite bibine avec lui. Et nous dirons même plus, quand un empêcheur de vivre éternellement en rond se pointe, tout le monde s’allie pour éliminer le gêneur !

Préambule surprenant qui tente de définir la ligne narrative fantastique ultra light -et pourtant pas ennuyeuse- de ce roman. Il faut bien le dire : il ne se passe pas grand-chose dans cette première intrigue. Arrivé au deux tiers de l’histoire, le moins futé des lecteurs aura compris qui est le coupable. Et encore, coupable mais pas méchant car, de méchant, on n’est même pas certain qu’il y en ait un dans ce « Succubus Blues ».
À part ça, on accompagne le succube Georgina Kincaid confronté aux emmerdements de la vie courante : aller au boulot, se faire un petit concert, se choisir la bonne robe, recharger ses batteries démoniaques en aspirant l’énergie sexuelle d’un humain lambda, mais aussi monter une étagère Ikea, aller voir un match de hockey, se bourrer la gueule et se vautrer la tête dans les toilettes, fréquenter un mec sans coucher avec lui, etc,.
C’est que Georgina est une bonne fille, malheureusement transformée par Lilith en succube sur un coup de déprime (elle avait trompé son mari et ne s’en est pas remise).
Waou, à une époque où d’autres auraient abusé de l’hydromel locale pour oublier tout ça ou se seraient débrouillées pour que le jeune Apollon expédie le concurrent six pieds sous terre, Georgina a psychologiquement somatisé sa peine... Mauvais choix et remords éternels.

Passés ces détails et nœud central du suspense, il y a aussi la traque du malfaisant qui liquide quelques potes et que les cadors de la zone n’arrivent pas à choper (mais la petite Georgina, c’est autre chose !).

En y réfléchissant bien, « Succubus Blues » est une suite d’impossibilités qui parviennent étrangement à tenir debout. En utilisant principalement les séquences de dialogues, Richelle Mead intéresse son lecteur et ne le perd pas en route grâce à la belle vitalité de son style.
L’écrivain a aussi l’intelligence de placer son personnage central dans le monde des libraires. Elle lui fait ainsi fréquenter un écrivain à succès, dont elle va plus ou moins tomber amoureuse, et traîner dans diverses échoppes New Age.
Bonne idée pas assez exploitée, qui aurait pu durcir et élever le niveau du roman, les trop rares flashbacks sur le passé du succube. Très réussis, ils permettent de mieux comprendre Georgina (quoiqu’en y réfléchissant bien, tout un peu trop hénaurme pour être totalement crédible). Les références bibliques visant à expliquer le contexte mythologique de l’intrigue sont aussi intéressantes, originales, mais restent un peu superficielles.

Alors pourquoi ne pas ressortir de ce roman en le déconseillant franchement et faire preuve de tant de mansuétude à son égard ? Ben, parce qu’au rayon littérature de gare fantastique, « Succubus Blues » détend l’esprit et les neurones en totale synergie avec une envie pressante de ne pas se fatiguer le cerveau.

Mon tout possède aussi une forme de candeur assez séduisante qui a quelque chose à voir avec la joie de vivre et de lire une histoire que l’on sait forcément mineure. Un plaisir de l’instant que refusent souvent les romans plus aboutis.
En résumé, ce n’est pas parce que l’on doit s’enfiler de longues rasades de foie gras (pas toujours de première qualité, il faut bien le dire) que l’on n’aurait pas le droit d’apprécier un petit Carambar.
C’est sucré, d’une joie fugace, et pourtant, si l’on ne force pas les doses, la dégustation est à chaque fois une séance de rajeunissement gustatif qui renvoie à nos premiers émois sensitifs.

On espère néanmoins que Richelle Mead musclera les aventures de sa petite et sympathique Georgina Kincaid dans les prochains volumes, histoire de tenir la distance.

PS : Très belle couv’ de Jean-Sébastien Rossbach, Prix Artefact 2008 mérité.


Titre : Succubus Blues, T.1 (Succubus Blues, 2007)
Autres volumes dans la série : Succubus Blues (T.1), Succubus Nights (T.2), Succubus Dream (T3), Succubus Heat (T.4), Succubus Shadows (T.5, mars 2010 aux USA).
Auteur : Richelle Mead
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Benoît Domis
Couverture : Jean-Sébastien Rossbach
Éditeur : Bragelonne, 35, rue de la Bienfaisance, 75008 Paris
Collection : L’Ombre
Dirigée par : Stéphane Marsan et Alain Névant
Site Internet : le blog fantasy
Pages : 370
Format (en cm) : 15,3 x 3 x 23,8 (broché)
Parution : 26 février 2009
ISBN : 978-2-35294-267-2
Prix : 20€



À LIRE SUR LA YOZONE
- Succubus Blues (T.1)
- Succubus Nights (T.2)
- Succubus Dreams (T.3)
- Succubus Heat (T.4)


Stéphane Pons
12 février 2009


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