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Solomon Kane, L’Intégrale
Robert Ervin Howard
Bragelonne, nouvelles & poèmes (USA), traduction (anglais), fantastique, 432 pages, août 2008, 22 €

Se voulant la main de Dieu, austère et se devant de ne jamais renoncer, le héros solitaire vêtu de noir fait des ravages chez les suppôts des diables de toutes sortes...



Solomon Kane, l’étrange justicier vindicatif, repousse toutes ses limites pour atteindre ses ennemis dans leurs derniers retranchements.
Il ne recule devant rien, que ce soit le nombre de ses adversaires ou leur éventuelle appartenance au surnaturel.
Dans cette intégrale, le héros va devoir affronter Le Loup, bandit qu’il pourchasse jusqu’en Afrique où ce dernier se réfugie et s’allie à un chef de village.
C’est là que Solomon Kane s’allie à l’étrange N’Longa, qui lui transmettra ultérieurement un bâton ancestral, puissant artefact magique…
Des créatures ailées, des fantômes, des vampires, des squelettes ambulants, beaucoup d’êtres fantastiques surgissent au détour des pages pour se faire terrasser par l’implacable volonté de notre héros.
Mais parfois les hauts faits de Solomon Kane se limitent plus modestement à contrer des pirates, ou à l’inverse à libérer une prisonnière d’une nation...

Le personnage véhicule une aura de mystère, puisque Robert Ervin Howard n’a pas tenu à dévoiler son passé.
Le héros se prétend puritain, se voudrait calme et raisonné mais bien souvent cède à ses impulsions devant l’injustice.
Intraitable, il maîtrise toutes les armes et son regard fait baisser les yeux de ses adversaires.
Les récits sont accrocheurs, dans une tradition de pulp, sans vraiment de fioritures, en tout cas sans subtilité la plupart du temps.
Le personnage est très charismatique, les aventures plaisantes et c’est un plaisir même de lire les quelques poèmes que l’auteur lui a consacrés, les écrits inachevés ou les versions différentes d’une même aventure.

Ce volume est également l’occasion de retrouver Gary Gianni qui nous offre là beaucoup d’illustrations parsemant les pages du volume.
Décidément un artiste qui s’accroche aux récits du temps passé !
Splendide, il adopte bien souvent un réalisme poussé et se tient à ses hachures nombreuses.
Cela évoque la gravure ou certains illustrateurs l’ayant précédé mais parfois il s’essaie à simplifier un peu plus voire à virer aux symboles, le nombre important de dessins lui permettant de s’écarter ponctuellement de son style habituel.

On notera que ce volume a été constitué au plus proche des textes de l’auteur, Patrice Louinet s’appuyant sur des reproductions de tapuscrits dans la plupart des cas, et non sur les textes parus à l’époque, dans une optique de fidélité, afin de revendiquer cette édition comme l’ultime, en première mondiale.
Option prise qui partait d’un bon sentiment mais à mon sens discutable car niant le travail de l’éditeur originel et probablement faisant resurgir des maladresses.
Il aurait peut-être été préférable, tant qu’à jouer les perfectionnistes, d’inclure les deux versions pour les textes ayant été publiés.
La traduction a été entièrement refaite mais est, elle aussi, critiquable, avec des répétitions ou impairs qui passaient peut-être en version originale mais font tiquer en français.
Enfin, un autre regret concerne les illustrations : cela aurait sans doute entraîné un surcoût d’y être fidèle mais il est désolant de voir certaines peintures initialement en couleurs paraître ici en noir et blanc.
Ces petits détails ne gâchent cependant pas la lecture de cet ouvrage fort recommandable.

Kevin Alessio

UNE AUTRE CRITIQUE

À l’heure où l’on parle de plus en plus de la toute prochaine adaptation cinématographique de « Solomon Kane » qui sera réalisée par Michael J. Basset (révélé par l’excellent « La Tranchée »), Il était temps de se plonger vraiment dans les récits originaux.
Certes, on veut croire que Basset sera capable d’une vision respectueuse des histoires initiales, mais il y a l’exemple des « Conan », films charismatiques réussis (surtout le premier), mais qui n’ont finalement rien à voir avec le héros de l’œuvre littéraire.

Ce recueil, sobrement intitulé « Solomon Kane », édité par Bragelonne s’avance alors en terra incognita et s’insère entre la publication du second et du troisième volume consacrés à l’intégrale « Conan ». Débarquement effectif en quelques mois (d’avril à décembre 2008) d’un monument de la fantasy moderne et mise à disposition emblématique d’un pan considérable de la pensée imaginaire de Robert Ervin Howard.
Édition plus qu’intéressante car pour la première fois en langue française, les récits sont garantis sans tripatouillage, réécriture et débarrassés des phénomènes d’appropriation de ces héros par de nombreux autres écrivains. Des textes tels que Howard pensait les voir publiés un jour, également proposés, il faut le préciser, dans leur ordre d’écriture et non dans une « chronologie » inventée à l’occasion.
Le boulot réalisé par Patrice Louinet a la précision du chirurgien et est donc remarquable sur tous les plans. Il y a évidemment le travail de chercheur intransigeant, mais aussi celui de traducteur pointilleux, collant au plus près du texte.
Certes, on peut avoir l’impression d’y perdre parfois en surenchère stylistique, mais il faudra quand même définitivement ranger au rayon des curiosités les précédentes versions... ou les balancer dans les oubliettes de l’histoire où elles auraient dû rester.
Soyons francs et directs, s’il est admis que dans certains cas il ne s’agissait que d’aimables tentatives (parfois excusables) d’édulcorer, de simplifier ou même de finir les textes de Howard dans un contexte éditorial complexe, il faut le dire et le redire une bonne fois pour toute, très loin d’un hypothétique travail commun entre un écrivain et une tierce personne dont c’eut été la mission, on était tout simplement dans le vol littéraire manifeste que l’on peine à pardonner.
Bref, l’entreprise de Patrice Louinet est à saluer, était nécessaire et efface plus de soixante ans de magouilles diverses et variées.

Évidemment, tout comme « Conan », « Salomon Kane » bénéficie de ce traitement et y gagne en crédibilité.
Austère, rugueux, intransigeant, guerrier, animé par une croyance qui le meut en toute action, Solomon Kane combat le mal. Et l’on pense évidemment à l’un de ses successeurs contemporain en la personne de l’inquisiteur Nicolas Eymerich (créé par Valerio Evangelisti). Point de folie ou de fanatisme religieux chez Solomon Kane, cependant.
Le principe général de ces nouvelles peut paraître simpliste car Howard semble ne proposer qu’une seule piste de lecture (la lutte du bien contre le mal) et une seule justification morale (contre le mal tous les moyens sont bons).
Nonobstant, une fois (re) plongé dans ces récits, le doute s’installe pourtant. Comme le souligne Patrice Louinet, le contexte volontairement imparfait de ces textes (précisions géographiques ou temporelles hasardeuses ou absentes, sautes d’humeurs dans la narration), visent à prévenir les futurs lecteurs :
- Voici que s’avancent vers vos yeux les aventures de Solomon Kane, combattant valeureux dont la vie sera dédiée à la traque du mal, car mal il y a en ce bas monde. Vous qui entrez ici, oubliez toutes prétentions explicatives particulières et participez seulement aux rêves proposés !
En gros, « Solomon Kane », c’est ça.

On pourrait gloser sur le sujet, chercher d’autres pistes, partir en de vaines et pourtant toujours intéressantes explications (Solomon en allusion au Roi Solomon ? Kane en référence à Caïn ? Etc,.), s’agiter les neurones et réfléchir ou fantasmer intellectuellement sur le sujet. On pourrait...
Pourtant, d’emblée, nous conseillerons au lecteur averti d’en rester au premier stade du plaisir : découvrir un univers et lire de belles histoires sur le mode épique.

Ensuite, il sera toujours temps de compléter ce que l’on a déjà appris grâce à Patrice Louinet (et à son travail) et juste savourer les aventures proposées.
Un seul petit regret, pourquoi ne pas avoir procédé à une double édition (tirage luxe et courant) pour ce volume tout comme pour les trois « Conan » ?

Stéphane Pons


Titre : Solomon Kane, L’Intégrale
Titres originaux : Red Shadows (1928), Skulls in the Stars (1929), The Right Hand of Doom, Rattle of Bones (1929), The Hills of the Dead (1930), The Moon of Skulls (1930), The One Black Stain, The Blue Flame of Vengeance, Untitled poem, Wings in the Night (1932), The Footfalls Within (1931), Solomon Kane’s Homecoming (1936), Death’s Black Riders, The Castle of the Devil, Untitled fragment – John Silent, Rattle of Bones – first draft, Untitled fragment – Jerremy Hawk, Untitled fragment – Asshur, Blades of the Brotherhood, Solomon Kane’s Homecoming – untitled draft
Auteur : Robert Ervin Howard, Patrice Louinet (introduction et article : La Genèse de Solomon)
Traduction de l’Anglais (U.S.A.) : Patrice Louinet
Illustrations de couverture et intérieures : Gary Gianni
Ouvrage dirigé par  : Patrice Louinet
Éditeur : Bragelonne
Collection : Howard
Directeurs de la collection : Stéphane Marsan & Alain Névant
Site Internet : http://www.bragelonne.fr
Pages : 432
Format : Grand format, broché
Dépôt légal : Août 2008
ISBN : 978-2-3529-4204-7
Prix : 22 €



SUR LA YOZONE
- Robert Ervin Howard by Patrice Louinet : Un interview exclusive de Patrice Louinet (vidéo, VF)
- Critique de « Conan le Cimmérien » de Robert E. Howard


Stéphane Pons
Kevin Alessio
26 janvier 2009


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