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Cycle du Guerrier de Mars (Le)
Michael Moorcock
Omnibus, intégrale et textes inédits, traduction (USA), heroic fantasy, février 2008, 679 pages, 22,50€

Michael Kane est un physicien (maladroit ?) qui en faisant fonctionner son transmetteur de matière se retrouve accidentellement sur la planète Mars où il deviendra un très grand... guerrier.
Sojan (de Zylor) narre les aventures d’un étrange mercenaire sur une planète encore plus étrange.
Quant à « La Sorcière Perdue », il s’agit tout simplement de l’hommage d’un grand écrivain mélancolique qui paye délicatement son tribu à Leigh Brackett et à son héros préféré, E. J. Stark.

Le tout compose un Omnibus rafraîchissant et tonique, une respiration littéraire qui ne prend pas la tête, mais l’aère agréablement en ouvrant les portes du rêve.



Évidemment, dès que l’on parle de Michael Moorcock on pense au « Cycle d’Elric » (intégrale chez Omnibus), à des récits finalement plus complexes qu’ils n’en ont l’air et à toute la finesse déployée par un auteur qui sait très bien ce qu’il fait.

On pense aussi à ce très grand connaisseur de la SF et de la Fantasy, participant actif du fandom à la grande époque (créateur d’un fanzine dès son adolescence), témoin de la dernière grande révolution du genre avec la New Wave et parrain attentif de tout ce qui peut se passer de ce côté-ci du miroir.

Bref, il ne faut pas prendre les vessies pour des lanternes et croire Moorcock quand il joue le faux modeste. Certes, l’écrivain explique et justifie l’existence de ces textes par l’excuse d’œuvres de jeunesse assumées (le feuilleton « Sojan ») ou par la volonté d’écrire des romans sympathiques (la trilogie) -une espèce de décontraction créatrice.
Tout cela est vrai et incontestable.

La trilogie composant « Le Cycle du Guerrier de Mars » possède les attraits de la simplicité. Sa lecture en est toujours aisée et distrayante.
Concernant les inédits en français que sont « Sojan » (écrits de précoce jeunesse) et « La Sorcière Perdue » (révérence mélancolique et joyeuse à une grande Dame de la SF), même si l’intérêt est forcément mineur, le talent pointe sous les mots plutôt bien agencés du jeune fan érudit tout aussi bien que sous l’anecdotique thématique développée par l’écrivain aujourd’hui reconnu.

Mais chez Moorcock, tout comme chez ses héros torturés à l’extrême par le poids d’une âme qu’il faut bien amener avec soi, les apparences sont trompeuses. Derrière le bloc quasi monolithique que forment ces récits, se cachent toujours des motivations profondes (inconscientes ou involontaires peut-être, mais bien présentes) qui font qu’une idée surprend, qu’une piste narrative étonne ou qu’une scène vous imprègne forcément au-delà de ce qui était originellement prévu. Et puis, il y a aussi l’humour qui transparaît.
Et l’on pense à Georges Simenon bouclant en une semaine ses « Maigret », pensant épargner son cerveau pour des romans plus nobles et se rendant tardivement compte qu’il avait sans doute offert à ses lecteurs son génie le plus pur quand il n’en avait pas l’intuition ou l’intention...

L’écrivain se défend évidemment, ces créations le contredisent logiquement. L’amateur de SF et des cycles martiens aperçoit les ombres tutélaires de E. R. Burroughs et L. Brackett clairement avouées, l’influence et la vénération portée aux “pulps” grande époque, ne se laisse pas prendre au petit jeu du pseudonyme d’Edgar Powys Bradbury (Edgar A. Poe meets John Cooper Powys and Ray Bradbury ?) choisi pour signer la trilogie lors de sa première publication par simple hasard, et fait mine de croire aux propos contemporains de l’auteur tout en pensant quelque chose du style cause toujours, je ne te crois pas !

Et ,comme par enchantement, c’est dans sa préface que l’accusé lâche sa vérité sur le sujet avec la bonhomie qui sied à toute fripouille sympathique prise la main dans le sac mais qui va quand même tenter de convaincre les cognes qu’il y a erreur sur la personne :
- « ... Mais à cette époque, je dirigeais un type de revue radicalement différent qui tentait activement, et je n’en suis pas peu fier, de libérer la littérature de l’imaginaire du carcan des genres, qui, à mon avis, bridaient les meilleurs auteurs et les empêchaient d’exprimer tout leur talent ; il ne me sembla pas très logique de prétendre d’un côté briser les conventions du genre tout en écrivant d’autre part une trilogie romanesque qui reproduisait, et même exaltait, ces mêmes conventions » (Page VII, avant-propos de l’auteur).

Conclusion : il n’y a pas de meilleur dynamiteur que celui qui vénère les monuments qu’il va faire sauter surtout quand il est capable de les reconstruire à l’identique les yeux fermés !

Arrivé à ce stade de notre raisonnement, il convient de résumer notre opinion en certifiant que tout cela se lit avec une grande facilité, ne fatigue pas un seul neurone (mission accomplie !), mais, contredisons nos doctes confrères, ne serait être pris pour simples batifolages ou vents de lapins.

Comme toujours chez les très grands, et Moorcock est un très grand écrivain contemporain, plus c’est simple, plus c’est compliqué !
Et débrouillez-vous avec ça.

Titre : Le Cycle du Guerrier de Mars
Textes : Avant-propos de l’auteur, La Cité de la Bête (1965, T.1), Le Seigneur des Araignées (1968, T.2), Les Maîtres de la Fosse (1969, T.3), Sojan (1958-59, inédit), La Sorcière Perdue (?, inédit)
Auteur : Michael Moorcock (textes 1,2 & 3 publié sous le pseudo de Edgar Powys Bradbury)
Traductions : C. Wall-Romana & J.-F. Amsel (1 & 2), C. Wall-Romana & Anne Guillaume (3), Patrick Dusoulier, J.-F. Amsel.
Couverture : Atelier Didier Thimonier (photo © Bridgeman Art Library)
Éditeur : Omnibus, 12, avenue d’Italie, 75013 Paris
Site Internet : Page éditeur
Pages : 679
Format (en cm) : 13 x 2 X 20 (broché, couverture à rabats)
Dépôt légal : janvier 2008
EAN : 9 782258 076648
ISBN : 978-2-258-07664-8
Prix : 22,50€

À lire également sur la Yozone : Délices & Daubes n°15 « Indigeste et cultissime » (Henri Bademoude).
Critique du « Cycle d’Elric, Intégrale Omnibus » (Stéphane Pons)

Où l’on comprendra que sur Michael Moorcock, même Strombringer maniée par un virtuose ne saurait nous séparer !


Stéphane Pons
5 juin 2008


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