Juan Gimenez signe ici le quatrième opus de la série « Le quatrième pouvoir ».
« L’île D-7 » est la suite logique des trois premiers tomes, mais elle peut être lue comme un volume unique. C’est certainement pour cela que certains la qualifient de hors série.

Au dessin la patte de Gimenez reste la même que dans « La Caste des Méta-Barons ». Un style qu’il me plait de qualifier d’aquarelle informatique. Une technique assez moderne qui a ses qualités et ses défauts récurrents.

Les paysages et décors ont un rendu réaliste et les éléments technologiques sont riches en détail.
Par contre pour ce qui est des personnages à proprement parler, le bât blesse. Les éléments masculins sont pour la plupart des descendants directs des Stalone et autres Schwarzenegger et la gent féminine dévoile des courbes qui feraient pâlir d’envie les filles spirituelles de Pamela Anderson.

Un gros défaut existe sur l’expression des visages, ou plutôt la non-expression. Si cela passe encore pour nos héros bodybuildés en ce qui concerne les pin-up et l’enfant, les faciès sont plus proches de ceux de poupées de porcelaine que des acteurs du Cours Florent.

Côté scénario, du basique. Un combat à grande échelle organisé par un gouvernement corrompu dans le but d’allouer le budget militaire des années suivantes. La BD n’est en fait qu’une rude bataille entre deux commandos, sur laquelle vient se greffer, en arrière fond, une petite intrigue qui apporte des éléments nouveaux à la série. Le lecteur se retrouve au cœur même d’une action intense et omniprésente.
Malheureusement, par moments, tout devient très confus : qui est qui ? Qui tire sur qui ? Qui meurt, qui vit ?
Paradoxalement, c’est cette confusion qui crédibilise le conflit.
Un scénario sans profondeur, associé à un graphisme très stylisé qu’apprécieront les aficionados mais qui risque de rebuter les autres. Un one shot qui se lit vite et qui ne laissera pas une trace indélébile dans l’univers bien rempli de la BD de science fiction.
Bison 13
« Le Quatrième pouvoir » est paru en 1989 dans les Histoires Fantastiques de Dargaud. Un album SF qui faisait matière d’OVNI quand la revue Métal hurlant avait déjà cessé de motiver notre imagination.
Un très bon album, bien en phase avec son époque.
Ensuite, après un « Léo Roa » (Dargaud) au goût d’inachevé, Juan Gimenez a dessiné « La Caste des Méta-Barons » sur les scénarios d’Alejandro Jodorowsky. Série à succés qui s’alanguit quelque peu et sur laquelle il reconnaît quelque lassitude.
Ce n’est qu’en 2004 qu’il reprend « Le Quatrième pouvoir », série publiée alors par les Humanoïdes Associés, qui lui est plus personnelle et lui permet de dessiner ce qu’il souhaite.
L’excellent dessinateur de SF éprouve alors quelques difficultés à se transformer en scénariste, à moins que cette séquelle ne soit par trop commerciale et ne vive que pour devenir un bonus éditorial.
Encore attirant par le graphisme, « Le Quatrième pouvoir » semble être resté bloqué dans un ascenseur des années 90.
A découvrir, les sketchbook de l’auteur sur son site officiel : Juan Gimenez
Fabrice Leduc
La série

L’île D-7
Série : Le Quatrième pouvoir
Scénario : Juan Gimenez
Dessin : Juan Gimenez
Couleur : Juan Gimenez
Éditeur :Les Humanoïdes Associés
Dépôt légal :mars 2008
Format : 32 x 24 cm
Pagination : 60 pages couleur
ISBN :978-2-7316-2151-8
Prix public :12,90€
© Les Humanoïdes Associés et Juan Gimenez (2008)