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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




METEORS (T1)
Fred Duval & Philippe Ogaki
Delcourt

An 2134, Big Brother nous regarde ! Bienvenue dans un monde sous haute-surveillance, où l’espèce humaine est dominée par une intelligence supérieure, celle des programmes informatiques.

Dans le désert du Sahara où s’agglutinent les déchets de la nanotechnologie, Noria, une adolescente en mal de vivre, se promène sans assistance respiratoire quand elle assiste à un étrange ballet de météorites. Au même moment, entre la Lune et Mars, le cadavre d’un cosmonaute russe décédé depuis plus de 150 ans est retrouvé par Dustin Dinky, éboueur de l’espace. Un rapport est aussitôt relevé par les Intelligences Artificielles qui s’inquiètent de cette anomalie temporelle. Et si les I.A. ne maîtrisaient pas l’ensemble de l’espace ? (Delcourt)



En 2004 lors d’une interview sur « Auracan.com », Fred Duval (Carmen Mc Callum, Travis…) nous annonce déjà son projet de faire une série de SF avec Ludwig Alzon au dessin (Travis 6.2). Pour des raisons que j’ignore c’est Philippe Ogaki (Les guerriers du silence) qui, au final, s’en chargera. Il aura donc fallu près de quatre ans pour que ce duo donne naissance à ce premier volume.

Un challenge à hauts risques.

Au travers de leur collection « Néopolis », les éditions Delcourt sont connues pour être des spécialistes de la SF. Il n’est donc pas surprenant de voir Fred Duval, l’un de leurs auteurs vedettes, se lancer dans une nouvelle série de ce type. Mais cela est-il pour autant gagné d’avance ? Pas si évident, il faut taper fort et juste.
Pour préparer le terrain l’éditeur ne fait pas dans la demi-mesure : jeu concours en association avec « ComicVerse », création d’un site très ludique spécialement consacré à la série « Météors » et succession d’annonces et de fiches sur la plupart des sites spécialisés (notamment « La Yozone »). Un tapage très hollywoodien, qui pourrait malheureusement avoir un effet très négatif si la qualité n’était pas au rendez-vous.
Or sur un sujet tellement exploité, que ce soit dans la littérature, le cinéma ou la BD, il parait difficile de ne pas être fustigé et accusé de plagiat. Fred Duval a trouvé la parade, il décide de s’inspirer de tout ce qui a été fait de mieux dans ce domaine et de ne surtout pas oublier de citer ses sources dans ses remerciements. Il s’inspire ainsi du roman de 1948 de George Orwell « 1984 » et son célèbre « Big Brother », pour créer un univers sous haute surveillance (« Nineteen eighty four » au cinéma en… 1984, avec la BO « Sex crimes » d’Eurythmics, vous vous rappelez maintenant ?). De « 2001 l’odyssée de l’espace » (Stanley Kubrick), il retient la main mise de la machine sur l’homme. D’autres sources d’inspiration sont citées sur la deuxième de couverture, je ne vais pas tous les détailler, surtout que je ne suis pas un spécialiste.
Un autre piège à franchir m’est apparu dès la prise en main de l’album : son poids était surprenant. L’histoire ne fait pas moins de 70 pages. Incroyable dans l’univers BD très standardisé à 46 planches ! Attention néanmoins de ne pas faire tâche en étant trop mou et languissant.

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L’homme contre sa création.

L’homme est bien connu pour ne pas pouvoir solutionner tous ses problèmes sans en créer d’autres. Il décide donc de donner, par voie électorale, pleins pouvoirs aux IA pour subvenir, contrôler et gérer son existence. Mais voilà, une fois de plus, un bug survient et, une fois encore, c’est là où monsieur a posé sa petite « mimine ». Les IA, pour assumer toutes leur tâches, ont été crées avec un potentiel évolutif. Elles analysent, comprennent et solutionnent tout d’elles mêmes. Plus aucun contrôle, elles développent une sorte de conscience qui les rend très humaines dans leur raisonnement. Leur but est de protéger l’homme et son univers contre tout, et surtout contre lui même. D’un autre côté, elles doivent aussi survivre pour mener à bien leur mission, même au dépend de leurs créateurs (il y a du Kubrick là dedans). Un vrai cercle vicieux.
Grâce à leur technologie, elles contrôlent tous les médias (et donc la conscience populaire), l’armement, les communications, tout ce qu’elles peuvent comprendre. Mais voilà, il y a des choses que même ces super ordinateurs ne peuvent expliquer, une épine dans leur disque dur : les failles.
Une légende ? Des trous spatio-temporels ? Une intelligence supérieure à elles ? Cela ne peut et surtout ne doit exister, ce serait la fin de leur monde, et pourquoi pas de leur nécessité d’existence. Elles doivent s’en protéger, et rien ni personne ne doit se mettre en travers de leur chemin.
Avec « Le règne digital », Fred Duval nous fait découvrir le début d’une série futuriste où la lutte de l’homme contre la machine semble bien mal partie, espérons que cela n’ira pas aussi loin que dans « Terminator » !

Un casting impressionnant.

Fred Duval est connu pour un savoir-faire tout particulier sur des séries au scénario complexe et riche. Ici, il ne déroge pas à la règle. On se retrouve face à de nombreux lieux où l’intrigue se construit petit à petit, et où les histoires personnelles de chacun des nombreux personnages finiront par se lier et établiront la trame de fond de cette aventure. Il construit sont récit comme une toile d’araignée, en nous en dévoilant ici le vaste pourtour.

Petit descriptif des personnages importants :

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- Rita Hayworth (Eh ! Oui comme l’actrice) : directrice du projet « Météors » (étude des failles) avant l’avènement des IA, qui interdirent de le finaliser. Aujourd’hui elle continue d’y travailler en secret.
- Dustin(las) Dinky : éboueur de l’espace, plutôt favorable aux IA, mais sa découverte du cosmonaute disparu depuis 165 ans le rend personna non grata auprès des hautes instances. Ce personnage rappelle celui de « Travis » (issu de la série du même nom), un camionneur de l’espace instinctif et borné une sorte de « John MacLane du futur ».
- Peter Kendall : journaliste de la BBC opposé au régime des IA. Soulève trop de questions, doit être neutralisé sans être tué.
- Stanley : IA supérieure. Trône au sommet du règne digital sous une forme de gorille albinos.
- Noria Tay : étudiante rebelle (comme tous les ados), aux tendances suicidaires par désespoir de voir sa mère vieillir beaucoup moins vite qu’elle. Cette dernière travaille dans les longs courriers et subit de longues cryogénisations (Thème déjà abordé par Duval dans « Carmen Mc Callum »).
- Ibn : jouet IA offert par sa mère à Noria. Ce jouet me rappelle fortement « Nono » le petit robot offert par Ulysse à son fils Télémaque dans le dessin animé « Ulysse 31 », ou une parodie féminine du « Punisher ». (observez le t-shirt)

Il existe bien d’autres acteurs mais je vous laisse le plaisir de les découvrir.

Des idées à revendre.

Associés à cette multitude de personnalités, Fred Duval développe aussi un bon nombre de concepts. Je ne citerai que ceux qui m’ont le plus touché :
- Les IA supérieures, affublées d’avatar animalier d’espèce disparue, rappellent en permanence aux humains ce qu’ils ont fait de leur planète.

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- L’oasis : une zone analogique où les IA n’ont pas accès. Une sorte de miroir aux alouettes qui laisse croire à certains hommes qu’ils peuvent vivre libres hors de tout contrôle. En fait n’importe quel prétexte est bon pour réduire en cendres ces lieux où se rassemblent les poches de rébellions.

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- La conscience des IA, variable en fonction de leur niveau. Les plus évoluées font passer leur intérêt personnel avant celui de l’humanité et, certaines, inférieures, sont tiraillées entre leurs devoirs et la complicité qui a pu s’installer entre elles et leurs « amis » humains.
- Le très beau cahier final, véritable source d’informations présenté sous forme de programme informatique monochrome.
- Les problèmes de la société actuelle revisités pour coller à l’époque tout en nous donnant matière à réflexion sur notre avenir. Les déchets nano technologiques hyper polluants comme nos décharges à ciel ouvert. Et la propagande interdisant le film « 2001, l’odyssée de l’espace », rappelant le pouvoir de l’image sur les conflits actuels.

Fred Duval nous délivre donc un premier volume introductif volumineux (+ de 70 pages), rempli d’effets tiroirs et de rebondissements. Un album très vivant où la mise en situation ne se fait pas au détriment de l’action qui reste omniprésente. Un récit complexe mais rondement mené qui nous maintient en haleine en permanence. Une preuve d’un grand investissement et d’une belle expérience.

Fusion entre manga et franco-belge.


La couverture de cet album est de toute beauté. Elle pourrait sortir tout droit d’une super production cinématographique. Et c’est pour notre plus grand plaisir que le 9e art nous l’offre.
Comme je vous le disais précédemment ce n’est pas Ludwig Alzon, mais Philippe Ogaki qui se charge du graphisme.

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Son traitement informatique (style qui me rebute habituellement) est bien adapté à une série de SF. Son trait fait preuve d’une parfaite maîtrise pour la représentation des décors, des paysages et surtout de la technologie. Même s’il s’est pas mal inspiré des machines de « Star Wars », on découvre une précision du détail du plus bel effet.

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Les scènes d’actions et les effets de mouvements ne cachent pas son école : le manga.

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Un visuel moderne, avec une mise en page, type grand spectacle, composée de vignettes de tailles et formes différentes s’enchainant avec des pleines pages.
Un rythme élevé qui suit et soutient bien l’écrit. La couleur se démarque par une teinte dominante pour chaque personnage ou lieu ce qui est tout simplement magnifique. Des saturations pastel très vives qui tranchent avec le noir et le froid intersidéral. Une belle ambiance signée Ogaki.

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Un plus pour la mise en page de la première apparition du cosmonaute perdu : ma planche préférée.

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Seul petit bémol pour les visages parfois mal définis et surtout les grands yeux disproportionnés et les émotions « sur-jouées ».

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Mais tout ça reste minime et ce n’est qu’un avis très personnel.

« Meteors » est une série annoncée en fanfare et qui démarre sur les chapeaux de roue. Un visuel asiatique associé à un récit européen, il fallait oser, il fallait réussir. Ils l’ont fait et pour ma part l’ont réussi, vivement la suite…


Le règne digital
- Série :Météors
- Scénario :Fred Duval
- Dessin :Philippe Ogaki
- Couleur :Philippe Ogaki
- Éditeur :Delcourt
- Collection :Néopolis
- Dépôt légal :mars 2008
- Format : 32 x 23 cm
- Pagination : 72 pages couleur
- ISBN :978-2-7560-0751-9
- Prix public :13,95 €


© Delcourt, Duval et Ogaki (2008)



Bison 13
26 mai 2008




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Le règne digital



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Ambiance signée Ogaki



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Cahier final



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