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Le printemps européen : l’espace se rapproche.
Vaisseau Jules Vernes, ATV, Programme Aurora, Colombus. L’Europe décolle...

L’actualité spatiale ne prend que quelques secondes dans les JT. Et pourtant, derrière un discours (de plus) du président français se profilent bien des enjeux...



Si vous êtes ici, c’est très probablement que vous lisez de la SF.
Et si vous lisez de la SF, il est encore plus probable qu’enfant vous rêviez d’être cosmonaute plutôt que pompier.
Mais, pour le petit Français moyen que vous étiez, il fallait se résoudre à rêver. Car il vous aurait fallu naitre américain ou russe pour pouvoir un jour embarquer à destination de l’espace, et au delà. Ou a tout le moins y collaborer.

Et bien ce n’est plus le cas en ce début de 21e siècle...

Les petits Français d’antan ont fait place aux petits Européens d’aujourd’hui. Et pour eux, les portes de l’espace s’ouvrent.

Le 11 février, Nicolas Sarkozy, en déplacement en Guyane Française fait escale au Centre spatial du CNES pour un discours « à la Kennedy ».
Avec un rare lyrisme pour un homme politique européen, il propose à l’Europe, et au monde, de lancer l’humanité à la conquête de Mars et de son proche habitat spatial.

Personne ne sera dupe des effets d’opportunité un peu vains et des coups de théâtres grandiloquents que Nicolas Sarkozy a voulu ménager.

On imagine que cette visite dut plutôt embarrasser les ingénieurs du centre spatial, condamnés à faire tapisserie devant la cour présidentielle... alors qu’ils s’apprêtaient ni plus ni moins qu’au lancement de l’ATV, premier véritable vaisseau spatial européen !

Ce vaisseau automatique rend l’Europe complètement indépendante des USA pour son accès à l’espace. Rappelons en effet que les débuts de la conquête spatiale européenne, avec la fusée Europa (cinglant échec), puis Ariane, furent impulsés par le refus des USA d’accorder aux européens la liberté de lancement de leur satellites, soumis à l’inspection obligatoire et à l’accord du Pentagone.

Dès le succès commercial des premières Ariane au début des années 80, la question d’une navette spatiale européenne, baptisée Hermes, fut à l’ordre du jour. Malgré les études poussées, le projet se perdit, comme souvent, dans les méandres de la politique intergouvernementale et des négociations. il fut abandonné au début des années 90.

L’ATV d’aujourd’hui est plus pragmatique. A première vue, ce vaisseau-cargo automatique n’a rien pour faire rêver. Pourtant, c’est le premier du genre pour l’Europe. Et surtout, il est facilement modifiable pour accueillir des astronautes.

Cela deviendra d’autant plus nécessaire qu’à très court terme les USA annoncent leur désengagement de la Station Spatiale Internationale (ISS) que Ronald Reagan avait lancée durant la « guerre des étoiles ».

La navette spatiale américaine, trop coûteuse, sera bientôt mise au rebut. L’ATV - l’Europe - deviendra le seul pourvoyeur de billets à destination de Colombus, le module Européen de la station....et même le seul moyen d’accès à la Station Spatiale Internationale tout court.

Le journalistes présents à Kourou étaient eux en quête d’un scoop sur la nouvelle maitresse du président ou l’ultime scandale franco-français du moment. Le vieux continent est encore en train de faire sa mue adolescente, sans conscience de son existence. L’espace s’offre à lui, mais il n’a d’yeux que pour les dernières joutes électorales made in USA

Et pourtant. Après l’ATV, l’Europe réfléchis déjà à l’avenir. En 2004 elle s’est penchée sur une proposition de co-developpement du vaisseau Clipper, en partenariat avec la Russie, prévu pour des vols spatiaux de longue durée...Entendez vers la Lune et Mars.

L’ESA, l’Agence Spatiale Européenne, au sein du programme Aurora, a d’ailleurs mis sur pied son premier programme d’exploration spatiale, automatique et habité. Exomars en sera le premier pas.

Mais le chemin est encore long. La France qui a longtemps porté l’ambition politique n’a pas, seule, les moyens financiers et scientifiques d’une telle entreprise. Le dilemme est simple : les Européens iront dans l’espace ensemble ou resteront tous cloués au sol. Et même sur Terre, ils demeurent encore divisés au sujet de leur avenir commun.

La collaboration à Clipper a été repoussée. La Chine, bien moins riche et expérimentée que le vieux continent, a fait l’effort d’envoyer ses astronautes en orbite par ses propres moyens. L’Europe elle, malgré sa richesse et son avancement technologique, hésite.

L’espace manque d’engagement de la part des états membres et de l’UE. Mais le plus épineux reste la structure de L’ESA. Organisation inter-étatique comme Airbus, elle est propice aux marchandages et aux égoïsmes nationaux à courte vue, comme l’a encore montré le retard pris par le réseau de géolocalisation Galileo.

Plus que jamais, le discours du président français traduit la nécessité du renforcement de l’ESA, l’Agence Spatiale Européenne, et de sa pleine intégration à l’Union Européenne, l’outil politique de décision. Mais ces problèmes renvoient aussi et surtout à l’organisation de l’Europe elle même.

Car lorsque l’on parle de l’Europe, c’est encore aujourd’hui de ses états-nations qu’il s’agit. Dépasser l’inter-étatique pour fonder une vraie politique européenne au dessus des intérêts nationaux sera le seul moyen d’exercer une politique cohérente et ambitieuse, dans l’espace comme en toutes choses.

Le (laborieux et timide) renforcement de l’Europe politique lié au traité de Lisbonne, qui élimine (presque toutes) les décisions à l’unanimité pour les remplacer par des majorités qualifiées, permettra d’améliorer la prise de décisions. L’Europe aura désormais une volonté propre et un existence réelle. Mais cela ne reste qu’une étape.

Au delà de ces questions politiques internes, un enjeu de la taille de Mars dépasse les rodomontades répétées de chaque président des USA et implique, tout comme la survie de la planète, une humanité plus unie.

Cela l’Europe l’a compris depuis longtemps. L’ESA a noué un partenariat étroit avec la Russie pour la commercialisation et le lancement de vaisseaux Soyouz, au sein de la société mixte Starcem.

Et la Chine frappe déjà à la porte. Dans ce domaine aussi les USA sont plus isolés que jamais. Abandonnant leur station spatiale, sans vaisseau de transport, et bientôt dépendant des Européens pour leur accès à la station, il semble loin le temps des premiers pas d’Amstrong sur la Lune.

La conquête spatiale, après avoir été le terrain de compétition des grandes puissances du 20e, change de visage et révèle à quoi ressemblera le 21e siècle sur Terre. Une page a discrètement, mais définitivement, été tournée. Il nous reste, à nous Européens, d’en prendre conscience et de retrouver l’envie d’écrire l’Histoire.

Tout cela n’est pas sans rappeler de manière troublante la fresque lyrique de Norman Spinrad, Le Printemps Russe, décrivant avec fascination et un peu de mélancolie l’ascension des Européens à l’espace en même temps que l’inexorable décadence des USA.

Le présent semble donner raison, encore une fois, à un écrivain de science-fiction...américain.


Maître Sinh
14 février 2008



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ATV et columbus
L’ATV Jules vernes en vue de l’ISS



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Spationaute de l’ESA
Le belge Frank Dewinne, partira pour des missions de longue durée en 2009



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L’ATV dans Ariane 5
Le vaisseau Jules Vernes dans la fusée qui l’emporte



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De retour de l’Espace
Les deux premiers cosmonautes chinois



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