Il m’a fallu une bonne semaine pour lire Aqua TM de Jean- Marc Ligny, L’Atalante, 2006, 732 pages. Ce fut long mais bon. Un bouquin qui a gagné plein de prix et dont vous avez sans doute entendu parler ici ou là si vous vous intéressez à la SF de chez nous. Moi, après un magnifique Bordage, j’ai essayé de lire trois trucs dont je ne dirai ni les auteurs ni les titres, mais que des illisibles. Alors ça m’a fait du bien de lire celui-là.
En 2030, la Terre a basculé définitivement dans l’horreur. Non il ne s’agit pas, comme d’habitude, des islamistes. Il s’agit du réchauffement climatique et de ses conséquences dans notre monde capitaliste, égoïste et marchand où seul compte le profit. Ben oui c’est simpliste mais c’est la dure réalité, braves gens. Il est temps de se réveiller.
C’est la première fois que je lis du Ligny. Honte sur moi. Mais ce n’est certainement pas la dernière. Ce type est un vrai artiste et un vrai pro. Il sait faire et bien faire. Une écriture impeccable. À la fois sèche et efficace quand il faut, dans les scènes d’action - et il n’en manque pas -, et poétique et inspiré quand il s’agit de décrire la beauté du désert ou l’horreur de la sécheresse ou des tornades. Et il vous entraîne, même un rouspéteur traînant les pieds, jusqu’au bout de ses plus de 700 pages, quand même, sans que vous vous ennuyiez une seconde. Chapeau bas, maestro, ça c’est du roman.
Alors bien sûr il y a de tout : de l’aventure, de la politique, de l’amour, du fantastique, de la magie, du réalisme, du concret et de l’abstrait, de la culture, de la science (pas beaucoup), de la prise de conscience, et, surtout, de l’humanité.
Un pays sans ressources crève de soif, le Burkina-Fasso, mais un hacker leur fait savoir qu’un satellite a repéré une nappe phréatique géante sous un lac asséché. Et ça démarre. Une blonde de Saint-Malo en cours d’inondation et un horticulteur hollandais qui a tout perdu avec la rupture d’une digue suite à un attentat vont convoyer depuis l’Europe livrée aux « outers » (SDF devenus violents) et aux récos (réfugiés écologiques) jusqu’à Kongoussi (au Nord de Ouagadougou) du matériel de forage. Un voyage de tous les dangers. Un road movie dans le désert où on apprend beaucoup sur les peuples qui l’habitent (trop peut-être mais ne finassons pas). Après c’est L’Afrique noire, une présidente intègre du plus pauvre des pays doit se battre pour garder son eau que veut lui voler la multinationale à qui appartenait le satellite. Son pdg, Fuller, a de gros problèmes avec tous les médics qu’il ingurgite, avec sa femme qui devient adepte d’une secte de cinglés chrétiens et avec ses deux fils dont le dernier, son clone, n’est pas si autiste que ça.
Inutile d’en raconter plus. C’est vraiment de la SF engagée mais pas chiante pour deux ronds. C’est prenant comme un thriller. Il y a de tout dedans (voir plus haut) même un chapitre vraiment très chaud entre la blonde et le jeune Abou.
Le dernier chapitre m’a semblé décalé par rapport au reste, c’est un peu long à mon goût et il y a trop de mots des peuples du désert. Mais ce ne sont qu’infimes ridicules défauts. Cet Aqua TM est un grand roman qui aurait mérité aussi le GPI.