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Lune vous Salue Bien (La)
Johan Heliot
Mnémos, roman, uchronie fantaisiste, 255 pages, mai 2007, 18 €

C’est le troisième roman dans cette série de « La Lune », qui aurait pu s’appeler « Les pérégrinations de la Tour Eiffel », uchronie initiée à la fin du XIXe siècle avec pour héros Jules Verne et poursuivie avec Léo Mallet dans les années 30.

Là c’est Boris Vian qui fait l’espion en 1956. Pochade en forme de roman d’espionnage, les grands noms des fifties sont convoqués pour y jouer des rôles improbables.




Le titre est calqué sur une des aventures du « Gorille », le barbouze Géo Paquet d’Antoine Dominique, interprété au cinéma par Lino Ventura. Mais le rôle principal est tenu dans ce roman par Boris Vian, agent secret-tueur des services de renseignement français. Il joue encore de la trompinette mais est devenu macho et limite raciste comme OSS 117. Les nazis qui dominaient l’Europe dans l’épisode précédent (La Lune n’est pas pour nous) se sont fait ratatiner par les « amerloques » après la disparition de la Lune. Ceux-ci sont maintenant les maîtres du monde et, inventeurs des miroirs en orbite, distribuent selon leur bon vouloir l’éclairage nocturne.

Boris est d’abord chargé d’éliminer Rommel (devenu gentil et pacifique) en Afrique, puis est envoyé en Amérique pour éliminer le commandant Bob, alias Robert Heinlein. D’autres écrivains des fifties sont invités à participer à la fête : Clarke, van Vogt ou Hubbart, mais aussi Timothy Leary et William Burroughs, devenus sénateurs, ou Jack Kerouac.

John Kennedy est un jeune loup libidineux qui couche avec Lolita et est manipulé par la Mafia, Elvis Presley sera l’assassin d’Eisenhower à Dallas, James Dean conduit toujours aussi vite, John Wayne le cow-boy devient présidenciable, « Le Gorille » Paquet et « Le Monocle » Dromart interviendront comme agents des Sélénites. Il y a aussi Lothar, le géant noir à fez et tenue léopard, etc. La fin est à l’image du reste : on y voit débarquer Castro et Che Guevara.

Impossible à résumer, l’intrigue est particulièrement emberlificotée avec un groupe de Sélénites débarqués par l’Amalgame ishkiss sur Mars et qui communiquent avec Hugot, un autre allié de Boris.

Heliot pousse encore plus loin que dans l’opus précédent son jeu de massacre des mémoires des personnages historiques et, cette fois, il s’essaye au roman d’espionnage en écrivant à la manière, non de Vian mais plutôt de Blondin ou d’Audiard. L’argot est celui de l’époque mais l’auteur ne maîtrise pas trop cet exercice et ne tient pas la distance.

On peut, soit s’énerver en se demandant l’intérêt d’appeler de noms célèbres des personnages de roman (pour faire uchronique ? ou pour se payer la tête des morts : Burroughs réduit à un sodomite, Elvis à un débile, Kennedy à un baiseur, etc.?), soit oublier qui ils étaient vraiment et se laisser emporter par ce délire qui reste un petit roman d’espionnage avec des vrais morceaux d’extra-terrestres dedans. Bien inférieur à La Lune seule le sait qui alliait qualité et cohérence, on peut craindre pour un quatrième tome, annoncé par la fin ouverte de ce troisième.

Hervé Thiellement

UN AUTRE AVIS

Y avait il un intérêt réel à poursuivre les aventures de « La Lune » dans une époque si proche de la nôtre ? Telle est la question que l’on se pose souvent à la lecture de ce troisième opus.

La réponse est double, ambiguë. D’une part, on serait tenté de dire oui, car après tout, on s’est attaché à cet exercice uchronique fort bien écrit -il faut le dire. Le plaisir de la lecture est là, l’humour de plus en présent, la piste parodique de plus en plus évidente et sympathiquement exploitée.
On pourrait aussi se fendre d’un petit non (comme mon éminent collègue Hervé), en finissant par être un peu énervé par ce qui ressemble parfois à un détournement trop flagrant des grandes figures de l’histoire littéraire et culturelle.

Sur le fond, l’intrigue de ce « La Lune vous Salue Bien » est assez claire et bien construite pour peu que l’on accepte le postulat de départ. Entre hommage à Boris Vian et échos politiques ou cinématographiques, on savoure franchement les allusions multiples à la paranoïa ambiante des USA (période fifties) qui n’est pas loin d’en rappeler une autre, bien plus contemporaine...
De l’action, du voyage, des péripéties, on ne s’ennuie pas et on voyage beaucoup dans ce troisième tome.

Et finalement, on se dit que pour apprécier à sa juste valeur ce « La Lune vous Salue Bien », il faut l’aborder “le rire au bord des yeux” et avec un esprit décontracté et décomplexé.

De toute façon, que l’on aime ou que l’on n’aime pas cette trilogie, il faudra bien lui accorder le privilège de s’être développée dans un bon esprit, assise sur de solides connaissances littéraires et historiques. Qu’on le veuille ou non, Johan Heliot n’a pas fait n’importe quoi, n’importe comment. D’ailleurs, Manchu non plus, qui offre une très belle couverture en prime.

La façon dont on prendra ce roman est donc très fortement liée à l’attitude profonde (intime ?) de lecteur qui vous anime quand vous ouvrez un bouquin.

De l’art de s’amuser sérieusement pour bien en profiter, en somme.

Stéphane Pons

Titre : La Lune vous Salue Bien
Auteur : Johan Heliot
Couverture (souple) : Manchu
Éditeur : Éditions Mnémos, 15 passage du Clos-Bruneau, 75005 Paris
Collection : Icares
Pages : 255
Format (en cm) : 21,5 x 13 x 2
Dépôt légal : 23 mai 2007
ISBN : 978-2-35408-002-0
Prix : 18 €


Stéphane Pons
Hervé Thiellement
2 novembre 2007


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