Du haut de ce space opera truculent, quatre-vingts ans de SF vous contemplent !
Pilier du genre, Jack Williamson est mort dernièrement (10 novembre 2006) en laissant une œuvre malheureusement sous estimée par les amateurs, du moins en France. En gros : « Bof, du space opera à papi de 1934 et après ? Hein ! »
Certes, le Rayon Fantastique (n°52, 1958) n’avait pas oublié ce classique de la SF, mais il avait fallu attendre Albin Michel et sa série de poche aux couvertures “métal” (1973, n°17, série SF) pour retrouver l’objet en VF. Bon, vingt ans plus tard, J’ai Lu SF (1992 & 1996, n°3262 avec une belle couverture de Caza) s’y était aussi collé, mais cette funeste erreur d’appréciation ne trouva une solution raisonnable qu’avec les efforts méritoires des éditions du Bélial’ en 2004.
Un gros bouquin sortait enfin, une quasi intégrale, avec la traduction originale de Catherine Grégoire made in années 50, justement revue par Pierre-Paul Durastanti et Olivier Girard. Le lecteur patient y gagnait aussi les deux suites du cycle et une postface de Roland C. Wagner. La version poche proposée aujourd’hui par Folio SF est un reprint futé et utile du premier tome de la série.
Les autres sont donc normalement espérés et à suivre.
Il s’agit bien d’un roman important car « Ceux de la Légion » innove à plus d’un titre. Tout d’abord, le récit démarre comme une histoire du futur avant de décrire un XXXe siècle en pleine tourmente.
Entre temps et en quelques mots, Jack Williamson aura aussi résumé les 1000 ans à venir tout en plantant les bases de sa saga familiale.
À l’origine, « Ceux de la Légion » lançait la mode du space opera ambitieux, quasi picaresque, qui ne se nourrit pas seulement d’une thématique simpliste et d’un héros sans peur au corps parfait. En bref, La Légion de l’Espace protège la civilisation humaine et le système solaire en maintenant l’équilibre des forces entre le “Hall Vert” (le pouvoir civil) et le “Hall Pourpre” (le pouvoir militaire et lointaine réminiscence des anciens empereurs autocratiques terriens de la fin du troisième millénaire).
L’homme restant l’homme, même dans dix siècles, il était à prévoir que les militaires chercheraient, encore et par tous les moyens, à récupérer leurs anciennes prérogatives.
Et s’il faut pour cela s’allier à de dangereuses méduses extraterrestres et leur livrer la clef de voute de la défense terrestre, peu importe.
Enfin, jusqu’au moment où la situation s’aggrave au-delà du supportable...
C’est le tout jeune officier John Star, secondé par trois camarades de la fameuse Légion (Hal Samdu, Jay Kalam et le vétéran Giles Habibula -un amateur de la dive bouteille !) qui va tout tenter pour délivrer la belle Aladoree, prisonnière des méduses de l’étoile de Barnard et détentrice de l’AKKA, l’arme ultime qui pourrait sauver l’humanité.
Explorant, en trois cents petites pages, la plus grande partie des thèmes que le space opera mettra quarante ans ensuite à épuiser, Jack Williamson démontre avec brio ce qu’une plume virtuose peut amener avec pas mal d’avance sur son temps.
Donc, c’est à l’aune des textes originels que l’on mesure l’influence qu’ils ont exercé sur les générations suivantes. Ainsi, on reconnaîtra un peu du futur Heinlein dans le prologue et le lancement du roman, un zeste de Bradbury dans des séquences mélancoliques et martiennes qui flirtent avec « Le Désert des Tartares » de Dino Buzzati -sauf qu’ici l’ennemi arrive très vite- et aussi pas mal de Jack Vance à travers l’exploration de la planète des méduses. Et bien d’autres écrivains au fil des pages et de nos souvenirs littéraires.
Aucun doute, en relisant « Ceux de la Légion » en 2007, on mesure rétrospectivement l’influence et le poids qu’à eu Williamson auprès de la plus grande partie des écrivains de l’Âge d’Or made in USA.
Jamais ennuyeux ni faussement instructif (point de théories scientifiques futuristes fumeuses), toujours énergique et plein d’humour, il s’agit là d’un roman que tout amateur de SF se doit de connaître.
Un classique vibrant qui distille le parfum d’une éternelle jeunesse nourrie de rêves spatiaux. Vivifiant, toujours avant-gardiste et trois suites (« Les Cométaires » 1936, « Seul contre la Légion » 1939 et le tardif « The Queen of the Legion » 1982 dont on attend toujours une traduction française) que l’on espère très vite lire en Folio SF.
Titre : La Légion de l’Espace (The Legion of Space)
Cycle : Ceux de la Légion (Tome 1)
Suites : « Les Cométaires (T2) », « Seul contre la Légion (T3) » et « The Queen of the Legion (T4) ».
Auteur : Jack Williamson
Traduction (de l’Américain) : Catherine Grégoire
Révisée par : Pierre-Paul Durastanti et Olivier Girard
Couverture (photo) : George Disario/Corbis
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF, n°275
Site Internet :
Pages : 301
Format (en cm) : 10,8 x 1,5 x 17,8 (poche)
Catégorie : F7b
Dépôt légal : mars 2007
EAN : 9782070 309597
ISBN : 978-2-07-030959-7
Prix : 6€
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