Après un premier tome (La Mort de l’Intendant Lo) qui séduisait surtout par son graphisme intrigant, Patrick Weber (scénario) et Emanuele Tenderini (dessin) persévèrent avec L’Étreinte du Tigre, mais changent légèrement leur fusil d’épaule.
Même esthétique à base de couleurs soigneusement délavées et atténuées, même puissance et omniprésence du trait autour des corps et des visages.
Cependant, le scénario s’avère moins prévisible et plus tortueux que prévu. Les dialogues prennent de l’ampleur et beaucoup plus d’importance, la galerie des personnages s’étoffant même d’une espèce de deus ex machina imprévu avec un être sans grande pitié, justement nommé Shun le Sanglant.
Bon, nous n’irons pas jusqu’à dire que l’on ne comprend pas à l’avance ce qu’il va se passer (à l’identique du premier opus), mais presque.
Certes, l’aspect contemplatif de la BD persiste entre les cases, mais on en sait un peu plus sur Wang (sa famille, ses enfants, sa maîtresse, ses objectifs, son caractère) ainsi que sur les rouages du pouvoir de l’époque.
Bizarrement, cette montée en puissance se fait un peu au détriment de certains personnages (Tigre Blanc en particuliers) pour lesquels on pressentait -faussement- un destin scénaristique plus ambitieux.
Logiquement, ce que l’on gagne en compréhension de la période, on le perd un peu dans l’exploitation purement policière de l’intrigue.
Intéressante de par ses choix stylistiques clairement défendus, la série Œil de Jade laisse néanmoins une impression ambiguë. Autant le dessin apparaît réfléchi et fermement pensé, autant il nous semble que le scénario et la narration n’ont jamais vraiment trouvé leurs marques.
Entre l’enquête policière, l’exploration sociale et historique, l’étude de mœurs centrée sur Wang et le personnage de Tigre Blanc, on présume que Patrick Weber n’a finalement pas su (pas voulu ?) choisir.
Reste alors et quand même, une BD que l’on suit avec intérêt malgré ses sautes de tension et petits changements d’axes. Pas que cela soit dérangeant sur le fond, mais on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser. La « grande » scène d’action en fin de volume est d’ailleurs emblématique.
Tenderini dissèque parfaitement la gestion des moments purement introspectifs, mais se prend un peu (à notre humble avis) les pieds dans le tapis dès que le mouvement de ses personnages s’accélère.
En résumé, quand la caméra se contente d’observer, c’est nickel et tendu, dès qu’il s’agit de retranscrire une vision énergique, on ne sait plus trop où l’on va...
Au final, on a l’impression qu’au bout de ces deux premiers tomes, on vient à peine de traverser une sorte de prologue et que la prochaine enquête va réellement « démarrer » la série.
On le souhaite car Œil de Jade possède de nombreux attraits que l’on ne souhaite pas voir disparaître dans les limbes de la production BD actuelle (foncièrement pléthorique et dévoreuse de talents).
Espérons et à suivre.
L’Étreinte du Tigre (T2)
Série : Œil de Jade
Scénario : Patrick Weber
Dessin et couleur : Emanuele Tenderini
Lettrage : David Panzo
Édition : Les Humanoïdes Associés
Collection : Dédales
Dirigée par : Bruno Lecigne
Site Internet : Les Humanoïdes Associés - Dédales
Format : moyen (22 x 29,7), cartonné
Pagination : 48 pages couleur
Dépôt légal : 13 février 2007
ISBN : 978-2-7316-1773-3
Prix : 10,40€
© Illustrations : Les Humanoïdes Associés, Dédales, Patrick Weber et Emanuele Tenderini (2007)
