Grosses bagnolles, jolies poupées bien propres sur elles, costards tirés à quatre épingles, zones pavillonaires nickels, mafieux aux multiples relations, espions, taupes, agents dormants, tueurs venus du pays des Soviets et Cie. Welcome back son !
Where ?
In the US, in ninety-sixty one !

Tout un programme, pas obligatoirement facile à agencer, l’exploration de la société US vire bien souvent à la caricature mythologique chez bien des auteurs. Pas chez Éric Stalner qui se tire du piège avec brio pour livrer le premier opus d’une série (La Liste 66) qui s’annonce palpitante.
Certes, tout comme le héros, on flotte un peu sur les dix premières pages destinées à planter l’ambiance et les décors.
C’est que cette plongée mémorielle dans un univers forcément fantasmatique -tu parles ! les USA au début des années soixante, y-a de quoi !- nécessite quelques petits réglages.

Éric Stalner s’attache donc à soigner ses décors, le look de ses personnages et le background politico-culturel de son premier album. À grands coups de pleines pages à peine fissurées par quelques cases, plaquées sur des cadrages très cinématographiques (cf. exemples en illustrations), il installe une époque où le lecteur devra être transporté.
Èvidemment, on pense à toute une école du thriller dont Hitchcock serait le maître et Fritz Lang dans sa période hollywoodienne, un digne représentant.
Faut dire qu’ici, on vous cause de mafia, d’espions, de tueurs sans pitié et de complot de grande envergure.
D’innocents accusés et poursuivis à tort aussi...

Un graphisme très travaillé, ultra-précis et soigné, sert de canevas stylistique à l’intrigue. Peu à peu, cependant, Éric Stalner s’en dégage pour se rapprocher de ses personnages. Commencée dans un cimetière, l’aventure se poursuit dans les intérieurs riches et feutrés d’une Amérique en pleine expansion économique, avant d’aller se heurter aux US de toujours. Ceux des stations services quasi abandonnées, des épaves de camionnettes laissées aux mains destructrices du temps dans le coin d’un champ, aux arrières cours miteuses, poussièreuses et bordéliques des laissés pour compte de l’après-guerre.

On sent un scénario parfaitement construit, une intrigue déjà conçue pour distiller le suspense à tous les étages à grands renforts de personnages emblématiques.
Illinois, un album que l’on aime lire en se balançant un bon vieux Johnny Cash dans les esgourdes. L’histoire d’un gars qu’était au mauvais endroit au mauvais moment, la rengaine du mec qui a fait une grosse bourde et qui est obligé de tailler la route : « I walk the line », en somme.

Une chose est sûre, on ne sait pas ce que nous réservent les sept prochains albums, mais l’entrée en matière est prometteuse et parfaitement sentie.

Illinois (T1)
 Série : La Liste 66
 Scénario & dessin : Éric Stalner
 Couleur : Jean-Jacques Chagnaud
 Éditeur : Dargaud
 Pagination : 48 pages couleur
 Dépôt légal : juillet 2006
 ISBN : 2 205 05862 2
 Prix public : 13€

© Photos et illustrations : Dargaud et Éric Stalner (2006)