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Empire des Étoiles (L’)-Tomes 3 & 4
Alexis Aubenque
Fleuve Noir, romans (France), T.3 et T. 4, série, Juillet et Novembre 2006, 21€

« L’Odyssée de Klark » : quelques siècles dans le futur, la Terre est frappée d’embargo : après avoir appartenu à un vaste empire galactique, l’espace lointain lui est strictement interdit, sous peine de voir un pays entier rayé de la carte à la moindre infraction. Aussi, lorsqu’un vaisseau spatial, le Nouvel Élan, s’échoue dans notre système solaire, les gouvernements tiennent l’information secrète et convoquent leurs meilleurs agents. Quittant le Canada pour la Lune (il y a un changement à Strasbourg), l’agent européen Klark Alister fait la connaissance d’une autre pro des renseignements : l’Américaine Rachel Monroe. Après diverses péripéties, Klark et Rachel s’envolent à bord du Nouvel Élan pour éviter qu’il ne tombe en de mauvaises mains. Après un long voyage au cours duquel ils tombent amoureux, les deux agents rencontrent des rebelles en lutte contre des extraterrestres sanguinaires et contre le tyran qui empêche l’humanité de s’engager sur la voie du progrès technologique.

Changement de décor avec « Hyperboréa ». Longtemps après ces événements, alors que « L’Empire des Étoiles » s’est effondré, la planète Hyperboréa vit coupée du reste de l’univers et a régressé à un stade médiéval. Le jeune noble Kyle Bollen a brillamment réussi ses études militaires et s’engage dans la Marine. Hélas, le royaume est menacé par le Sorcier, un être doté de puissants pouvoirs magiques qui cherche à conquérir la planète entière. Naufragé, Kyle est recueilli par une civilisation cachée qui a redécouvert les secrets technologiques des temps anciens, et connaît l’existence de la Fédération des Étoiles. Or, un grand danger guette Hyperboréa : la Fédération a proscrit l’usage de la magie, car c’est à cause d’elle que, jadis, des extraterrestres asservirent l’humanité. Si le Sorcier n’est pas rapidement éliminé, la Fédération fera elle-même le ménage sur Hyperboréa. Le seul espoir de salut : Kyle, mage en puissance qui n’a pas encore été corrompu par la magie.




Les romans qui composent le cycle de « L’Empire des Étoiles » peuvent se lire indépendamment. Et peuvent même ne pas se lire du tout, comme nous allons le voir. Car nous sommes ici dans le domaine de la littérature de gare la plus bas de gamme qui soit. Aubenque brasse les clichés et les antiennes de la science-fiction, plus précisément du space et du planet opera, sans y apporter la moindre idée quelque peu originale ou intéressante, dans la tradition d’une certaine littérature de l’imaginaire que l’on voudrait croire passée de mode, dans laquelle la science-fiction n’est que décorum.
Le rejet de la technologie est prétexte à faire de la fantasy fauchée (notamment dans « Hyperboréa », avec sa société médiévale et ses mages). Quant au héros de « L’Odyssée de Klark », c’est ni plus ni moins un « OSS 117 » dans l’espace, avec tous les stéréotypes qui vont avec : super-agent aux nerfs d’acier, musclé, séduisant, et tombeur de femmes. Comme il sied dans ce genre de littérature, le héros baise à tout va (j’ai compté une scène de cul ou pensée libidineuse toutes les 12,5 pages, et encore, c’est parce que Klark fait relâche pendant une quarantaine de pages, trop occupé qu’il est combattre des zombies de l’espace, mettez-vous à sa place !).
Le tout est arrosé d’une bonne rasade d’eau de rose dans des scènes d’un romantisme irrésistible (“Comme elle était belle ! A la lumière des étoiles, ses cheveux semblaient illuminer plus que d’ordinaire son visage angélique”).
Bon, d’accord, la psychologie des personnages n’est pas le fort d’Aubenque.
Le problème, c’est que rien n’est le fort de l’auteur.
La crédibilité ? Kyle apprend l’existence de ses pouvoirs latents ; au paragraphe suivant, le voilà devenu un big boss de la magie qui relègue Gandalf au niveau de Garcimore. À des siècles dans le futur, Klark évolue sur une Terre un peu trop semblable de la notre pour être crédible. À l’autre bout de l’univers, les humains portent des noms très banals (Kyle, Mark, Peter), ou au contraire invraisemblables (Fritz Beckenbauer, Herbert Von Fraulein, Gangsta Joe).
Le style ? Le champ lexical est indigent (chez Aubenque, les femmes sont “magnifiques”, les palais “immenses”, les trônes “richement décorés”, et tout est à l’avenant), imprécis en diable (la jungle est peuplée “d’animaux divers”). Quant aux descriptions, elles sont l’antithèse même du show don’t tell . Ainsi à propos d’un palais : “il s’extasia devant sa beauté. [...] il put en contempler toute la délicatesse. La façade à elle seule était un pur joyau” ; et c’est tout, on ne saura jamais en quoi ce palais est si beau...

Pourtant, et c’est là que ça devient intéressant, nous n’avons pas à faire au tout venant du roman de gare. Car il y a la Aubenque’s touch, une facture unique qui propulse « L’Empire des Étoiles » dans le domaine du nanar hilarant.
C’est un véritable plaisir de voir l’auteur s’emmêler dans la syntaxe (“nul doute que l’opprobre se serait jetée sur notre père”), se prendre les pieds dans ses propres phrases (“même si certains d’entre eux ont un aspect humanoïde, ils n’ont rien d’humain, mais c’est bien là le seul caractère commun avec notre espèce”), s’essayer au lyrisme (“des petits oiseaux multicolores folâtraient” ; “des fleurs de mille couleurs poussaient avec exubérance”), accumuler les tics d’écriture (les scènes fourmillent de moues de toutes sortes : des moues contrariées, d’hésitation, de dégoût...), lâcher des phrases abracadabrantes (“il ne pouvait plus fuir la réalité de son désespoir” ; “il n’avait qu’à tenter de résumer tout son être dans ce qui faisait de lui ce qu’il était” ; “affûtant son ouïe”), et balancer le détail qui tue (“un homme aux yeux profondément enfoncés dans leurs orbites creusées par les années” ; “il avait posé son chapeau rond sur son bureau, grande table rectangulaire d’une couleur mauve argenté”) !

Ces exemples ne sont qu’un échantillon, et la place me manque pour parler de ces scènes entières dont le grotesque déclenche le fou rire (poursuivie par des tueurs, Rachel prend le temps de se recoiffer avant de “prendre un virage à 180 degrés”).
Le lecteur pervers pourra éventuellement goûter l’Empire des étoiles à la manière d’un nanar : empruntez un volume (gardez vos sous pour de vrais livres, faut pas délirer) et invitez vos potes pour une séance de lecture et de rigolade.

N’oubliez pas la bière et les pizzas.

Titres : L’Odyssée de Klark (T.3) & Hyperboréa (T.4)
Série : L’Empire des Étoiles
Auteur : Alexis Aubenque
Editeur : Fleuve Noir
Site Internet : L’Empire des Étoiles - Fleuve Noir
Couverture : Alain Brion
Format (en cm) : 17 x 1 x 10 (x2, brochés)
Pages : 2 x 250
Dépôt légal : juillet et novembre 2006
Prix : 6,60€


Philippe Heurtel
18 février 2007


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