Depuis « Les hamacs de carton », son premier roman, Colin Niel en a publié sept autres, dont le récit choral « Seules les bêtes » récompensé par une multitude de prix. Les enquêtes du capitaine Anato en Amazonie française couvrent quatre romans, le présent « Les hamacs de carton », « Ce qui reste en forêt », « Obia » et « Sur le ciel effondré ». Cette série offre un dépaysement garanti avec un regard lucide sur la situation dans ce département français d’outre-mer. L’auteur y a travaillé pendant plusieurs années et connaît donc les particularités locales.
Ce territoire est couvert à 90% de forêts et une partie de la population vit sur les bords du Maroni. Du côté est, c’est la Guyane française et du côté ouest, le Surinam. Une limite naturelle qui a toute son importance dans le récit car, pour les Noirs-Marrons, la rive où vous êtes nés fixe votre nationalité. Les Noirs-Marrons, ce sont l’ensemble des peuples descendants des esclaves noirs révoltés ou enfuis des plantations avant l’abolition de l’esclavage. Parmi eux, les Ndjukas dont est originaire André Anato, même s’il a grandi en France. Depuis son arrivée, ses collègues le regardent d’un drôle d’œil ne comprenant pas sa manière de fonctionner et lui ne faisant rien pour s’expliquer. Les rapports avec sa famille sur place se révèlent aussi compliqués, car son métier peut entrer en interaction avec l’intérêt familial. André Anato est un personnage compliqué, tiraillé entre ses origines, son devoir, son histoire personnelle, il traîne ses démons et avance en obéissant à sa conscience.
L’intrigue est vraiment subtile, car des faits apparemment isolés possèdent des liens inattendus que Anato décèle et qu’il suit, alors que la causalité n’est vraiment pas évidente. Ses collègues et sa famille apprennent à mieux le connaitre au fil du récit, et à apprécier ses qualités n’apparaissant pas de prime abord. Cette affaire représente un nouveau départ pour Anato qui a connu un retour au pays compliqué. Il est peut-être moins insaisissable que chacun pourrait le penser.

Le titre « Les hamacs de carton » est vraiment très bien trouvé, il fait référence à tous ses dossiers suspendus dans les armoires, autant de dossiers en attente, de gens dans la crainte que leur demande soit rejetée, car il manque une pièce, une erreur malencontreuse est décelée... Les Noirs-Marrons figurent au centre de ce livre, leur existence est difficile, il y a la loi française, mais aussi leurs coutumes plus importantes pour eux et les deux sont parfois difficilement conciliables. La débrouille, l’entraide existent, mais les croyances peuvent ruiner une vie. Le contexte est très bien rendu et donne un éclairage à l’ensemble de l’affaire qui fait mal au cœur. Lire ce roman revient à embrasser une histoire, un contexte compliqué, d’autant quand des êtres de chairs sont résumés à de simple formulaires qui orientent favorablement ou non leur avenir.

« Les hamacs de carton » offre une incursion des plus dépaysantes en Guyane française, ce livre nous immerge dans des existences disparates suivant les origines. Certains profitent de la détresse des gens, mais attention au retour de bâton.
Dès son premier roman, Colin Niel fait montre de toutes ses qualités, l’intrigue est remarquable, mais le contexte l’est tout autant. Et ce n’est que le début des enquêtes du capitaine Anato, il serait vraiment dommage de ne pas suivre les prochaines, tant le voyage est prenant et instructif.
Un auteur français à ne pas manquer !

Titre : Les hamacs de carton
Série : Les enquêtes du capitaine Anato en Amazonie française, tome 1
Auteur : Colin Niel
Couverture : Studio LGF. © Bernard Majza/ Getty Images.
Éditeur : Le Livre de Poche (1ère édition : Rouergue, 2012)
Collection : Policier & Thriller
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 380
Format (en cm) : 10,7 x 17,7
Dépôt légal : mars 2025
ISBN : 9782253249672
Prix : 9,20 €

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