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Monstres de papier (Les), tome 3 : La Dernière Etoile
Ann Sei Lin
Lumen, roman (Angleterre), silkpunk, 429 pages, janvier 2025, 17€

La destruction du phénix Suzaku a libéré des yurei, des âmes perdues, qui s’attaquent aux vivants. Kurara et Haru cherchent un moyen de réparer cela, tandis qu’ils font route vers le mont de l’étoile filante, leur village d’origine, avec la graine à même de faire pousser un nouvel arbre. Hélas, la princesse Tsukimi est à leurs trousses et leur volent un précieux document. Et pendant ce temps, la guerre entre l’Empire et les cités volantes s’intensifie, le prince s’est allié aux terroristes du Sohma contre son père.



C’est peut-être parce que c’est le dernier tome, celui des résolutions, mais « La dernière étoile » m’a paru un tantinet long. L’intrigue se poursuit avec la même linéarité de course à l’échalote : maintenant qu’on a la graine, il faut la faire pousser, donc on va sur place, puis on poursuit la princesse qui sait comment faire...

Kurara réveille un autre shikigami qui lui reproche son choix passé dans la guerre dont elle a tout oublié, achevant de la culpabiliser et raffermissant sa conviction qu’elle doit réparer les choses et aller au bout de son devoir : replanter un arbre des étoiles pour en tirer un remède contre la folie des êtres de papier sans maître.
Elle doit aussi trouver une solution durable contre les ombres qui jaillissent des noyaux des shikigamis détruits, et toutes celles sortis de Suzaku. Haru se sacrifie pour en absorber, mais son noyau n’est pas fait pour cela. On devine l’ami de l’héroïne condamné à moyenne échéance s’ils ne trouvent pas une solution, mais Haru refuse d’écouter Himura et d’en parler à Kurara pour ne pas l’accabler davantage.
Enfin, Tomoe et Sayo cherchent à retourner sur l’Orihime.

Et tout le monde finit à Sola-Ea.
L’empereur y a activé un canon à lévilithe pour... on ne sait pas trop. Tirer sur les autres cités volantes ? Le sentiment d’urgence est exacerbé par des tirs d’essai, tandis que toutes les réserves de carburant sont drainés vers l’arme. Tomoe et Sayo, embarquées clandestinement sur le navire du chef du Sohma (et le père de Tomoe), découvrent qu’ils fabriquent des bombes à noyau pour utiliser les âmes errantes contre la population, toutes ethnies confondues.

On pourrait dire que maintenant que les pièces sont en place, la résolution est quasi mécanique. L’autrice nous réserve quelques rebondissements liés à des quiproquos, une mauvaise communication, aux lourdes conséquences (la mort de l’empereur, par exemple) qui ne font qu’accélérer le chaos final.
On brasse encore les mêmes thématiques autour de Kurara et Himura : la culpabilité et la rédemption. C’est même parfois lourdement appuyé pour le pliomage, et il faudra être bouché pour ne pas assimiler ses regrets d’avoir sacrifié Akane ou ses scrupules à lier Mana à lui, pour lui épargner la folie, tant c’est systématiquement répété. Du côté des êtres de papier, quelques beaux sacrifices nous tireront des larmes.

Le fil narratif de Tomoe est un peu décevant, car hormis l’affrontement final avec son père - tout les oppose - et son rapprochement romantique avec la navigatrice de l’Orihime, il ne sert à rien. Sauf à accumuler les bourdes et les incohérences : leur voyage à Sola-Ea par les airs est plus long que pour le trio Kurara-Haru-Himura qui marche en terrain accidenté ; elles encaissent des blessures mortelles et sont en état de se battre dès le lendemain...

On a droit à une bataille finale tout en flammes et explosions, avec spectres noirs et bateaux volants, et là aussi quelques éléments à regarder sans trop insister (le dôme au-dessus de la ville qui laisse passer les bombes mais retient l’oxygène, le tracé de pentacle en feu depuis un qipak qui fait le tour de la ville...) et... tout est bien qui finit bien. La magie de l’ofuda s’étend désormais au moindre morceau de papier, ce qui permet de sauver plein de gens. La mort des méchants - un peu leur faute, bien fait pour eux - et les dégâts colossaux marquent une fin assez brutale du conflit comme du récit, avant que l’épilogue fasse un bond très elliptique de quelques années en passant sous silence beaucoup de choses (oui, j’ai plus de 12 ans, je ne crois plus que la paix éternelle peut régner après une grande bataille).

Voilà, c’est donc une conclusion très hollywoodienne pour cette trilogie, qui aura préféré le grand spectacle et le martèlement de son message à plus de nuance, de développement et de crédibilité globale. Vous ne saurez rien sur la vie d’avant de Kurara quand elle était Aki, ni tout ce qu’Haru savait et avait promis de taire, ni plein d’autres éléments majeurs du fond, et c’est un peu dommage, je trouve. On reste spectateurs, captifs des œillères étroites que l’autrice nous aura imposées au fil de ces trois tomes au motif (bien pratique) de l’amnésie de son héroïne. Si les plus jeunes auront apprécié d’en prendre plein les yeux, dans un univers silkpunk sur lequel on colle sans mal des graphismes d’animes, les plus âgés regretteront cet aspect « tunnel » du roman, sans grande part pour la suggestion, la déduction ou l’implicite. Cette montagne de papier (1300 pages) au lore foisonnant accouche d’une souris en origami, un récit balisé sans grandes surprises, un « tout ça pour ça ».


Titre : La dernière étoile (rebel dawn, 2024)
Série : Les Monstres de papier, tome 3/3
Autrice : Ann Sei Lin
Traduction de l’anglais (Angleterre) : Camille Cosson et Cyril Laumonier
Couverture : Mario Renaud
Éditeur : Lumen
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 429
Format (en cm) : 22,5 x 14 x 4
Dépôt légal : janvier 2025
ISBN : 9782371024342
Prix : 17 €


Les Monstres de papier :
1- Les cités rebelles
2- L’oiseau de feu
3- La dernière étoile


Nicolas Soffray
6 mars 2025


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