Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Jusqu’au Prodige
Fanny Wallendorf
J’ai lu, novella (France), fantastique ?, 94 pages, août 2024, 6,40€

Thérèse est retenue par le Chasseur, un ogre cruel, dans les bois. Elle parvient un jour à fuir, court sans trop regarder en arrière de peur de l’y voir. Elle retrouve le contact avec le monde réel, qui s’incarne dans un soldat allemand, puis un maquisard, qu’elle refuse de suivre l’un et l’autre, jusqu’à retrouver le chemin de son village, peut-être retrouver son frère, et croiser la route du Prodige, un renard extraordinaire.



C’est à peu près tout.
Ce très court roman, à peine une centaine de pages, a reçu le prix François-Sommer et plusieurs nominations où la littérature croise la nature.
C’est écrit d’une plume très littéraire, poétique, c’est beau et tragique, on a parfois envie de le lire à haute voix tant certains passages sont ciselés dans de beaux mots.

Par certains aspects, il m’a rappelé « Le Sanctuaire » de Laurine Roux, en lice il y a quelques années pour le prix Imaginales des Bibliothèques. Onirique mais un peu brumeux.
« Jusqu’au Prodige » m’a laissé encore plus froid.

80 pages (de texte), c’est bien court, et l’autrice morcèle encore son histoire en trois temps presque étanches. D’abord cette captivité chez un ogre, assassin, garde-chasse, homme des bois ?, cruel, qui enferme, tue des animaux, expérimente des choses... il y a clairement des accents de conte fantastique, horrifique. Mais ils s’évanouissent au profit de la seule traque lorsque Thérèse s’enfuit.
Et là, l’irruption dans une réalité concrète balaie d’un large revers de main toute magie. C’est un retour dans un lieu et un temps donné, la Seconde Guerre mondiale, la France, le maquis. Pas le temps de s’interroger sur un parallèle entre monstruosité de son geôlier et celle de la guerre, l’inhumanité des soldats, on est presque dans l’action pure, le prosaïque, échapper au Boche, puis refuser de retourner avec les Hommes (ou les hommes ?) pour fuir avec cet espoir de revoir un frère chéri, presque fusionnel, mais qu’on se sera gardé de trop évoquer plus tôt, comme si cet espoir avait pu mettre en péril l’évasion. Enfin, donc ce retour au village, détruit, ruiné, vide, et une ode à la nature sauvage et à ce renard magique, némésis du Chasseur qu’on n’aura plus revu.

Au-delà de la beauté formelle du texte, indéniable, j’ai refermé ce petit ouvrage avec la sensation d’avoir lu trois nouvelles, aboutées à qui-mieux-mieux, sans qu’on eut trouvé à ce collage plus grand sens que séparément. Comme trois moments observés, presque par hasard, sans qu’on sache ce qui venait avant et ce qu’on trouvera après. Trois exercices d’écriture, très formels, qu’on ne voulait pas jeter à la corbeille ?
.
J’ai ce côté peut-être vieux jeu d’attendre d’un roman, d’une nouvelle, un but - même léger, des enjeux - même faibles, une fin - même très ouverte. On a ici le strict minimum, une dilution presque homéopathique de ces ingrédients.
C’est Alexandre Astier dans « Kaamelott » qui décrit une histoire comme « ce qui mérite d’être raconté » avec « un début, un milieu, une fin » [1]. « Jusqu’au prodige » laisse tellement de choses dans l’ombre, à la libre compréhension du lectorat ; en abandonne tant en chemin comme s’il n’en avait plus besoin ; qu’il oublie ces règles élémentaires d’une histoire : un sens, et pas la simple contemplation, les mots pour la seule beauté des mots.

Très beau, mais éparpillé, dilué, creux.


Titre : Jusqu’au Prodige
Autrice : Fanny Wallendorf
Couverture : Studio J’ai Lu
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : Finitude, 2022)
Collection : Littérature Française
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 14170
Pages : 94
Format (en cm) : 18 x 11 x 0.5
Dépôt légal : août 2024
ISBN : 9782290391914
Prix : 6,40 €



Nicolas Soffray
27 mars 2025


JPEG - 20.6 ko



Chargement...
WebAnalytics