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Éloge de la neige
Luis Seabra
Rivages, collection Littérature, essai, 185 pages, décembre 2024, 18 €


« Le blanc de la neige naît de la particulière perfection d’un mélange atmosphérique des couleurs que même les peintres les plus habiles et minutieux ne sauraient reproduire. »

Ayant passé son enfance au Portugal, dans une région dépourvue de neige, Luis Seabra en entend parler tout d’abord par sa mère. D’emblée, il est fasciné par ce phénomène qui lui semble tenir à la fois de la météorologie et de l’enchantement. Peu à peu, il la traque à travers les livres, les récits, les illustrations. Ce n’est qu’à Paris, au tout début des années quatre-vingt-dix, qu’il la découvre réellement. La fascination s’accroit au fil du temps, et, quelques décennies plus tard, la visite au musée Guimet d’une exposition consacrée à l’art de la neige dans l’estampe japonaise cristallise un projet jusqu’alors resté en germe : écrire un essai sur le sujet.

Riche d’un peu plus d’une trentaine de chapitres, cet « Éloge de la neige » ne se veut ni scientifique ni systématique. Entre éléments autobiographiques, interprétations symboliques, rencontres d’individus et d’œuvres, méditations et réflexions sur les formes et les déclinaisons de la neige à travers les paysages réels et les arts, ce petit livre est à considérer – nul hasard si l’auteur cite AmielTout paysage est un état d’âme” – comme un essai littéraire et sentimental consacré aux échos qu’éveille dans l’âme une magie silencieuse.

Pulvérulence ou poudrin, décor ou manteau, apparition ou évanescence, “heure soyeuse” de Saint-John Perse, la neige pourrait être un perpétuel enchantement. Pourtant, au fil de chapitres thématiques qui sont autant de brefs essais, Luis Seabra se garde bien de céder aux sirènes du ravissement de principe, par exemple lorsqu’il mentionne la neige qui cerne, isole et engonce le « Château » de Kafka, la neige dans laquelle Martin Walser se suicide ou encore la neige des ciels gris de Sisley, compositions et paysages assez inhospitaliers dont la tonalité semble moins propice aux émerveillements qu’à l’aggravation des humeurs moroses ou atrabilaires.

En compagnie de Luis Seabra, le lecteur déambule à travers les arts japonais – la littérature avec Kawabata, la peinture avec Hiroshige, le cinéma avec Tokozu Tanaka – plonge dans la mythologie grecque et les légendes aztèques, relit Descartes et Gontran de Poncins, s’enfonce dans les tableaux de Brueghel, découvre le miracle particulier de la neige à la plage, se remémore la magie géométrique de chaque flocon. Mais il est également invité à considérer, comme le fait l’auteur, la neige comme baume et comme épure, la neige comme silence et comme musique intime, la neige comme rêve et comme jardin secret, comme vision intérieure convoquée à des fins d’apaisement.

« Cette messagère du ciel nous a donné à voir, s’il nous arrive de sortir dans la campagne par une nuit d’hiver, le miracle d’un éblouissement au milieu des ombres. »

Plus psychométéographie que psychogéographie, cet « Éloge de la neige » apparaît comme une déambulation sensible, un vagabondage à travers les lieux et époques, les arts et les lettres. Une nostalgie informulée avant l’heure alors que la disparition de toute neige semble d’ores et déjà inéluctable, une neige qui ne sera plus dans un futur proche qu’un souvenir qui pourrait bien à son tour, lui aussi, se faire évanescent. Car, “De la neige qui fond”, précise l’auteur, “ il ne reste aucune trace, seulement des souvenirs dans l’âme des enfants et des poètes.

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Titre : Éloge de la neige
Auteur : Louis Seabra
Couverture : Ryo Takemasa
Éditeur : Rivages
Collection : Littérature Rivages
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 185
Format (en cm) : 12 x 19,5
Dépôt légal : décembre 2024
ISBN : 9782743664695
Prix : 18 €


Les éditions Rivages sur la Yozone :

- « Chants du cauchemar et de la nuit » par Thomas Ligotti
- « La Vieillesse de l’axolotl » par Jacek Dukaj
- « L’Occupation du ciel » de Gil Bartholeyns
- « L’Odyssée des étoiles » par Kim Bo-young
- « L’île de Silicium » de Chen Qiufan
- « La Messagère » de Thomas Wharton
- « Les Vagabonds » de Richard Lange
- « Comptine pour la dissolution du monde » de Brian Evenson
- « Un bon Indien est un Indien mort » de Stephen Graham Jones
- « Mon cœur est une tronçonneuse » de Stephen Graham Jones
- « N’aie pas peur du faucheur » de Stephen Graham Jones
- « Hiérarchie, la société des anges » par Emmanuel Coccia
- « De la réminiscence » par Maël Renouard
- « L’Attrapeur d’oiseaux » par Pedro Cesaro
- « Une bonne tasse de thé » par George Orwell
- « Petites choses » de Bruno Coquil
- « L’Inventeur » de Miguel Bonnefoy
- « Qui après nous vivrez » par Hervé Le Corre



Hilaire Alrune
11 mars 2025


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