Après une brève présentation, il a choisi de développer certains points particuliers.
- “Robert Silverberg et la France” : depuis 1957, il est venu plus d’une quarantaine de fois dans notre pays. Il l’apprécie, aime y venir et y fait référence dans certains livres. Le traduire en français n’est pas une épreuve, car il écrit très bien, de manière fluide.
“Robert Silverberg et l’Histoire” : d’une grande érudition dans ce domaine, il a glissé plus d’un roman ou nouvelle dans ses interstices. Dans « Les temps parallèles », il apprécie jouer avec elle à travers le voyage dans le temps et ses destinations touristiques. « Roma Æterna » est une uchronie où l’empire romain s’est inscrit dans le temps. Les exemples sont nombreux.
“Les adaptations” : au contraire de Philip K. Dick dont les écrits ont connu pléthore d’adaptations, très peu d’œuvres de Silverberg ont été adaptées au cinéma, à l’écran ou en BD. C’est assez étonnant et découvrir cet immense écrivain se fait à travers ses ouvrages.
Meddy Ligner n’a pas choisi de s’étendre sur une carrière de plus de 70 ans, préférant à juste escient se focaliser sur trois axes, les deux premiers étant les plus intéressants et balayant pas mal de titres. Il illustre ainsi bien l’œuvre, sans s’attarder outre mesure. Un dossier abordé de manière originale et qui apporte une vision supplémentaire sur ce monument de notre genre préféré.
Trois nouvelles illustrent ce dossier, la première signée Robert Silverberg est une inédite . Écrite en 1991, “Le dernier vétéran de la Guerre de San Francisco” suit ce fameux dernier vétéran le jour de la commémoration de la victoire un siècle auparavant. Il n’est plus du tout autonome et sa tête semble dérailler avec des souvenirs ne pouvant lui appartenir, car relevant de guerres plus anciennes. Les États-Unis ne sont plus qu’un lointain souvenir, laissant la place à de petits états villes. Exhibé rapidement, le vétéran est vite mis de côté, car sa présence dérange certains et en fascine d’autres. Mais que signifient ses souvenirs sans queue ni tête ? Un ordre géopolitique bouleversé, une situation plus complexe qu’il n’y paraît, des révélations sur un passé pas si glorieux et la plume de Robert Silverberg emportent l’adhésion. Un très bel inédit !
Dans « La promesse du désert », Johan Héliot fait aussi bien référence à « Roma Æterna », si je ne m’abuse, avec le contexte de départ qu’à Majipoor où arrive notre personnage promis à un destin grandiose. Peuplades de la planète géante, rappel politique du pouvoir en place... l’auteur rend hommage à Silverberg de belle manière.
Pour Meddy Ligner, plongée immédiate sur Majipoor, à la recherche de “La huitième nef”. Un jeune homme pense l’avoir trouvée, ce qui attire la convoitise d’un marchand. Un récit prenant avec en toile de fond l’arrivée des colons humains sur Majipoor et à la morale finale bien vue.
Un dossier Robert Silverberg très attrayant et qui ne peut que donner envie de lire et relire ce géant de la Science-Fiction.
Au sommaire, deux textes ayant participé au Prix Alain le Bussy 2024 : “Deus in Machina” de Tristan Cordeil et “Un aller sans retour” de Florine Martinet. Même si le premier a fini 3ème du Prix, je préfère nettement celui qui a eu le 1er Accessit ex æquo. On pourrait d’ailleurs épiloguer longtemps sur le nombre de nouvelles au palmarès de ce prix.
Du jour au lendemain, plus personne à bord du vaisseau, sauf Mihal qui continue la mission. Elle doit livrer de la marchandise au terme d’un voyage de soixante-dix ans. Tout est absurde dans “Deus in Machina”, les disparitions, la destination, la marchandise et la fin censée tout expliquer, mais pose d’autres questions et laisse dubitatif.
“Un aller sans retour” n’est pas sans points communs à bien regarder. Dans une île en Grèce, une IA aide les riches qui peuvent se le permettre à partir en paix dans un dernier moment de félicité. Mais elle garde une porte fermée, comme si elle conservait un secret. C’est intriguant et n’est pas sans échos avec le combat sociétal sur la fin de vie.
“Ceux que nous laissons derrière nous” suit un alunissage russe, mais cet exploit reste vain. Cette nouvelle de Vaughan Stanger se révèle efficace par son côté uchronique et quand les yeux se portent sur la Terre, elle prend une tournure désespérée. Elle met en scène un cosmonaute russe qui a bel et bien existé, Pavel Popovich, et que Pierre Gévart a rencontré.
Gulzar Joby nous plonge dans le quotidien de Pablo, un paysan péruvien qui vit le regard tourné vers le ciel noyé sous les émissions et les publicités. Il croit fermement en son Dieu Quetzal, il peut le voir alors pourquoi n’y croirait-il pas ? L’auteur met bien l’accent sur la foi qui, là, prête à confusion. Heureux ceux qui croient, sans avoir vu. Mais qu’en est-il pour Pablo, bien naïf et mystifié par une technologie qu’il n’appréhende pas ? “Le ciel vint à manquer”, oui, car il est transformé en écran, et franchir ce plafond de verre revient à perdre ses illusions. Un texte vraiment subtil et illustrant très bien le danger des croyances.
Jouer avec le temps n’est pas anodin et attention à l’effet boomerang ! “Éphémère” de l’auteur ukrainien Ihor Antoniuk s’empare de ce concept à travers ses effets pervers. Une belle nouvelle.
Dans la rubrique rédactionnelle, Jean-Michel Calvez nous parle de Isao Tomita qui a donné sa version électronique de la musique classique. Étonnant ! Didier Reboussin revient sur Dominique Arly qui a œuvré dans la collection Angoisse du Fleuve Noir. Et puis le dernier tiers de la revue recouvre les recensions de livres, bandes dessinées et films.
Un très bon numéro de « Galaxies », grandement consacré à Robert Silverberg abordé de manière originale, et avec de belles nouvelles au sommaire.
Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 89 (131 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Bruce Pennington
Traductions : Pierre Gévart (Ceux que nous laissons derrière nous), Sofia Berkovska (Éphémère) et Sylvie Denis (Le dernier vétéran de la Guerre de San Francisco)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : janvier 2025
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376252443
Dimensions (en cm) : 13,5 x 21
Pages : 192
Prix : 11 €
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