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Pauvre Wilhelm, pauvre Sardaigne
Le mystère de l’inquisiteur Eymerich de Valerio Evangelisti
Délices & Daubes n°38


Il y a quelques années j’avais lu Nicolas Eymerich, inquisiteur, le premier roman de Valerio Evangelisti, la « révélation », le nouveau petit génie de la SF, italien en plus, GP de l’Imaginaire. Pour être honnête j’avais lu en trouvant ça zarbi mais confus, pas de quoi se relever la nuit pour en reprendre une tranche. Là c’est le deuxième que je lis de cette série, le meilleur paraît-il, Le mystère de l’inquisiteur Eymerich, Pocket SF, 2005, 409 pages.

La première chose c’est que, pas une fois dans ces 400 pages, il ne se passe quelque chose de gai ou de drôle. C’est exclusivement glauque, triste et méchant. Pas un moment de détente ou normal, que du noir. Du début à la fin. Quelle que soit la ligne narrative. Et il y en a quatre : le supplice de Wilhelm Reich qui meurt de méthionine (?) en discutant psychanalyse avec Eymerich, des morceaux de la vie du psychiatre (que des moments dramatiques, bien sûr) entre 1934 et 1957, l’invasion de la Sardaigne en 1354 par le roi d’Aragon et son inquisiteur préféré, et un futur proche où on éduque les enfants d’une manière particulièrement horrible.

On croit comprendre que, selon le philosophe Evangelisti, le Monde est régi par deux forces contradictoires, représentées par Reich et Eymerich, disons pour simplifier Eros et Thanatos, ou le corps et l’esprit. Mais, en fait, ces deux forces doivent se combiner jusqu’à la superposition cosmique à l’origine de la vie comme du mouvement des planètes. En gros. J’exagère à peine.

Evangelisti, historien et sociologue, a fait des recherches poussées sur la vie et l’œuvre de Reich. Dans ce livre il expose les idées du psy et surtout ses théories biologiques, tellement obsolètes qu’elles en sont ridicules. Il est toutefois possible qu’Evangelisti soit amateur de théories scientifiques fumeuses, comme dans son premier bouquin. Pourtant, ce me semble, il y a beaucoup de choses profondément justes, encore aujourd’hui, dans l’œuvre de Reich, cet homme engagé, ex freudien, ex communiste, visionnaire et libertaire. En particulier la nécessité d’une sexualité réussie pour une bonne santé physique et mentale.

L’auteur préfère de loin son héros immonde moralement et éthiquement, l’inquisiteur rigide, parjure et tortionnaire. Il essaye de nous le rendre sympathique. Il nous explique même que s’il est comme ça c’est à cause de sa mère (!). C’est le héros, quoi. Le seul qui ne meurt pas à la fin.

Quant à la Sardaigne, c’est une terre maudite où grouillent la vermine et les maladies, ses habitants sont petits et sombres de peau. Ils ne survivent dans ce cloaque que grâce à la lumière bleue, dont leur roi se sert pour les guérir. Mais cette lumière est aussi une manifestation d’un Cthulhu local, nommé Tanit, un Grand Ancien qui mangera tout le monde à la fin.

Bon appétit, Evangelisti. A lire ce qu’il écrit, je ne suis pas sûr qu’il ait bien compris le message de Reich.

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que je suis bien le seul - ou des très rares - à ne pas goûter les écrits du maître italien, encensé (me dit la gougle) par la critique unanime. Tant pis j’assume, j’ai l’habitude.


Henri Bademoude
4 février 2007


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