Utopiales 2024 - Le Journal du Festival #2
25ème édition du Festival International de Science-Fiction Les Utopiales 2 novembre 2024
Deux tables rondes, une interview de Pierre Raufast et la projection de “Godzilla Minus One / Minus Color” au programme de cette deuxième journée aux Utopiales ...
Il fait froid ce matin dans la file d’attente pour la conférence sur “L’utopie d’un monde à l’équilibre”.
“L’ordre naturel, c’est le désordre ! ” nous rappelle Mathieu Lauzon-Disco, le modérateur en arrivant avec 15 min de retard. Bien entendu, nous l’en excusons. Mathieu vient de très loin, il est libraire au Québec. Le temps qu’il reprenne son souffle et c’est parti. L’utopie d’un monde à l’équilibre est-elle souhaitable ? Thibaut Brunet, chercheur à l’institut Pasteur, nous rappelle que la stabilité est une lutte permanente du point de vue de l’évolution. La stabilité d’un organisme est assez facile à identifier, mais l’équilibre d’un écosystème est plus difficile à évaluer. De plus, les relations de compétition se construisent dans la lutte. Il rappelle aussi que l’hypothèse de Gaïa est controversée par de nombreux scientifiques. Silène Edgar explique qu’il est normal que les humains aient des points de vue différents sur la définition de l’équilibre. Elle prend pour exemple la philosophie bouhdiste et son rapport au monde. Olivier Paquet rappelle que les auteur-rices sont des perturbateurs d’équilibre dans leurs récits. Les romans sont des laboratoires d’expérimentations où s’exprime souvent le rapport entre l’équilibre et le chaos. Parfois les auteurs se laissent entraîner par leur récit et un changement peut arriver sans qu’ils ne l’aient anticipé. Puis, Quentin Brunet ajoute que l’équilibre découle aussi de l’interdépendance entre les espèces. De fait, les animaux subissent beaucoup le mode de vie des humains. La table ronde s’achève avec une série de questions. Une, en particulier, retient mon attention : est ce que la recherche utopique d’un monde à l’équilibre ne conduit pas finalement à la dystopie ? La SF est là pour expérimenter tous les possibles.
Triste nouvelle en fin de matinée. Retenue auprès de son compagnon malade, nous apprenons que Emil Ferris qui a réalisé l’affiche ne sera finalement pas aux Utopiales.
Je démarre l’après-midi avec la table ronde “ Un genre à strates”.
Autour de la table : Lisa Blumen, Ram V, Evan Cagle ainsi que Claire Duvivier. La modération est assurée par Simon Bréan.
Pour commencer, ce dernier propose de définir la stratification au travers d’une question générale sur la création fictionnelle, les interrogations sur le monde et le rapport à la science. Dans les univers de science-fiction les détails comme les objets participent à la création des mondes et à leur compréhension. Lisa Bumen évoque les cigarettes comme détail qui l’avait marquée lorsqu’elle était enfant dans “Le 5ème éléments” de Luc Besson. Ram V, lui aussi, convoque ses souvenirs d’enfance avec les publicités volantes du “Blade Runner” de Ridley Scott.
En SF, les détails interviennent dans les histoires. Ils permettent de faire des expériences et d’expliquer simplement les principes généraux des mondes créés par les auteur-rices. Pourtant, la SF peut aussi être un prétexte et parfois ce sont les personnages qui viennent renforcer le monde.
Et en bande dessinée alors ? Evan Cagle en tant que dessinateur a une approche plus intuitive. Les détails doivent donner une traduction visuelle du récit. Pour Claire Duvivier l’intrigue et les personnages doivent rester au centre et il faut faire attention à ne pas se perdre dans les détails. Lisa Blumen évoque ensuite “ le lore” qui donne de la profondeur aux univers et une toile de fond que l’on peut explorer à volonté par la suite.
Malheureusement, je ne peux pas rester pour la série de questions, car j’ai rendez-vous avec Pierre Raufast pour une interview que nous proposerons dans la Yozone prochainement.
La journée ne pouvait pas s’achever sans un Kaiju Eiga. “Godzilla Minus One”, dans sa version Minus Colors (c’est-à- dire une version retravaillée en noir et blanc) est projeté dans la salle Dune. Le film de Takashi Yamazaki sorti en 2023 est précédé par sa réputation. La file est interminable pour rentrer dans la salle et la séance est bien évidement complète. La Toho ayant annoncé que cette projection aux Utopiales serait l’avant dernière sur grand écran. Et l’attente valait bien le coup. Le film est magnifique. Dans un Japon ravagé par la seconde guerre mondiale, Koichi Shikishima est un kamikaze traumatisé par sa dernière rencontre avec Godzilla. Il tente de refaire sa vie malgré les traumatismes de la guerre. Mais quelques années plus tard, Godzilla revient. Koichi Shikishima voit là l’occasion de racheter ses erreurs du passé.
Parfois dans les films de kaiju, le fond politique des histoires est clairement problématique. Ce n’est pas le cas ici. En plus d’être très bien réalisé (les CGI ayant remplacé les acteurs en costumes), le film porte une remise en question de la guerre très rare dans ce type de cinéma. Ce fut une fort belle manière de clôturer cette journée.