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Bifrost n°116
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°116, nouvelles - articles - entretiens - critiques, octobre 2024, 192 pages, 11,90€

Ce numéro trimestriel permet de mieux connaître Catherine Dufour, c’est le cas de le dire avec un entretien fleuve sur son parcours. C’est une femme de convictions qui ne se contente pas de constater ce qui va mal mais essaie de changer les choses. Pour autant, chacun doit avant tout être acteur de sa vie et non simple spectateur, s’il veut que les choses s’améliorent. La cause féministe lui tient particulièrement à cœur et la dimension politique n’est en général jamais loin dans ses écrits. Clairement, la langue de bois, elle ne connait pas, ce qui donne un échange particulièrement intéressant. Parfois sa réponse peut couvrir plusieurs pages, tant elle se livre.



Bientôt 25 années de carrière, 11 romans, 4 essais, plus de 70 nouvelles au compteur (la bibliographie signée Alain Sprauel permet d’en appréhender toute la dimension) que l’équipe de chroniqueurs présente aux lecteurs. Catherine Dufour a très souvent changé d’éditeur, mais il y a une constance avec la reprise en poche de ses ouvrages chez le Livre de Poche. Aussi l’éditrice Audrey Petit répond à quelques questions sur son rapports avec l’auteure.
L’illustration de couverture signée Aurélien Police décrit très bien la scène rapportée à Kisz à la tête de la brigade de la cité soulunaire de Samuzette. Ces deux corps gisent depuis longtemps dans le régolithe de la surface. Un mystère entoure leur décès : suicide ? vengeance ? Kisz se sent obligée d’enquêter sur ce cas remontant à bien des décennies. Est-ce seulement la peine ? Parfois il vaut mieux aller au bout de ses idées... Avec “Les Noumènes urbains”, Catherine Dufour revient dans l’univers de son dernier roman « Les champs de la Lune ». Kisz est une femme forte qui a su se faire une place dans la société en ne transigeant pas avec ses convictions, en surmontant tous les obstacles sur son chemin. Beaucoup auraient traité l’affaire avec légèreté, mais pas elle qui montre là toute son exigence, sa volonté de ne pas se contenter de la facilité. Un beau personnage et une énigme entourant les corps particulièrement bien trouvée nous donnent une très belle nouvelle.

Dans “La Zone”, il ne fait pas bon avoir un problème avec son camion. Un voyant rouge sur le tableau de bord et voilà Sal obligée de s’arrêter loin de tout et plus ou moins livrée à elle-même. Elle dispose bien d’outils de diagnostic, de drones capables d’aller partout, mais attention à ne pas dépasser une certaine plage d’utilisation, sinon la note est pour elle ! Une fois la source du dysfonctionnement identifiée, Sal se heurte à un cas de conscience. Doit-elle sacrifier sa carrière, ses finances en suivant une intuition ? Ray Nayler nous plonge dans un futur proche où tout est codifié. La moindre anicroche peut être lourde de conséquences pour celui qui n’a pas de chance, les sociétés privilégiant les chiffres à l’humain. La conclusion s’avère des plus désenchantées. Encore une belle pioche signée Ray Nayler.

Eliott se rend pour la première fois au Vertigo, un club présentant des spectacles. Rapidement il en saisit l’étrangeté, le décalage avec des performances qui ne peuvent s’expliquer uniquement par le talent et le travail des artistes. C’est une révélation pour lui qui se sent pour la première fois en adéquation avec son environnement. La très rare Mélanie Fazi livre avec “Les nuits du Vertigo” un texte ciselé à l’atmosphère particulièrement bien rendue et en faisant tout le charme. Le fantastique s’impose doucement, il infuse au fil des spectacles et berce les lecteurs pris par la magie de cette écriture envoûtante.

“La symphonie des horlogers” interroge sur la perception du temps. Suivant les lieux, les espèces, l’existence se déroule à un rythme différent. Embrasser leur temps revient à les comprendre, mais aussi à se détacher de ce que l’on était. Toutefois, la mesure du temps existe toujours, la seconde est l’étalon-mère basée sur le Césium, commun à tous. Ken Liu ne livre pas vraiment une histoire, mais creuse le sillon du temps, de sa perception, de sa mesure... Il nous interpelle sur la question de fort belle manière dans un registre différent, mais toujours aussi prenant.

“Scientifiction” revient sur deux romans climatiques récents : « Choc Terminal » de Neal Stephenson et « Ministère du Futur », brillant par les idées mais partant dans tous les sens, de Kim Stanley Robinson. La conclusion de l’article fait pour le moins réfléchir, à défaut de réveiller les consciences : “Finalement, l’ingénierie climatique tient avant tout de la fuite en avant mue par une croyance inébranlable dans le « Progrès »...”.
Comme à l’accoutumée, il y a un important volet critique et la Parole est donné à un illustrateur : Pascal Blanché.

Un « Bifrost » porté par la voix originale de Catherine Dufour, bien mise en avant dans un imposant dossier, et par des nouvelles vraiment plaisantes. Du bon boulot et du plaisir au rendez-vous.


Titre : Bifrost
Numéro : 116
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Aurélien Police
Illustrations intérieures : Sabine van Apeldoorn, Anthony Boursier, Quentin Aubé et Franck Goon
Traductions : L’Épaule d’Orion (La Zone) et Pierre-Paul Durastanti (La symphonie des horlogers)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 116, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : octobre 2024
ISBN : 9782381631516
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€


Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
4 novembre 2024


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