Les premiers échanges entre les deux jeunes gens sont assez froids. Bien vite, Arthur fait le mur pour passer ses soirée à boire en ville et faire des rencontres. Il fait chanter Gwen, dont il a trouvé le journal intime, pour qu’elle le couvre. Mais ensuite, pas mauvais gars, il lui arrange le coup avec Bridget, à sa manière, ce qui même la jeune fille encore plus mal à l’aise.
Cerise sur le gâteau, Gabriel, le frère aîné de Gwen et futur roi, toujours dans ses études, semble troublé par Arthur...
Si j’ai déjà quelque peu touché à la romantasy qui déferle depuis quelques années, « Gwen & Art are not in love », clairement marketé YA sentimental, m’intriguait, dès la couverture, très accrocheuse. Eh bien bien m’en a pris.
Loin de toute mièvrerie, on a affaire à un bon roman YA, avec au centre les affres émotionnelles et sentimentales de deux (trois) jeunes gens coincés entre leurs obligations, les carcans sociaux, et les désir de leur cœur (ou de plus bas). Les dialogues sont à la fois contemporains, avec un certaine fraîcheur et liberté dans les échanges entre gens du même rang, et respectueux des différences de caste, propre à tout univers de fantasy.
La matière arthurienne est rénovée mais bien respectée. On n’a pas de date précise, mais on finit par situer l’action dans un moyen-âge idéal et post-arthurien, au confort encore un peu rustre, au cadre féodal bien vivace. Les mentalités évoluent très lentement : on tolère lady Leclair aux tournois mi par respect pour sa famille, mi pour ses exploits, tout en étant satisfait qu’elle se fasse tout de même éliminer avant la finale, garantissant « l’ordre naturel » et la suprématie masculine. Alors, l’acceptation de l’homosexualité, masculine ou féminine, c’est pas pour tout de suite.
Au travers des cultes anciens pratiqués en secret, à Arthur Pendragon ou Morgane, l’autrice exploite des pratiques historiques de persistance des croyances, survivance de périodes plus libres, ou moralement différentes.
Quand Arthur va draguer dans les tavernes, il espère y trouver aussi des garçons moins contraints par leur rang à cacher ce qu’ils sont. Même si ce n’est que le temps d’une brève étreinte.
Car nos jeunes gens sont bien sûr malheureux, interdits d’aimer en public. Et si assez vite ils parviennent à un pacte pour s’épauler mutuellement, cela ne rend pas tout plus facile. Arthur, qui passe pour un séducteur, avoue n’avoir eu que quelques liaisons. Si Gwen veut se déclarer à Bridget, cette dernière, plus âgée et plus mûre, la met en garde quant aux conséquences pour elles deux, et se refuse également à sacrifier ses ambitions de chevalerie pour l’amour de la princesse.
Il ne faut pas oublier les sidekicks. Sidney le valet est truculent, un vrai Scapin, fidèle à son maître, bon copilote et toujours là pour veiller sur ses arrières. Aimant tant les garçons que les filles, il tombe amoureux de la suivante de Gwen, une petite noble à laquelle la princesse n’accorde que peu d’importance alors qu’on la découvre d’une loyauté sans faille : l’arrivée des deux garçons poussera ainsi Gwen à se faire une amie, à accorder sa confiance à un autre que son frère.
Gabriel, justement, qu’on découvre un peu lunatique, est un prince progressiste, qui cherche dans les archives de quoi réunifier un peuple tiraillé entre son père et Willard, notamment en remontant aux racines arthuriennes du royaume. La découverte par Arthur de vieilles lettres entre Arthur et Lancelot, assez explicites, ouvre de nouvelles possibilités mais terrifie le prince, qui réagit assez mal aux aveux de sa sœur comme aux sentiments qu’il éprouve pour son fiancé. Loin d’offrir des héros béats et des solutions faciles, l’autrice n’hésite pas pointer les méandres de la psychologie des uns et des autres, aux prises avec leur éducation et les pressions sociales et familiales.
Enfin, et surtout, c’est de la bonne fantasy arthurienne, puisque nos héros subissent du fait de leur position les conséquences de la politique royale. Le tournoi en prélude des fiançailles voit la présence d’un champion de Willard, assez cruel et peu respectueux des coutumes. Gwen en voit aussi les coulisses en fréquentant Bridget, sortant de son cocon protégé. Tout comme lorsqu’elle accompagne sa suivante à un culte de Morgane rendu dans les caves du château ! On assiste à quelques réunions stratégiques, des rapports d’espions nous renseignant sur les faits et gestes du félon, nous laissant deviner un peu la trahison à venir. Enfin, tout cela finira par une grande et violente bataille, presque gemmellienne, teintant de sang et de deuil la fin de cette histoire.
Non, vraiment, aucun regret. C’est un beau roman d’apprentissage, d’acceptation de soi et de respect des autres, avec plus de marqueurs de fantasy qu’on en attendait. Et surtout, ce n’est jamais mièvre, bien au contraire.
À mettre entre plein de mains, dès 14-15 ans !
Titre : Gwen & Art are not in love (Gwen & Art are not in love, 2023)
Autrice : Lex Croucher
Traduction de l’anglais (Angleterre) : Anne Guitton
Couverture : Natalie Shaw
Éditeur : Casterman
Collection : Jeunesse 13+
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 475
Format (en cm) : 22 x 14,5 x 3,5
Dépôt légal : octobre 2023
ISBN : 9782203239975
Prix : 17,90 €