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Après nous les oiseaux
Rakel Haslund
Pocket, SF, court roman traduit du danois, science-fiction, 160 pages, mai 2024, 7,30€

Dans un monde en ruine, une jeune femme décide de quitter son refuge abrité dans une île. Ses affaires dans un chariot, elle embarque dans un radeau de fortune pour atteindre le continent, puis part à la découverte de l’inconnu en suivant le long ruban asphalté. Seule, si ce n’est la présence d’oiseaux, dont un corbeau semblant la suivre.



« Après nous les oiseaux » est le premier roman de Rakel Haslund-Gjerrild, née en 1988. L’idée générale n’est pas sans rappeler « La route » de McCarthy : une avancée dans un monde en ruine, un chariot abritant ses maigres possessions... Là, il n’y a qu’une personnage, une jeune femme élevée par Am, morte depuis et dont le souvenir est régulièrement évoqué. Son départ de la maison était en projet depuis un moment, seul manquait le courage de franchir le pas. Une fois ce courage trouvé, elle part dans un monde qu’elle ne connaît finalement pas et dont elle a tout à découvrir. Y a-t-il seulement quelque chose à découvrir ? Elle semble l’unique survivante, elle ne croise personne. Tout est dévasté, les ponts détruits, les carcasses de voitures immobilisées sur les routes, elle se souvient d’un gigantesque brasier, une guerre a dû frapper... Le lecteur imagine ce qu’il a pu se passer pour parvenir à la situation présente, mais l’auteure laisse la protagoniste présenter les faits d’après ses maigres connaissances, créant donc un certain flou autour des événements. Elle se souvient des interdits, des routines établies par Am et, à présent seule, elle ne désire pas répéter ce schéma. Quel intérêt ? Elle a davantage soif de découverte, d’ouverture sur ce qu’est devenu le reste du monde. Son chariot qu’elle pousse lui sert de fil d’Ariane avec son passé, tout comme les routes qu’elle suit par commodité, vestiges d’une civilisation disparue. Elle s’interroge beaucoup, notamment sur les mots, car elle a tendance à les oublier. Par exemple, elle ne se souvient plus du mot pour désigner telle plante et sait que personne ne peut lui remémorer, qu’il est donc définitivement perdu. Puisqu’elle est seule, pourquoi ne pas la désigner autrement, par un mot qui aurait du sens pour elle ?
Dans ce monde d’après, les oiseaux sont omniprésents, ils retrouvent leur habitat, comme si les humains leur laissaient la place. Comment ne pas penser à « Demain les chiens » de Simak, même si ici, les oiseaux restent eux-mêmes ? La terre est rendue à la nature, à ses habitants innocents. Notre jeune femme ne découvre pas uniquement son environnement, mais aussi son corps qui change et sa solitude l’empêche de comprendre ce qui est naturel. Sa détresse est patente et il n’est pas étonnant qu’un corbeau la suivant sûrement par curiosité et aussi par intérêt prenne une grande importance dans ses journées. À un moment, elle se retrouve face à un choix critique, un instant charnière entre avant et après.

« Après nous les oiseaux » illustre très bien le constat : qu’importe la destination, c’est le voyage qui compte. Cette jeune femme n’est autre que le fragile lien entre le monde d’avant, celui des humains s’autodétruisant, et celui d’après, celui des oiseaux. N’attendez pas de grandes envolées, de moments de tensions extrêmes, ce court roman au plan très simple se révèle très contemplatif, il se focalise sur le retour à des choses simples, sur le contact avec une nature reprenant ses droits. L’humain n’est que de passage, sa vanité ne peut que lui nuire. Nommer les choses ne revient-il pas à vouloir les dompter, les dominer ? Maintenant que les mots s’envolent, il est temps de passer à la phase suivante.
« Après nous les oiseaux » revient à déambuler le long d’une route qui s’efface petit à petit, à réfléchir sur nous-même, sur ce que nous laisserons. Il s’en dégage une certaine nostalgie baignée de poésie.


Titre : Après nous les oiseaux (Alles Himlens Fugle, 2020)
Auteur : Rakel Haslund
Traduction du danois : Catherine Renaud
Couverture : © Alice Peronnet
Photographies : © Caspar Nørgaard
Éditeur : Pocket (1ère édition : Robert Laffont, 2023)
Collection : SF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 160
Format (en cm) : 10,8 x 17,7
Dépôt légal : mai 2024
ISBN : 9782266324182
Prix : 7,30 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
15 juin 2024


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