Richesse et diversité
La caractéristique principale de la série Spirou et Fantasio tient à mon sens en ce que chacun peut y trouver ce qu’il y cherche. Du charme suranné de Rob-Vel à la poésie pacifiste de Franquin, de l’ésotérisme de Fournier au graphisme manga-futuriste de Munuera en passant par le réalisme de Tome et Janry (la meilleure période selon moi, mais ça se discute), le lecteur trouve facilement « son » Spirou. Sans compter les séries parallèles, transverses, one-shots, spin-offs, inspirées de et par, les hommages, etc. comme le puissant “La Bête”, le caustique “Petit Spirou” ou le faussement politique “Journal d’un ingénu” et j’en oublie. N’en jetons plus : l’univers de Spirou est extrêmement riche, divers et varié.

Léger mais lourd
Alors, où situer “La baie des cochons” dans tout ça. Chronologiquement, juste après “Le prisonnier du Bouddha”, époque Franquin et thématique guerre froide. Mais la ressemblance entre les deux, hormis graphique, s’arrête ici. Quand l’album de Franquin, forcément daté, faisait la part belle au gag, au burlesque et à de fréquents bons mots qui rythmaient une histoire à l’arrière-plan grave et sérieuse mais à l’action délibérément fantaisiste et comique (le coup de la pêche ou du chardon parmi tant d’autres), “La baie des cochons” s’enferre dans un pseudo-réalisme historique truffé de stéréotypes d’une lourdeur rarement égalée.

Aucun temps mort à noter dans l’enchaînement permanent de clichés et de clins d’oeil (les fameux t-shirts à l’effigie du Che, l’insertion peu pertinente d’une galerie de personnages de la série originelle), alors même que l’album semble se vouloir plutôt léger. Fidel Castro est en permanence en colère, son frère Raul est catalogué en une case comme un pantin, le Che est séducteur et menteur et Fantasio est insupportable de conservatisme et de prétention à chacune de ses interventions. Et que dire de cet ajout pénible de franglais et d’idiotismes espagnols (et même italiens !) dans une conversation, puis leur disparition pure et simple une page plus loin ?
Et pourtant
Pourtant, la quasi absence de Spirou, laissant les premiers rôles à Seccotine et Fantasio, me semblait une idée intéressante. Tout comme cette palette graphique et de couleurs plutôt réussie qui rappellent, comme le titre de la collection, les classiques des premières années. Dommage, donc, que cette baie des cochons se limite à enchainer les archétypes et compiler à la va-vite les éléments et les personnages typiques de la série. En espérant néanmoins que cet album trouvera ses passionnés.

La baie des cochons
Série : Spirou et Fantasio Classique
Scénario : Michaël Baril et Clément Lemoine
Dessins : Elric Dufau
Éditeur : Dupuis
Pagination : 64 pages couleurs
Format : 22,6 x 29,8 cm
Date de parution : 24 mai 2024
Numéro ISBN : 9782808501941
Prix public : 12,95€
Illustrations © Elric Dufau et Editions Dupuis (2024)