Il y a des sujets qui peuvent donner à sourire, comme le cannabis, et des œuvres romanesques encore plus, quand elles sont bien faites. On pourra citer par exemple deux films de Guy Ritchie : « Arnaques, crimes et botanique » et plus récemment « The Gentlemen ». L’herbe n’est qu’un business, pas tout à fait ordinaire, mais un business très lucratif, et cela déchaîne quelques passions.

Ici, Mark Haskell Smith fait appel à des mécaniques bien rodées : une ouverture sur la fusillade pour appâter le lecteur, un flash-back sur le chemin de la Cannabis Cup pour nous présenter son gentil héros pendant qu’il est à l’hosto, puis on se met à la recherche des coupables. Tout cela raconté par une variété de points de vue : Daniel, le jeune mormon qui se sent prédestiné à aider Miro ; Shamus, la petite frappe ambitieuse et kleptomane qui a appuyé sur la détente ; mais aussi les flics chargés de l’enquête, duo improbable mais tellement vrai d’un vieux Coréen et d’un jeune Hispanique ; ou encore les ambulanciers qui l’ont pris en charge. Des personnages haut en couleurs qui permettent de rajouter une bonne dose d’humour (le vieux flic aux aigreurs d’estomac qui voudrait la légalisation, car 99% des affaires tournent autour de la beuh, donc ça lui ferait des vacances) et épicent le récit d’une bonne louche de sexe (l’ambulancière est un poil nympho et dominatrice, le jeune mormon découvre le bondage). Et en même temps, tout cela est très sérieux, et on lit aussi les tensions économiques d’un secteur qui joue des flous de la loi, et le côté farwest qui demeure aux USA entre les différents producteurs accrédités cannabis médical. Le contraste avec Amsterdam est saisissant, et les remarques de Guus, le tenancier du coffee shop, sonnent juste : si les Américains fumaient un peu plus, ils arrêteraient de faire la guerre. Sauf qu’en fait, il se font même la guerre autour de la fumette...

C’est nerveux, drôle, tragique, barré juste ce qu’il faut, et ça finit (à peu près) bien. 350 pages de pur bonheur, qui se dévorent, et valent amplement un film ou une série. C’est le genre de livre qu’on a énormément de mal à lâcher, entre moments de tension et passages complètement décalés, comme le « Gokan » de Diniz Galhoz ou à peu près tous les Jacky Schwartmann, et notamment « Shit ! », son dernier. Un bon moyen également de se faire un panorama d’opinions sur le cannabis et la légalisation.

Très bonne idée de Gallmeister de le rééditer en Totem, sous une couverture accrocheuse et un nouveau titre qui l’est tout autant.

Titre : Elephant Crunch (baked, 2010)
Auteur : Mark Haskell Smith
Traduction de l’anglais (USA) : Julien Guérif
Couverture : Rui Ricardo
Éditeur : Gallmeister (édition originale : Rivages, 2013, sous le titre « Défoncé »)
Collection : Totem
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 251
Pages : 350
Format (en cm) : 18 x 12 x 2
Dépôt légal : aout 2023
ISBN : 9782351788219
Prix : 10,70 €