“Danser, chanter, lire les oiseaux” a remporté la huitième édition du Prix Joël-Champetier. Voilà le genre de textes que l’on serait bien en peine de résumer, tant la forme a tendance à supplanter le fond. Des passages clairs où l’on pense comprendre alternent avec des passages plus obscurs, remettant notre compréhension en question. Un grand travail sur la langue se dégage du récit qui fait fi de toute catégorisation. Il ne s’agit que de la seconde publication de Florian Herbert-Pontais qui perdra plus d’un lecteur en cours de route. J’avoue que ce n’est pas le genre de texte que j’apprécie, tant l’histoire est noyée dans la forme.
Avec “Dans la barque”, Geneviève Blouin a remporté le concours de nouvelles Huis Clos, organisé conjointement par la manifestation Boréal et les productions Les Montagnes Hallucinées. Suite à un naufrage des plus rapides, quatre rescapés se partagent une barque : trois femmes et un homme. Ce dernier n’a de cesse de s’interroger sur cette soudaineté jusqu’à ce que ressortent les vieilles croyances. Tout est dans l’ambiance et le doute, même si finalement il n’a pas lieu d’être.
Guillaume Voisine n’a pas remporté le même concours avec “Nos corps enlacés dans un baiser de cendre” que j’ai pourtant trouvé plus subtil avec ce glissement de la réalité dans des toilettes sur le bord de la grande route. Sur le chemin du pardon, une femme revient sur son parcours avec un homme et sa fille, se perdant dans ses pensées, plus rien n’existant en-dehors. L’atmosphère est très bien rendue avec le fantastique qui s’invite tout en douceur et l’inquiétude qui grandit. Très beau et envoûtant.
Lors du dernier congrès Boréal, le premier en présentiel depuis 2019, a eu lieu le traditionnel concours d’écriture sur place : 1 heure sur un thème précis. Cette année : “Dans la gueule”. Vainqueurs catégorie pro, Dave Côté, et catégorie Relève, Ericka Sezille. Deux très courts textes n’excédant pas une page. C’est dense, imagé et fort, Ericka Sezille finissant même sur une chute savoureuse. Il s’agit là d’un exercice difficile !
Autre texte d’ambiance et de fantastique : “Cette maison qui sera la nôtre” de Sébastien Chartrand. Un drame dont on ignore tout éloigne définitivement deux femmes l’une de l’autre. Une emménage dans une ruine de sinistre réputation à côté de leur demeure. Beaucoup de non-dits, des présences fantomatiques, des lieux au passé effrayant... une nouvelle intrigante tout du long. Un auteur décidément surprenant et à suivre.
Et si l’espèce humaine était inintéressante, son verbiage lassant toute espèce la croisant ? Peut-être est-ce la raison pour laquelle personne ne répond à nos appels lancés en désespoir de cause dans les profondeurs de l’espace ? “Réponse à deux amis” est parfaitement illustré par Marc Pageau qui a bien croqué l’essence du texte de Frédéric Parrot, trois pages sur la vanité de l’espèce humaine autour de qui tout devrait tourner. Une belle satire !
Isabelle Piette nous invite au cirque, notamment à un numéro extraordinaire de funambulisme. Pourtant l’artiste semblait définitivement finie après un grave accident. Une spectatrice fait remonter à la surface l’histoire de ce retour et de son prix. “Question d’équilibre” s’accompagne de magie, celle du cirque et de son monsieur Loyal, pour le plus grand plaisir des spectateurs et des lecteurs.
Dans “Doc Dinosaure 2.0”, Claude Lalumière se contente d’aller à l’essentiel. Il ne prend pas assez le temps de développer l’intrigue avec cette fille d’un multi-criminel, elle-aussi douée de capacités propres à faire trembler tous les super-héros terriens. C’est trop rapide et laisse un sentiment d’insatisfaction, car l’auteur nous a habitués à mieux sur ce thème, notamment dans le recueil « Odyssées chimériques ».
“Les lampes de Ganymède” de Michèle Laframboise est le plus long texte au sommaire. Un cadeau innocent de la part d’un oncle menace un habitat autour de Jupiter. Dans ce texte qui ne manque pas d’humour, les adultes se révèlent bien démunis face à cette invasion à l’allure innocente, mais aux effets dévastateurs. Heureusement qu’une enfant de onze ans, celle qui a reçu le présent à son anniversaire, fait preuve d’imagination. Efficace, prenant et dépaysant, avec une touche d’humour ce qui ne gâche rien.
Le Futurible en chef, à savoir Mario Tessier, nous a contacté un menu des plus savoureux. “Futurophagie, ou la nourriture à venir” explore la cuisine futuriste qui ne s’accompagne pas toujours, loin s’en faut, du plaisir de manger. La lecture de ce long article a fait remonter bien des souvenirs en moi, comme l’odeur du Tang. L’ensemble est toujours aussi attractif et intéressant avec les anecdotes, les références à des œuvres SF et à la réalité.
Dans le cadre du DALIAF, Claude Janelle revient sur le recueil « L’homme qui va... » (1929) de Jean-Charles Harvey (1891-1967). Sa vie est déjà un roman à elle-seule !
Le volet Critique s’étale sur 21 pages pour 13 chroniques, chacune couvrant donc plus d’une page et demie ! Celle du premier tome de « Le huitième registre » d’Alain Bergeron dépassant les trois pages sous la plume d’Élisabeth Vonarburg.
De nombreuses nouvelles entre SF et fantastique au sommaire, certaines répondant à des contraintes précises, ce qui n’est jamais facile. Toutes ne sont pas du même acabit, mais la “Futurophagie” fait immanquablement pencher la balance du côté positif. Et puis la couverture est du meilleur effet.
Titre : Solaris
Numéro : 229
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascal Raud, Daniel Sernine, Francine Pelletier et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Érick Lefebvre
Illustrations intérieures : Émilie Léger, Sagana Squale, François Pierre Bernier, Ericka Sezille, Julie Ray, Marc Pageau, Laurine Spehner, Mario Giguère, Michèle Laframboise et Suzanne Morel
Traductions : Pascal Raud (Doc Dinosaure 2.0)
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris
Période : hiver 2024
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 0709-8863
ISBN : 9782924625996
Dimensions (en cm) : 13,3 x 21
Pages : 162
Prix : 13,95 $ CAD
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