Au Havre, Bilal est un modèle de réussite. Fils de docker, passionné d’Histoire, il a monté une petite boite de visites guidées de la ville durant lesquelles il fait montre d’autant d’humour que de connaissances. Suite à une demande d’intégrer le travail du peintre Raoul Dufy à son parcours, il se rend au musée et tombe dans les pommes face à une étude (un premier jet) de Fin de Journée au Havre. Il attribue son malaise à la situation actuelle : beaucoup de travail, et surtout le retour au Havre de son oncle Rabah, parti dix ans plus tôt après avoir trahi famille et compagnons en brisant une grève des dockers. C’est un jaune, un renard, qui a empoché le pactole en chargeant en douce un bateau pendant le blocage. Son frère, le père de Bilal, l’a rayé de leur vie. Et Rabah revient, et étale sa richesse à tout Le Havre en s’installant dans une luxueuse villa du quartier bourgeois, narguant ses origines ouvrières.

Toute l’intrigue de ce second volume tourne donc autour du milieu ouvrier, marqué par les tentatives régulières du commerce mondial de mettre à bas le code du travail. Et ce combat, cette lutte solidaire s’incarne dans la famille de Bilal, tandis que Rabah est l’archétype du capitaliste égoïste et sans scrupules.
Tandis que l’histoire de Bilal et celle d’Enzo et Manon se rejoignent, on voit se nouer des fils laissés en suspens à la fin des « Passants Noirs », et les conséquences de leur coup de pied dans la fourmilière leur revenir à la figure : les courts interludes entre les chapitres, en italique, décrivant le parcours d’un tueur jusqu’au Havre font froid dans le dos.

Si dans le premier volume on ne savait pas trop où nos héros allaient, on devine ici qu’ils ne laisseront pas perdurer une injustice. Mais la Mafia étant déjà à leurs trousses, et ses liens avec Rabah sautant aux yeux, le risque pour eux est d’autant plus grand. L’auteur réussit à composer un second tome au rythme totalement différent, la tension un cran au-dessus puisque nous savons ce qui arrive à Bilal avant la réunion des jeunes protagonistes, et par l’épée de Damoclès au-dessus de Manon et Enzo.

En refermant ce volume, on ne peut que craindre des morts dans le prochain !
Je vais me répéter, mais c’est rythmé, nerveux, intelligent, cela tire le lecteur vers le haut avec des héros actifs, positifs (Bilal qui se donne les moyens de son succès) et les oppose à des méchants incarnant les pires dérives sociétales (argent facile, trahison, capitalisme...) sans jamais tomber dans un angélisme manichéen. Cette image d’une jeunesse qui doit composer avec le passif de ses aînés, mais qui ne se laisse pas faire, est le plus beau message du roman. Bilal essaie de sauver son oncle, mais celui-ci est non seulement tombé bien trop bas, mais il s’y complait et refuse la main rédemptrice qu’on lui tend. Qu’il en assume enfin les conséquences.

Bref, un excellent thriller, encre une fois, pour les grands ados.

Titre : Une Étude en Jaune
Série : Les Murmures, tome 2
Auteur : Guillaume Le Cornec
Couverture : Olivier Bonhomme
Éditeur : Seuil Jeunesse
Collection : 12+
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 283
Format (en cm) :
Dépôt légal : novembre 2023
ISBN : 9791023519280
Prix : 14 €